Réussir à l’étranger – le parcours d’un jeune VC installé en Espagne

Réussir à l’étranger – le parcours d’un jeune VC installé en Espagne

Dans un contexte où le marché français du Venture Capital devient de plus en plus compétitif et difficile à pénétrer, pourquoi ne pas envisager de saisir des opportunités à l’international ? C’est le choix qu’a fait Pierrick, désormais investisseur chez Plug and Play à Valence, en Espagne. Dans cet article, il partage son parcours, son expérience, et ses conseils pratiques pour venir s’y installer.

 

Quel a été ton parcours académique ? 

J’ai grandi à Paris et, à 17 ans, après mon BAC, j’ai décidé de partir à l’étranger pour intégrer HEC Montréal dans le cadre d’un BBA. Je voulais découvrir de nouvelles choses et partir à l’international. 

Ce fut une expérience exceptionnelle : passer de Paris à vivre à 6000 kilomètres d’ici à seulement 18 ans m’a permis de développer une vraie autonomie. Là-bas, j’ai très vite rejoint l’association d’entrepreneuriat de HEC Montréal, ce qui m’a permis de découvrir l’écosystème entrepreneurial local et d’échanger avec des fondateurs de startups.

Lors de ma troisième année à HEC Montréal, j’ai eu la chance d’être sélectionné pour réaliser un double diplôme à Em Lyon dans le cadre du programme grande école. Cette opportunité m’a permis de valider ma dernière année de bachelor tout en commençant mon Master à Em Lyon. 

Lors de ma dernière année à Em Lyon, j’ai eu l’opportunité de collaborer avec Handicap International pour mon projet de fin d’études. J’ai travaillé sur le développement d’un atelier de recyclage de prothèses, avec pour objectif de redistribuer ces dispositifs médicaux dans des pays d’Afrique du Nord et en Ouganda. Ce projet, axé sur l’impact social, m’a permis de collaborer avec la haute direction de l’ONG et de créer quelque chose de concret et utile pour les bénéficiaires.

 

Quelles sont les expériences professionnelles que tu as eues l’occasion de réaliser avant d’intégrer Plug And Play ?

Durant mes études à HEC Montréal, j’ai intégré une scale-up locale appelée cVert, spécialisée dans le traitement de pelouse. J’ai commencé comme l’un des premiers commerciaux et grâce à mes résultats, j’ai non seulement gagné de bonnes commissions, mais j’ai aussi été en charge de recruter et manager d’autres membres de l’équipe

Toujours à HEC Montréal, j’ai tenté de lancer ma première startup. L’idée était de créer une plateforme de mise en relation de nano-influenceurs avec des marques, afin de leur permettre de monétiser leur contenu via des bons cadeaux ou de petites compensations financières. Bien que ce projet n’ait pas duré longtemps, il m’a offert un premier aperçu du monde de l’entrepreneuriat et des startups.

Il faut savoir que ma mère est entrepreneuse et mon père travaille dans les ventes dans les nouvelles technologies, notamment l’IA, depuis longtemps. Je pense que c’est aussi grâce à eux que j’ai cette curiosité pour la tech et cet esprit entrepreneurial.

Lors de mon passage à EM Lyon, j’ai effectué un stage de césure en tant que Chief of Staff dans une startup InsurTech, Ideel. J’y ai accompagné le fondateur pour faire pivoter l’entreprise du B2C au B2B, et j’ai pris part au développement de cette nouvelle branche. Cela m’a amené à monter des équipes et à gérer de nouvelles responsabilités dans un contexte de transformation stratégique. C’est également au cours de ce stage que j’ai eu mes premiers contacts avec le monde du Venture Capital, en participant à des comités de direction avec des investisseurs.

À la fin de mes études, je savais que je voulais me diriger vers le VC. J’ai eu la chance de décrocher un stage de fin d’études chez Supernova Invest, un fonds spécialisé en DeepTech. J’ai pu travailler sur des deals du Seed à de la Série B, principalement avec des entreprises développant des technologies de pointe ou des produits hardware. Cette expérience m’a permis de plonger dans des secteurs techniques et d’analyser des business models  innovants, ce qui a confirmé mon envie de poursuivre dans le VC.

 

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Après avoir fini ton stage de fin d’études chez Supernova Invest, tu recherches un CDI, comment arrives-tu chez Plug And Play ?

Étant donné que Supernova avait déjà recruté deux nouveaux analystes, je savais qu’il n’y avait plus de places pour un CDI. J’ai donc commencé à postuler dans les fonds qui me plaisaient. J’étais même prêt à faire encore un stage pour mettre toutes les chances de mon côté. Mais j’étais très sélectif dans mes démarches, car j’avais déjà une belle expérience et, si je devais faire un dernier stage, je voulais qu’il soit aligné avec mes aspirations.

