David CUKROWICZ – Zoom sur le monde du conseil

David CUKROWICZ – Zoom sur le monde du conseil

Le domaine du conseil est particulièrement prisé des étudiants de Grandes Écoles, à tel point qu’un grand nombre d’entre elles développent autour de cela de véritables parcours spécialisés – type Career Track Conseil – pour préparer au mieux leurs étudiants. Nous avons échangé avec David CUKROWICZ, un ancien du BCG cumulant une dizaine d’années dans les secteurs du conseil en management et en stratégie. Désormais entrepreneur et coach en entretiens pour les principaux cabinets, il a fondé www.lastep.io : une plateforme qui aide les candidats à se préparer aux entretiens dans les cabinets de conseil.

 

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle David Cukrowicz, j’ai 33 ans, je suis marié et j’ai deux petites filles : Emy et Lia. Je suis fan de sport, particulièrement de football. J’ai été président d’un petit club départemental de foot dans le 94 il y a quelques années de cela. Je suis diplômé de l’ENSAE – promotion 2011 – et d’un Master 2 de Finance Quantitative obtenu à l’Université Paris 7 au cours de la même année. A l’issue de mes études, j’ai démarré ma carrière en CDD chez HSBC Londres en finance de marché ; mais l’aventure n’a duré qu’une seule année notamment en raison de la crise financière qui frappait fortement le secteur bancaire à cette période. Après cette expérience en banque, je suis rentré à Paris et me suis dirigé vers le conseil un petit peu par hasard je dois avouer. Mais le conseil m’a beaucoup plu et j’y ai consacré la suite de ma vie professionnelle jusqu’à aujourd’hui : 3 ans chez Accenture, 2 ans chez Capgemini Consulting et enfin 3 ans au Boston Consulting Group. J’ai récemment démissionné du poste de Project Leader que j’occupais au BCG car après 8 années en cabinet, je souhaite à présent un nouveau challenge en me lançant dans l’univers de l’entreprenariat. En autres, je lance le site www.lastep.io qui aide les candidats à se préparer aux entretiens dans les cabinets de conseil.

 

En quoi consiste concrètement le métier de Consultant en stratégie ?

Le conseil est un métier de service dans lequel le client est toujours au centre. Le champ d’intervention du métier de consultant est très vaste puisqu’il englobe toutes les problématiques des clients : du support pour la prise de décisions stratégiques à l’implémentation de ces décisions au sein de l’organisation. Plus spécifiquement sur le consultant en stratégie, il se positionne principalement chez le client auprès d’interlocuteurs ComEx. Les Directions Générales font appel à de l’aide externe en s’appuyant sur les méthodologies de travail des cabinets de conseil et leur capacité à apporter des recommandations en toute neutralité.

 

Comment se déroule une mission de Conseil ? Quelles sont les étapes propres au BCG ?

Chaque mission de conseil a ses caractéristiques bien spécifiques, c’est d’ailleurs ce qui fait l’intérêt et la singularité du métier.
Typiquement, une mission repose sur 3 phases : une première phase de compréhension du contexte et des enjeux du client ; une seconde phase de construction d’un plan d’actions répondant à la problématique posée et une dernière permettant d’aider le client à sécuriser la mise en œuvre opérationnelle.

Je retiens de mes années BCG la capacité à mener ces 3 phases en des temps très courts, en s’appuyant d’une part sur une connaissance intime des problématiques des clients et d’autre part sur la capacité à mobiliser un réseau d’experts internationaux avec une fluidité étonnante.
Au cours de projets parfois très complexes, j’ai régulièrement échangé avec des collègues d’autres bureaux du monde entier qui m’ont éclairé sur leurs expériences (en respectant bien entendu les règles de confidentialité des clients) ; ce qui aide à aborder les problématiques avec le bon angle d’attaque et donc à être plus efficace, plus impactant.
Réciproquement, des collègues étrangers ont fait appel à moi, pour les aider sur des thématiques spécifiques sur lesquelles j’ai eu l’occasion de travailler.

 

Comment décririez-vous le rythme de travail d’un Consultant ? Une vie personnelle en parallèle est-elle envisageable ?

