
- ACTU BUSINESS INDUSTRIE
Nathan Henriot
- 1 mars 2025
Que deviennent les vieux avions dans le monde ?
Chaque année, des centaines d’avions arrivent en fin de vie après des décennies de service. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils ne finissent pas simplement dans une casse. Le recyclage, la réutilisation et des initiatives innovantes permettent de prolonger leur existence sous d’autres formes.
Explorons la nouvelle vie des géants sur ciel une fois de retour sur la terre ferme.
De plus en plus d’avion au rebut
En moyenne, un avion de ligne à une durée de vie d’une trentaine d’années. Le taux de renouvellement des flottes aériennes est en croissance. En 2015, Boeing évaluait son taux de changement entre 2 et 3%. Philippe Fournadet, président de Tarmac Aerosave (dépendant de Airbus, Sita et Snecma) estime qu’à l’échelle mondiale, entre 12 000 et 15 000 appareils seront mis à la casse sur les 20 prochaines années, c’est-à-dire 600 à 750 chaque année. Près de la moitié des appareils jetés au rebut seront des Airbus.
En parallèle, le recyclage des avions joue un rôle crucial dans la réduction de l’empreinte écologique du secteur aérien. Grâce aux progrès techniques, les avions consomment de moins en moins de kérosène. Il est donc parfois, pour les compagnies, plus rentable de se séparer prématurément d’un ancien avion pour le remplacer par un avion plus économe en carburant.
Lire plus : Travel Retail : acteurs, business et perspectives
Les cimetières d’avion
Aujourd’hui, le destin le plus courant des avions hors service est le démantèlement. Il permet d’éviter de laisser des centaines d’appareils dans de simples cimetières à ciel ouvert.
L’un des cimetières les plus emblématiques est le Davis-Monthan Air Force Boneyard en Arizona. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont amassé des milliers d’appareils hors d’usage. Le site militaire de Davis-Monthan s’étend sur près de 1 100 hectares et abrite près de 4 000 aéronefs. Certains de ces avions, après leur mise au rebut, sont démontés et leurs composants métalliques recyclé, mais ce n’est rien en comparaison de la quantité d’avions stockés. D’autres sites remplissent des fonctions similaires, à l’instar du Pinal Airpark en Arizona, le Centre aérien de Roswell au Nouveau-Mexique, Alice Springs en Australie ou encore Teruel en Espagne.

Le démantèlement et le recyclage des avions
De Tarbes à Teruel, en passant par leur homologue américain Mojave, ces sites accueillent des milliers d’appareils chaque année pour leur offrir une seconde vie. Près de 90% des composants d’un avion peuvent y être recyclés. Les moteurs, trains d’atterrissage, sièges et systèmes électroniques encore fonctionnels sont reconditionnés et re-certifiés dans des ateliers agréés puis revendus pour être réutilisés sur d’autres appareils. Certains cockpits sont conservés seuls pour la formation des futurs pilotes. Même les boîtes noires peuvent être réutilisées, et après vérifications, revendues pour près de 14 000 euros. Au total, entre 1 000 et 1 500 pièces sont récupérées dans un avion pour le marché de l’occasion. Les structures en aluminium et titane sont quant à elles refondues pour d’autres industries (automobile, alimentaire, textile…). Un avion démantelé correctement permet de fabriquer plus de 5 millions de canettes de soda et peut rapporter près de 1 à 3 millions d’euros à la revente.
D’après une étude conjointe de TeamSAI Consulting et l’Afra (Aircraft Fleet Recycling Association), le marché mondial du démantèlement d’avions représentait une valeur totale d’environ 80 millions de dollars en 2014. Selon l’Afra, la valeur cumulée de toutes ces pièces d’occasion (vendues entre 30 et 50% du prix du neuf) atteindrait plus de 3 milliards de dollars par an. Néanmoins, les quantités croissantes d’épaves et de pièces détachées conduisent à une baisse globale de leur valeur.
Lire plus : Qui recrute en 2025 ? Top 10 des plus gros recruteurs du secteur industriel
La France et l’Espagne, leaders européens du recyclage aéronautique
Avec 15 % du marché mondial en 2015, la France est le leader européen du recyclage d’avions. Les avions finissent leur vie en général sur deux sites dédiés : Châteauroux (où se sont rendus les équipes de Jamy) ou en Occitanie. Le plus ancien est sur l’aéroport de Châteauroux, où opère l’entreprise Bartin Aero Recycling (filiale de Veolia) depuis 2005. Le second en Occitanie est occupé par l’entreprise Tarmac Aerosave.
