- CARRIÈRE INTERVIEWS
- Noam Ramillon
- 11 novembre 2024
Travailler en VC en Australie – le témoignage de Juliette
Dans la suite de la série d’interviews de jeunes VC, découvrez le témoignage de Juliette, analyste VC dans le fonds Climate Tech Partners, qui a décidé de partir à l’autre bout du monde, en Australie pour commencer sa carrière.
Peux-tu nous parler de ton parcours académique et professionnel avant d’intégrer le monde du VC ?
D’un point de vue académique, après avoir obtenu un baccalauréat scientifique (S), j’ai intégré HEI (Hautes Études d’Ingénieur), une école d’ingénieurs post-bac en cinq ans. Mes deux premières années se sont déroulées au sein d’une prépa intégrée, ce qui m’a ensuite permis d’accéder au Programme Grande École d’HEI.
En première année de master, j’ai choisi de me spécialiser dans l’innovation textile, le management et la distribution internationale. Cette formation m’a permis d’être sensibilisée aux enjeux liés à la durabilité dans l’industrie du textile et plus généralement aux challenges liés au climat dans l’industrie, ce qui était super intéressant. Lors de ma dernière année, j’ai complété mon parcours avec une spécialisation en finance, tout en poursuivant un double diplôme en finance quantitative (finance de marché) à l’IAE de Lille. Si vous avez la possibilité de faire un double diplôme, je vous encourage vivement à la saisir, car il sera toujours un signe de curiosité et un plus dans votre dossier.
Dans mon cas, n’ayant pas intégré une école d’ingénieurs de premier rang, mes chances d’accéder directement au secteur de l’investissement étaient limitées, un domaine souvent réservé aux diplômés des institutions les plus prestigieuses. Consciente que chaque chemin peut mener à nos objectifs et animée par ma volonté de travailler dans cette industrie, j’ai complété ma formation avec un Master en Corporate Finance à l’ESSEC, sur le campus de Singapour. Ce diplôme supplémentaire a été un véritable tremplin, me permettant non seulement de progresser plus rapidement, mais aussi d’être mieux équipée pour relever les défis du secteur.
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Qu’en est-il de tes expériences professionnelles ?
Concernant mes expériences professionnelles, j’ai travaillé en freelance comme brand developer pendant deux ans, parallèlement à mes études à HEI, chez Pumpkin App, une fintech, où j’étais responsable du développement de la marque pour le campus de Lille. Mon rôle consistait à accroître la notoriété de la marque à travers des événements, des opérations commerciales et marketing, ainsi qu’en améliorant les processus grâce aux retours utilisateurs. Cette expérience en startup m’a permis d’explorer les aspects commerciaux, financiers, marketing et d’acquisition client, des domaines que je n’avais jamais abordés dans mon parcours scientifique, tout en m’offrant une vision plus large du monde entrepreneurial.
En dernière année de master, j’ai eu la chance d’effectuer mon alternance chez BPI France, dans le département de financement de l’innovation en tant qu’analyste junior, au côté de personnes extrêmement bienveillantes qui m’ont introduit dans le monde de l’innovation. Mon rôle d’analyste m’a permis de collaborer avec des chargés d’affaires sectorisés, ce qui m’a offert une vue d’ensemble sur des startups variées, de la fintech à la santé en passant par l’industrie.
Durant mon année à Singapour, j’ai été sélectionnée pour participer à un graduate winter program d’une semaine au sein du fond souverain de Singapour, GIC Private Limited. Cette expérience a clairement orienté mes choix futurs, en confirmant à nouveau mon envie de rejoindre cette industrie et en m’aidant à passer les screenings pour mes entretiens de stage de fin d’études. Chaque expérience, aussi brève ou insignifiante qu’elle puisse paraître sur le moment, peut devenir un élément déclencheur d’opportunités à l’avenir.
Enfin, dans le cadre de mon master à l’ESSEC, je devais réaliser un stage de fin d’études et je savais que le Venture Capital était la prochaine étape logique pour moi. J’ai donc commencé mes recherches et j’ai pu intégrer pendant 6 mois Seventure Partners (Natixis Group), dans l’équipe digitale avec comme thèse d’investissement series A focus cybersécurité, AI et industries du futur.
Qu’est-ce qui t’a motivé finalement à choisir le VC plutôt qu’un autre métier de la finance ?
La genèse de ma (très jeune) carrière en VC, c’est grâce à une association de mon école, LilleTalks, qui organisait des événements sur le même concept que les TEDx, axés sur l’innovation. J’ai assisté à plusieurs de leurs événements, attirée par l’implication de mes amis, et c’est en voyant les entrepreneurs pitcher que j’ai eu un déclic : je voulais, moi aussi, changer le monde avec passion. Leur courage et leur détermination m’ont inspirée, je voulais faire pareil.