Globalement dans le conseil, on travaille beaucoup. Mais toutes les missions ne se ressemblent pas : certaines ne durent que quelques semaines ; d’autres plusieurs mois. L’actif le plus important d’un cabinet de conseil est son pool de talents. Les cabinets (et je confirme cela pour le BCG) mettent en place de plus en plus d’initiatives internes pour préserver cet actif en favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En revanche, même s’il y a des « gardes fous » pour contrôler que cet équilibre est réel et fluidifier la communication au sein des équipes, c’est à chacun de se fixer ses propres limites, les communiquer à son management et surtout faire en sorte de les mettre en œuvre. Il y a toujours la possibilité d’en faire plus mais pour tenir sur la durée, il faut être très discipliné. Personnellement, j’ai toujours essayé de m’imposer de quitter le bureau à 20h (avec des exceptions, je ne vais pas mentir) pour avoir le temps de voir mes enfants et diner avec ma femme. Il m’est arrivé régulièrement de retravailler le soir une fois que mes filles dormaient ; chacun met en place sa propre organisation… Aussi, j’ai eu l’opportunité un moment donné de prendre un congé « sabbatique » de 2 mois, ce qui m’a permis de me ressourcer et de revenir en forme ensuite. L’avantage du métier de consultant est que personne « ne prend notre place » en cas d’absence, il y a toujours des projets qui s’achèvent et d’autres qui démarrent. En cela, le conseil est particulièrement flexible.

 

Qu’est ce qui différencie le conseil en stratégie d’autres métiers de conseil (conseil en management par exemple) ?

J’ai pu travailler en conseil en management et en conseil en stratégie. Il n’y a selon moi pas de hiérarchie entre les deux mais un positionnement différent.
Le conseil en stratégie se positionne en amont dans la chaine de valeur du projet, en aidant les clients dans leur orientations stratégiques.
Le conseil en management va se positionner plus en aval en accompagnant les clients dans des phases de mise en œuvre, d’implémentation des projets de transformation.
En somme, ces deux positionnements sont complémentaires et c’est très intéressant d’avoir eu la chance de travailler des deux côtés.

 

Quelles sont les perspectives d’évolution d’un consultant notamment pour monter dans la pyramide des grades ?

Les cabinets de conseil ont effectivement un modèle pyramidal : du consultant junior au partnership. Cette pyramide qui existe au sein de l’organisation se retrouve dans les structures projets qui sont déployées chez les clients : avec plus de consultants juniors et moins de profils plus séniors (chefs de projet, partners, …) Cette organisation qui peut paraitre de premier abord cloisonnée et hiérarchique ne l’est en réalité pas vraiment. Ce modèle est en effet très aspirationnel car les cabinets de conseil ont besoin de promouvoir les consultants pour le faire perdurer. Pour monter, il faut être bon sur ses projets : pouvoir au fur et à mesure du temps gagner en rigueur, en impact (dans ses analyses, sa communication, …) et être de plus en plus autonome. Les cabinets ont des dispositifs bien rodés d’évaluation qui permettent d’objectiver autant que possible l’évolution des consultants, selon un modèle méritocratique.

 

L’international dans le conseil, c’est comment ?

Certaines missions peuvent se dérouler en partie ou totalement à l’étranger. Certains consultants souhaitent être positionnés sur ces projets, cela n’a pas été mon cas ayant deux jeunes enfants à la maison. Beaucoup de cabinets proposent également des programmes de transferts temporaires (1 ou 2 ans) ou de transferts permanents au sein d’un autre bureau. A titre d’exemple, j’ai un ami qui a récemment été transféré depuis le bureau du BCG à Milan vers le bureau de Paris.

 

Quelles sont les différentes sorties après une expérience en cabinet de conseil en stratégie ?

Si je devais retenir trois sorties typiques des consultants après quelques années de conseil en stratégie je citerais les suivantes : l’entrepreneuriat, le recrutement auprès des clients, le recrutement au sein de start-ups, souvent à des postes stratégiques (CFO, directeur / directrice de la stratégie). Cette liste est bien entendu loin d’être exhaustive, il y a des sorties moins typiques et parfois insolites: John Legend par exemple, est un ancien du BCG.

 

Est-ce difficile de rester plus de 10 ans dans un cabinet MBB par exemple au BCG ?

Certaines personnes souhaitent quitter le conseil après 1 an et demi, d’autres y effectuent l’intégralité de leur carrière. Chaque consultant a son histoire, ses aspirations et son agenda personnel. Il s’agit d’un métier très stimulant intellectuellement et socialement mais également particulièrement exigeant et consommateur de temps et d’énergie. Chaque année, il faut se poser la question de l’équilibre entre ce que le métier nous apporte et ce qu’on doit lui donner. Personnellement, j’ai décidé de quitter le BCG non pas parce que le cabinet ne m’apportait plus suffisamment mais parce que j’éprouvais le désir de m’essayer à autre chose. Je ne regrette en aucun cas d’avoir consacré ces années à ce métier.

 

Quels sont les profils recherchés en priorité ?

Les cabinets de conseil en stratégie recrutent une grande partie des effectifs à des postes juniors, en misant principalement sur une liste assez réduite d’écoles cible de commerce et d’ingénieur (HEC Paris  ESSEC, ESCP, emlyon, X, Mines ParisTech, Ecole des Ponts, Centrale Supélec  Supaero). Par ailleurs, des profils plus expérimentés rejoignent également ces cabinets à des moments plus avancés de leur carrière. A ce moment-là, l’expérience et l’expertise prédominent largement sur l’école, évidemment. Au global, quel que soit le moment où le processus de recrutement se déroule, les cabinets recherchent des profils qui sont des bons communicants, qui ont du business sense et qui sont structurés dans la manière avec laquelle ils abordent les problèmes. L’étude de cas, systématiquement intégrée au processus de recrutement, est un outil qui permet de tester les candidats sur ces dimensions.