Le cas de Tarmac Aerosave en Europe
Tarmac Aerosave est une filiale d’Airbus, Safran et Suez basée à Tarbes. L’entreprise fait figure de référence dans le domaine du démantèlement. Elle gère l’ensemble du cycle de vie des aéronefs depuis la maintenance jusqu’au démantèlement depuis 2007. Pour répondre à une demande croissante, Tarmac Aerosave s’est étendue et a ouvert de nouveaux sites : Teruel en Espagne en 2013, Toulouse en 2017 et plus récemment à Chengdu en Chine.
Depuis l’arrivée du premier avion à Teruel, un Boeing 747 de Martinair, le site est devenu une référence mondiale pour le stockage, la maintenance et la remise en service des gros porteurs. Parfois appelé « l’aéroport sans passagers », Teruel est connu mondialement pour ses parkings gigantesques d’avions qui ont joué un rôle crucial dans le stockage temporaire d’avions immobilisés pendant la crise covid. Avec 120 places de parking, Teruel est devenu le plus grand site de stockage d’Europe, suivi par celui de Tarbes. Cet ancien site militaire espagnol fondé en 1930 est idéal pour le stockage d’appareils. Son climat sec et son altitude préservent les appareils de l’humidité. De 2013 à 2023, Tarmac Aerosave a accueilli 1 470 avions, dont 450 avions à Teruel et y a remis en vol 1 000 avions, dont 290 avions à Teruel.
Lire plus : Le dossier Airbus : salaires, processus de recrutement, carrière
La conversion des avions en restaurants et musées
En parallèle du démantèlement, certains avions trouvent une seconde vie en tant que lieux insolites. En Cisjordanie, deux frères palestiniens ont ouvert un avion-restaurant dans la carlingue d’un ancien Boeing 707. De la même manière, à Saint-Martin-du-Touch, près de Toulouse, Paul Bertin a ouvert Cockpit, un restaurant qui vous invite à voyager dans les airs grâce à de véritables pièces aéronautiques.
Aux Pays-Bas, un Boeing 747 est venu prendre congé devant l’hôtel Corendon pour devenir un musée de l’Histoire de l’aviation. Le célébrissime Concorde, est conservé au musée de l’Air et de l’Espace du Bourget depuis son retrait du ciel en 2003. Enfin, le musée de Sinsheim en Allemagne accueille près de 60 appareils historiques ! Ces reconversions permettent de préserver l’histoire de l’aviation et d’offrir une nouvelle vie aux avions hors service.
Lire plus : Greenpeace affirme que le train est deux fois plus cher que l’avion
D’un avion obsolète à des objets du quotidien
Des vêtements à la décoration d’intérieure, certaines entreprises transforment des parties d’avions en objets du quotidien pour le grand public. Les hublots sont par exemple plébiscités par l’industrie de la décoration ou encore du textile. Par exemple, en 2018, deux salariés d’Airbus, Jérémy Brousseau, responsable qualité de l’A350 et Anaïs Mazaleyrat, chargée de la transformation digitale ont fondé en interne une startup dénommée A piece of sky. Le principe est très simple : donner vie à des meubles design à partir de vieux avions. Ainsi, à partir de la structure d’aile d’un A340, l’entreprise a donné vie à une chaise. Les hublots de l’A320 peuvent se transformer en miroir ou en table basse. Le fuselage de l’A320 permet de construire un buffet de salon. Dernier exemple : le nez d’un A350 a trouvé une seconde vie en devenant un fauteuil lounge.
Conclusion : les avions à la retraite ont une seconde vie !
Le voyage d’un avion ne s’arrête pas lorsqu’il quitte le ciel. Le démantèlement, le recyclage et la réutilisation sous d’autres formes permettent aux rois du ciel de s’offrir une nouvelle vie. Le secteur du démantèlement a encore de beaux jours devant lui. Néanmoins, il doit poursuivre l’accroissement de ses capacités de stockage, de traitement afin d’optimiser la valorisation des matériaux.