Pendant mes recherches, j’ai passé deux mois en Asie du Sud-Est. Durant cette période, j’étais en attente d’un processus avec Plug & Play pour un poste à Valence, destiné à travailler pour l’équipe aux États-Unis. C’était un CDI, et les processus de recrutement étaient difficiles ; je n’y croyais pas vraiment. Pourtant, j’ai réussi à me démarquer avec un bon match sur le fit et des bonnes astuces pour les entretiens que je pourrais vous détailler plus en détail. Et cela m’a permis d’être recruté en CDI.

 

Et donc qu’est-ce que Plug And Play ? Quel est son fonctionnement ?

Historiquement, Plug and Play existe depuis 2006. Son fondateur, Saeed Amidi, a commencé par louer des bureaux à des entreprises comme Google, Dropbox, Logitech ou PayPal à une époque où elles n’avaient que 10 ou 15 employés. Il a investi de petites sommes dans certaines de ces entreprises, allant de 30 000 à 50 000 dollars, qui ont ensuite connu un immense succès. Grâce à ces expériences, il a décidé de créer un fonds de Venture Capital, car il faisait partie intégrante de la Silicon Valley et a réussi à se développer un très gros réseau.

Mais Plug and Play n’est pas seulement un fonds d’investissement ; c’est un business model assez singulier.

La première partie de ce modèle consiste effectivement à investir dans les start-ups. Nous disposons de deux véhicules d’investissement. Le premier est un Family Office, qui représente le véhicule historique de Plug and Play et qui investit en Pre-Seed et Seed dans des start-ups de tous secteurs, avec des tickets compris entre 50 000 et 150 000 dollars. Le second véhicule se compose de plusieurs fonds verticalisés (AI for enterprise, Insurtech, Fintech, Health, etc.), avec des tickets allant de 500 000 à 2,5 millions de dollars. Cependant, notre focus principal reste les logiciels B2B.

La seconde partie du business model repose sur le constat que les start-ups B2B avaient du mal à conclure ou à accélérer les longs cycles de vente avec de grandes entreprises, et ce, malgré la présence de VCs. Pour pallier ce problème, il a mis en place un modèle de Corporation Innovation regroupant plus de 500 grandes entreprises (BNP Paribas, Alianz, Nike, Samsung, Walmart etc.) qui cherchent à mieux appréhender les tendances du marché et à se connecter avec des start-ups. Ainsi, on est capable de devenir le bras-droit Sales for Enterprise des startups de notre portfolio.

 

Quel est ton rôle au sein de cette structure ? 

Mon rôle est de faire le lien entre ces deux business models : d’une part, je travaille pour l’équipe américaine depuis l’Espagne, j’investis dans des start-ups principalement en Insurtech et en Health mais aussi dans les autres verticales de Plug and Play ; d’autre part, je collabore avec de grandes entreprises comme Cigna, Dai-Ichi Life, Irish Life ou AON et d’importantes banques et assurances pour les aider à saisir les tendances dès leurs débuts sur leurs marchés. Nous les mettons en relation avec les start-ups de notre portefeuille. Notre approche génère une valeur ajoutée significative des deux côtés.

Les entreprises n’ont souvent pas de solutions pour se rapprocher des start-ups, et nous comblons cette lacune. Je me rends à San Francisco tous les six mois pour organiser des événements qui facilitent ces rencontres. Cela permet aux start-ups de notre portefeuille de discuter avec des dirigeants de très grandes sociétés, ce qui peut déboucher sur des propositions concrètes de collaboration.

 

Est-ce que tu peux nous donner les attentes et les critères de Plug And Play lorsque vous recrutez un nouveau collaborateur ?

Chez Plug and Play, il y a 58 bureaux avec une centaine de collaborateurs recrutés rien que ces dernières années. Chaque bureau jouit d’une certaine indépendance, ce qui crée des façons de penser différentes.

Je vais parler des bureaux que je connais, c’est-à-dire les bureaux France/Europe et ceux aux États-Unis. Les bureaux en France sont très influencés par le VC français, donc ils recherchent des profils ayant généralement une expérience en VC, de bonnes formations et des parcours solides.

En revanche, aux États-Unis, ils aiment plus souvent les parcours atypiques avec un storytelling original qui sorte de l’ordinaire. Ils ne sont pas forcément à la recherche de quelqu’un avec des expériences en VC ou même en finance au préalable. Par exemple, un de mes Associates est un ancien chef cuisinier.

Pour l’anecdote, lors de mon dernier entretien avec les Partners pour rejoindre Plug and Play, je me trouvais au Laos à 6 heures du matin, entouré du bruit des poules. Pendant la visio, ils ont entendu ce bruit, et lorsque je leur ai expliqué la situation, ils ont adoré. Ils m’ont dit que j’étais dévoué pour me lever si tôt pour l’entretien et pour m’adapter au décalage horaire, tout en trouvant un endroit avec du wifi. En revanche, je pense que ça aurait pu être plus mal vu si cela s’était produit lors d’un processus pour un fonds français.