Je ne me suis pas lancée, peut-être par manque de légitimité ou autre, mais j’encourage vivement les jeunes et les étudiants à le faire s’ils ont une idée solide. Les établissements scolaires offrent aujourd’hui beaucoup de soutien à l’innovation, aussi bien éducatif que financier, et cette période de la vie reste objectivement plus propice aux risques entrepreneuriaux que plus tard, avec des responsabilités familiales. Petit regret, je te l’avoue….
Mon passage chez Pumpkin App et Bpifrance m’a permis de comprendre de l’intérieur le fonctionnement d’une startup, ce qui m’a donné envie de les soutenir davantage, d’avoir un réel impact au-delà du simple financement. Les défis auxquels font face les entrepreneurs sont loin d’être simples ; je voulais m’impliquer à leurs côtés, financièrement et stratégiquement.
Le Venture Capital s’est imposé à moi comme une évidence, car il combine innovation, finance, accompagnement, et challenge permanent. Trouver la licorne de demain n’est pas à la portée de tous. Ce métier me passionne, car il me permet d’apprendre au quotidien et d’être au cœur de l’économie mondiale, ce que je trouve captivant.
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Pourquoi avoir choisi de commencer sa carrière à l’étranger ?
Dans un premier temps, j’ai adoré vivre à l’étranger pendant mon année à Singapour. C’était une opportunité incroyable d’apprendre sur moi-même, de sortir de ma zone de confort, de découvrir de nouvelles cultures, de travailler dans une autre langue dans un environnement multiculturel, et surtout, de voyager.
J’étais convaincue que je voulais débuter ma carrière à l’international, mais je n’avais pas encore décidé du pays anglophone. New York, San Francisco et Londres m’attiraient beaucoup également. Au-delà de raisons personnelles, je pense qu’avoir une vision globale du business, quel que soit le secteur, est essentiel pour mieux appréhender les enjeux actuels.
Après mon année en Asie, j’ai eu la chance de passer une semaine en Australie avant de rentrer en France. Sydney a été un véritable coup de cœur : imaginez la côte ouest française et le CBD de New York réunis au même endroit ! J’exagère un peu, mais ce mélange de vie professionnelle dynamique et de cadre de vacances m’a convaincue en un instant.
J’ai donc pris mes billets d’avion avant même de commencer mon stage en France, décidée à m’installer de manière plus durable en Australie. Probablement un peu risqué, car rien ne m’attendait, mais bon…
Après avoir fini ton stage de fin d’études chez Seventure Partners, tu recherches un CDI, comment arrives-tu chez Climate Tech Partners ?
Comme mentionné précédemment, je souhaitais m’installer en Australie. Consciente de la difficulté de trouver un emploi (et surtout une entreprise prête à sponsoriser un visa), j’ai commencé par demander un Working Holiday Visa (PVT). Ce visa est relativement restrictif, car il ne permet pas de travailler plus de six mois pour la même entreprise, mais il offre l’opportunité de faire ses preuves avant de décrocher un sponsorship. C’est une stratégie que je recommande particulièrement aux juniors comme moi. Les VIE sont aussi une très belle porte d’entrée pour travailler en Australie, mais malheureusement, il n’y avait pas d’offre en VC.
Depuis la France, j’ai finalement trouvé un poste de Chef de Projet dans une entreprise de services pour startups appelé Startup&Angels à Sydney. Cette entreprise développe un réseau visant à connecter toutes les parties prenantes de l’écosystème (startups, investisseurs, incubateurs, etc.). Cela m’a permis de mettre un premier pied dans l’écosystème australien. J’y suis restée six mois, car en Australie, le visa de travail sans sponsorship est limité à cette durée.
Pour maximiser mes chances de rester en Australie, j’ai ensuite veillé à étendre mon réseau localement. Le véritable tournant a été un événement alumni d’écoles de commerce, incluant l’ESSEC. C’est là que j’ai rencontré un contact du Partner du fonds où je travaille aujourd’hui, qui m’a introduit. J’en suis très reconnaissante.
Après plusieurs rounds d’entretien, études de cas et vérifications de références : Here we go! Back in the VC game, exactement comme je le souhaitais et avec une thématique d’investissement qui me passionne (très important).
Et donc qu’est-ce que Climate Tech Partners ? Quel est son fonctionnement ?
