Sport et entrepreneuriat : une grande histoire d’amour

Sport et entrepreneuriat : une grande histoire d’amour

 

S’il existe bien un secteur d’activité, parmi tant d’autres, qui se prête parfaitement à l’esprit entrepreneurial c’est bien celui du sport. Quel sportif n’a jamais esquissé l’envie de vivre de sa passion, et si ce n’est par la pratique, via un moyen détourné comme créer son entreprise ? Dans cet article, nous allons explorer les liaisons qui font du sport de haut niveau et de l’entrepreneuriat de si bons partenaires.

 

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Le sport, un secteur économique en plein essor

Si le sport est un secteur favorable à l’entrepreneuriat c’est qu’il s’agit d’un marché lucratif. On peut distinguer cinq types d’acteurs différents dans l’économie du sport : les clubs de sport professionnels, les médias sportifs, les fabricants d’articles, les distributeurs et les gestionnaires d’infrastructures privées. C’est notamment dans les trois derniers secteurs que les opportunités d’entreprendre sont les plus grandes. En 2023, malgré l’inflation qui rogne le revenu disponible des ménages en activité, leur consommation liée au sport devrait augmenter de 6%. Le sport n’est pas seulement bon pour le corps, il l’est aussi pour l’économie.

 

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Les sportifs, de potentiels entrepreneurs au service de leur sport

Pour comprendre la capacité des sportifs de haut niveau à entreprendre, il est intéressant de se pencher sur le processus de création entrepreneuriale.

Dans la culture contemporaine, l’entrepreneur tend à être mythifié. Il serait une sorte de démiurge ayant tout prédit avant tout le monde. Or comme nous l’apprend la théorie, la réalité est généralement plus prosaïque.

Dans sa théorie de l’effectuation, Saras Sarasvathy, professeure d’entrepreneuriat à l’université de Virginie, renverse le paradigme dominant concernant la prise de décision de l’entrepreneur. Généralement, on perçoit l’aventure entrepreneuriale dans une logique causale : l’entrepreneur réalise une prédiction, construit son modèle commercial en fonction, et cherche ensuite à mobiliser des ressources pour mettre en œuvre son idée.

Pour Sarasvathy c’est tout l’inverse, l’entrepreneur part d’abord des ressources qui lui sont disponibles pour construire son projet. Il fait un état de sa légitimité, de ses connaissances et de son réseau. L’entrepreneur ne fait pas de prédictions sur de futurs profits ou l’évolution de la concurrence, il accepte l’incertitude et cherche à l’appréhender en nouant des partenariats stratégiques.

Cette théorie se montre particulièrement éloquente dans le cas des reconversions des sportifs professionnels comme entrepreneurs dans leur discipline. Un sportif qui s’engage dans l’aventure entrepreneuriale mobilise les ressources relationnelles, intellectuelles et financières qu’il a acquis durant sa carrière sportive pour entreprendre de manière fructueuse. Ici la connaissance du milieu sportif est primordiale.

 

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Nike, l’illustration du processus entrepreneurial dans le sport

Dans le monde du sport un des exemples les plus fameux est assurément celui de Nike. À l’origine de la multinationale étatsunienne, Phil Knight un ancien athlète en demi-fond de l’université d’Oregon. Dans les années 60, après l’obtention de son diplôme en gestion d’entreprise il entreprend un voyage au Japon à Kobe, où il rencontre Kihachiro Onitsuka le fondateur de ce qui deviendra plus tard Asics. Fasciné par la qualité et le faible coût de production de la chaussure « Tiger » il négocie avec Onitsuka les droits de distribution de sa chaussure aux États-Unis. De retour au pays il s’associe avec son ancien et influent entraineur Bill Bowerman qui équipe ses athlètes avec la chaussure japonaise. Ensemble ils créent Blue Ribbon Sports en 1964, l’ancêtre de Nike.

Cette histoire illustre parfaitement le processus entrepreneurial décrit par Sarasvathy. Phil Knight a utilisé ses ressources personnelles (ses connaissances en gestion, en course à pied et sa relation avec Bill Bowerman) et a su nouer un partenariat stratégique (avec Onitsuka) pour lancer son entreprise.

Mais si le sport de haut niveau pourvoit l’athlète en ressources pour démarrer son affaire, il lui confère aussi un certain conditionnement mental favorable à la performance.

 

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Les entrepreneurs sont des sportifs de haut niveau

Il est intéressant de se pencher sur les parallèles entre la pratique du sport à haut niveau et l’aventure entrepreneuriale. Dans une étude de cas publiée en 2013 dans la revue Gestion, Éric Brunelle, professeur à HEC Montréal, analyse comment la carrière professionnelle du cycliste québécois Louis Garneau lui a permis de devenir un entrepreneur à succès en créant Louis Garneau Sports, un équipementier cycliste.

Il identifie plusieurs facultés individuelles développées dans la carrière sportive qui participent au succès entrepreneurial. Tout d’abord, comme facteur de performance de l’athlète et de l’entrepreneur il insiste sur la nature des motivations. Plus l’activité est liée à des motivations intrinsèques, c’est-à-dire pour le plaisir en lui-même d’exercer l’activité, plus l’individu sera performant. En effet, dans cette situation l’individu s’autodétermine, il n’est contraint par aucune pression extérieure. Seule la passion le guide. À l’inverse, si les motivations de l’individu sont seulement d’ordre extrinsèques, c’est-à-dire guidées uniquement par la recherche d’une récompense matérielle, les conséquences sont délétères dans la pratique de l’activité.

Louis Garneau était un cycliste passionné par son sport, il l’est resté en tant qu’entrepreneur au point de tester tous les équipements produits par son entreprise. Comme il l’exprime très bien, sa motivation va au-delà : « Faire de l’argent pour continuer à allumer l’entrepreneur, c’est la première chose que j’ai apprise en affaires. Il y en a qui font de l’argent pour devenir riches, s’acheter des Ferrari, moi, ce n’est pas ça qui m’anime. L’entrepreneur cherche à créer, à réaliser, à accomplir. »

Éric Brunelle dresse également un parallèle entre la faculté d’apprentissage de l’entrepreneur et celle de l’athlète. Pour réussir, il faut être capable de connaître le goût de l’effort, d’apprendre de ses erreurs et à gérer aussi bien la pression que ses émotions. Il affirme que la pratique du sport à haut niveau offre un conditionnement mental adapté à la réussite dans la sphère entrepreneuriale. De quoi se laisser à penser que l’entrepreneuriat est un sport de haut niveau.