 

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Pourquoi avoir choisi de partir travailler à l’étranger ?

Disons que je me suis toujours laissé porter depuis le début de mon parcours. J’ai toujours essayé d’avoir des expériences qui racontent une histoire cohérente avec mes ambitions. J’ai choisi mes expériences en fonction de cette narration. J’ai toujours pensé qu’il était important d’avoir un bon storytelling, comme un entrepreneur.

Puis, je n’avais pas initialement prévu de partir à l’étranger, mais c’est devenu pertinent pour mon parcours, car après mon expérience académique à HEC Montréal, il me manquait une expérience professionnelle à plein temps à l’international.

Aujourd’hui, j’y vois une approche de travail très différente à faire du VC à l’étranger. Ce que j’aime dans le fait de travailler avec l’équipe américaine, c’est le côté très direct. Par exemple, lorsque qu’un investissement est en cours, les opportunités peuvent se révéler très compétitives. Si tes collègues manifestent de l’intérêt pour un projet, les process avancent rapidement. Cela signifie que tu dois anticiper les décisions et réaliser des analyses sur des start-ups, même si tu n’es pas encore certain d’investir, tout en étant capable d’agir rapidement.

Nous avons aussi la chance d’avoir une multitude d’experts dans tous nos domaines d’investissement, ce qui nous permet de créer des équipes de travail avec des expertises très spécifique. Par exemple, pour une legal tech analysant des documents médicaux pour les avocats. Nous pouvons réunir un VC spécialisé en data médical et un autre en legal tech. Cela nous permet d’avoir des avis très pertinent dès le début du process,  en réunissant les meilleurs spécialistes pour évaluer la startup. J’adore cette rapidité et ce mode de fonctionnement.

Une autre grande qualité de l’équipe US est l’expérience de nos “Partners” sur l’écosystème américain et leur réseau auprès des plus grands VCs mondiaux, étant basés à San Francisco. Cela nous permet d’avoir une analyse très avant-gardiste sur les prochaines grandes licornes.

 

Pour finir, quels conseils donnerais-tu à un étudiant intéressé par cet écosystème pour se préparer aux entretiens ?

Un livre qui m’a beaucoup aidé au début est How to Break into VC. Il est assez basique, mais reste très pertinent aujourd’hui et il permet d’apprendre les premières bases et d’avoir le vocabulaire VC.

Un autre point important est que le monde du VC est assez petit et très friendly, je trouve. Les VCs sont généralement prêts à aider, même si leur emploi du temps est chargé. N’hésite pas à contacter ton réseau, même si au départ, tu poseras peut-être des questions un peu naïves. L’important est de ne pas « brûler » tes contacts. Par exemple, si tu as un lien avec un Associate d’un bon fond, attends d’avoir des informations intéressantes et valorisables à lui partager avant de le contacter.

Évite également de faire des demandes de connexion sans personnalisation. Ensuite, lorsque tu réussiras à décrocher un appel avec un VC, demande-lui s’il peut te recommander quelqu’un, et c’est en avançant comme ça que tu peux plus facilement entrer dans des processus de recrutement. Les processus de recrutement formels sont souvent réservés à ceux qui ont des écoles prestigieuses sur leur CV. Soit il faut que tu sois le premier à postuler, comme je l’ai fait pour Supernova, soit il faut que tu utilises tes contacts. Les événements de networking avec des acteurs de l’écosystème peuvent être très intéressants aussi, car cela permet de rencontrer directement des décideurs. 

Puis, il est crucial de structurer ta recherche. J’utilisais Notion pour suivre mes candidatures. Au début, tu encaisseras beaucoup de refus et de silences, donc prépare-toi à ça. Mais il faut être déterminé et bien préparer ses recherches pour être organisé et être le plus réactif possible aux nouvelles publications d’offres. 

De façon générale, prépare bien tes entretiens en te renseignant sur les startups du portefeuille du fonds et les actualités de certaines qui t’intéressent. Il faut être prêt à pouvoir en parler. Moi, par exemple, lors de mes entretiens pour intégrer Plug And Play, j’ai cherché des startups dans lesquelles mon Partner avait investi, ce qui m’a permis de parler de startups que mon interlocuteur connaissait parfaitement et de lui montrer que je m’étais bien renseigné avant. Cela prouve également une certaine forme de sérieux.

 

À savoir : Plug And Play recrute ! Que vous cherchiez un stage ou un CDI, trouvez l’offre qui vous correspond directement sur leur job board ! Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter Pierrick sur Linkedin en lui adressant une petite note au sujet de l’article et il se fera un plaisir de vous répondre !