 

Vous nous avez confié avoir ne pas avoir directement été pris au BCG… Pourquoi selon vous ?

A l’issue de mon expérience chez HSBC à Londres en 2012, je me suis dirigé vers le conseil complètement par hasard. J’ai postulé au BCG qui m’a reçu en entretien mais je n’avais jamais entendu parler d’une étude de cas à ce moment-là. Lorsque l’interviewer m’a énoncé le problème, j’étais totalement perdu. Sans préparation, cela ne peut pas marcher.

 

Un mot sur la préparation des entretiens justement ?

Se préparer aux entretiens aux cabinets de conseil en stratégie est un processus qui prend du temps. Je conseille aux candidats de pas trop se précipiter et de se lancer une fois la préparation bien avancée. Un entretien classique comporte une première partie de discussion (« fit ») et ensuite une étude de cas, basée sur un projet effectivement réalisé par l’interviewer. Pour le fit, il faut montrer une cohérence dans son parcours et ses motivations pour le cabinet en étant le plus spécifique et le plus précis possible. Bien construire son narratif et se préparer aux questions récurrentes est un exercice à ne surtout pas négliger ; beaucoup de candidats se focalisant principalement sur l’étude de cas. Pour l’étude de cas justement, étudier les frameworks qui sont dans les livres est important ; la plupart des candidats le font bien mais ce n’est hélas pas suffisant ! En réalité, ces frameworks ne fonctionnent pas toujours et un bon nombre des études de cas proposées nécessitent une approche sur mesure.
Pour réussir cette partie de l’entretien, il faut parvenir à plonger complètement dans le sujet proposé et se l’approprier en posant les bonnes questions de clarification. Ce n’est que comme cela que l’on parvient à construire une structure permettant de bien mener la discussion et d’avancer dans la résolution du cas.
Il y a une partie de business sense intrinsèque au candidat certes, il ‘y a probablement un peu de chance aussi, mais beaucoup de pratique maximise les probabilités de succès.

 

Que retenez-vous de votre expérience au BCG par rapport aux autres MBB ?

La comparaison est difficile et ne saurait être objective lorsque l’on a travaillé que pour le BCG ! Je garde en tout cas un excellent souvenir de ces 3 années ; j’ai énormément appris, chaque jour, autours d’individus de très haut niveau, dans une bonne ambiance et dans un climat respectueux de l’autre.

 

Covid-19, quelles conséquences pour le conseil ?

A court-terme et à partir de mi-mars, le conseil comme les autres entreprises a dû s’adapter au confinement et revoir les modes d’interaction, en interne et avec les clients. J’observe que beaucoup de bonnes pratiques émergent de cette crise : notamment autours du télétravail et des outils digitaux collaboratifs. Beaucoup de ces pratiques devraient perdurer, et c’est une bonne chose ! D’un point de vue business, la priorité absolue des entreprises a été de gérer la continuité de leurs activités tout en respectant les consignes sanitaires pour préserver leurs employés. Du fait de la gestion de crise, la dynamique projet s’est ralentie et beaucoup de cabinets de conseil ont donc observé une baisse du carnet de commandes après la mi-mars. Cependant, une fois la crise passée, la transformation des entreprises ne s’achèvera pas et les cabinets de conseil seront toujours de fidèles partenaires pour aider à mener à bien ces transformations. Même si l’explosion du secteur observée depuis 10 ans devrait marquer un temps d’arrêt, je ne suis pas particulièrement inquiet à moyen-terme.

 

La suite pour vous, après le BCG ?

Je continue à exercer mon métier de consultant mais d’une autre manière, à mon compte avec un statut de freelance me permettant de gérer mon temps d’une autre manière. Par ailleurs, j’ai lancé le site www.lastep.io, qui est une plateforme qui s’appuie sur des experts des entretiens en consulting pour aider les candidats à se préparer aux entretiens. J’ai coaché moi-même de nombreux candidats dans la préparation des entretiens. Avec une plateforme comme Lastep, je mets à disposition des candidats des ex-interviewers qui peuvent leur apporter une aide personnalisée pour les cabinets pour lesquels ils postulent. Je suis surtout légitime pour le BCG mais pas autant pour les autres cabinets. Une des clés du succès est de comprendre la spécificité / l’identité du cabinet auquel on postule.  

Co-fondateur du média, je gère les relations avec les entreprises partenaires et les Grandes Ecoles. En parallèle étudiant à Sciences Po Paris ainsi qu'à emlyon business school.