Climate Tech Partners (CTP) est un fonds de Venture Capital basé à Sydney, dédié aux innovations climatiques. Le fonds se concentre sur trois grandes verticales :
- Énergie
- Transport et logistique
- Industrie et ressources minières
CTP vise à combler le fossé entre les technologies émergentes et les objectifs climatiques des grandes entreprises. En collaborant étroitement avec des corporates, CTP identifie des opportunités d’investissement à fort impact, alignées avec les besoins et les stratégies de décarbonation de ces entreprises.
Le fonds est en cours de levée, avec une première clôture prévue d’ici la fin de l’année ou en début de 2025. Nous nous concentrons principalement sur des investissements en série A, mais restons ouverts à des tours en phase plus précoce ou légèrement plus avancée si des opportunités prometteuses se présentent.
Aujourd’hui, nous sommes une équipe d’investissement de 3 personnes (la 4ᵉ pépite ne devrait pas tarder à nous rejoindre) avec 1 personne qui s’occupe de la relation entre nos compagnies portefeuille et les entreprises et deux membres indépendants de l’investment committee. Beaucoup choisissent d’intégrer de grands fonds prestigieux en sortie d’études, ce qui est une excellente opportunité. Mais, pour être honnête, travailler au sein d’une petite équipe, en collaboration directe avec des postes seniors, est une source d’apprentissage inestimable et offre un accès à un savoir sans limite.
Quel est ton rôle au sein de ce fonds ?
Actuellement, mes tâches diffèrent quelque peu de ce que sera mon quotidien dans les mois à venir, étant donné que le fonds n’est pas encore clôturé.
Pour l’instant, j’assiste les Partners dans le processus de levée de fonds, en travaillant sur les présentations et en participant à la mise en place de l’ensemble des aspects commerciaux, de due-diligence, juridiques, financiers et administratifs.
Parallèlement, je prépare des rapports de marché sur les innovations, j’organise des rencontres avec des startups et participe à des événements afin de rester à jour et d’optimiser notre temps pendant la levée.
J’apprends énormément et je suis ravie de découvrir cet aspect, que je considère comme une vraie opportunité en tant que junior. Cependant, j’ai vraiment hâte de reprendre pleinement mon rôle d’analyste d’investissement !
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Niveau rémunération, à quoi peut-on s’attendre en travaillant en Australie ?
Je suis récemment arrivée en Australie, et je n’ai pas encore une vision complète des niveaux de salaires en finance à Sydney. D’après ce que j’ai pu observer, ils semblent globalement comparables à ceux de l’écosystème parisien, en tenant compte du coût de la vie local.
As-tu remarqué des différences et/ou similitudes dans les process de recrutement des fonds français et des fonds à l’étranger ?
Mis à part les entretiens 100 % en anglais, j’ai trouvé que les processus de recrutement sont relativement similaires à ceux que j’ai pu connaître en France ou dont j’ai discuté avec mes amis dans ce secteur. Un mélange de fit et de technique. Les références sont possiblement plus importantes pour des postes en CDI.
Pour finir, quels conseils donnerais-tu à un étudiant intéressé par cet écosystème pour se préparer aux entretiens ?
Les conseils que je donnerais aux étudiants pour bien préparer leur entretien :
- Bien connaître le fonds : Renseignez-vous en profondeur sur le fonds auquel vous postulez (thèse d’investissement, investissements précédents, etc.) et soyez capable de justifier, à travers votre parcours et vos intérêts personnels, pourquoi vous souhaitez intégrer ce fonds plutôt qu’un autre. Avoir une thématique de prédilection avec une certaine « expertise » peut être particulièrement valorisé par certains Partners, surtout pour les juniors.
- Développer sa curiosité : Lisez des newsletters spécialisées, posez des questions, participez à des événements, rejoignez des groupes d’analystes juniors comme Baby VC, et rencontrez des professionnels, des entrepreneurs ou des investisseurs. Remplissez votre CV d’expériences qui feront la différence, même si elles sont courtes. Avoir des choses à raconter est essentiel.
- Prendre de l’avance sur le rôle : Familiarisez-vous avec les aspects techniques du métier en suivant des formations (Excel, etc.), en explorant des cap tables, des waterfalls, des term-sheets ou d’autres documents, même si vous ne comprenez pas tout au début. Prendre un rôle en main n’est jamais évident, et cela vous aidera à vous acclimater. Avec l’IA et les ressources illimitées à notre disposition, il n’y a plus d’excuses…
Bonne chance à ceux qui ont lu cet article jusqu’ici ! N’hésitez pas à me contacter si vous avez d’autres questions.