Rencontre avec Maylis Coupet, Directrice Générale de l’ENSAE Paris (vision, excellence…)

Rencontre avec Maylis Coupet, Directrice Générale de l’ENSAE Paris (vision, excellence…)

Nous avons échangé avec Maylis Coupet à propos de sa prise de poste en tant que Directrice de l’ENSAE Paris, école d’ingénieurs spécialisée dans les sciences économiques et sociales, les statistiques et la data science, la finance. L’occasion de discuter de ses priorités pour l’établissement et de ses ambitions pour renforcer l’excellence académique de l’école.

 

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Bonjour Maylis Coupet, pourriez-vous vous présenter et présenter votre parcours qui vous a mené jusqu’à l’ENSAE ? 

Je suis une ancienne élève de l’école. En effet, j’ai suivi les trois ans de l’ENSAE. Avant d’intégrer l’ENSAE j’ai commencé par une hypokhâgne et une khâgne B/L. J’ai ensuite intégré l’ENS Cachan à l’époque, devenue Paris-Saclay aujourd’hui, ainsi que l’ENSAE. Suite à cela, j’ai passé le concours d’administrateur de l’INSEE et je fais donc partie de ce corps de la haute fonction publique. Les administrateurs de l’INSEE sont en réalité ce qu’on appellerait aujourd’hui les « Data Scientists de l’État ». Au cours de cette expérience, j’ai été amenée à travailler dans le champ de la régulation financière, puisque notre intervention ne se limite pas à la seule production statistique.

Après cette expérience, j’ai j’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans la banque. Je suis entrée dans le secteur dans la fonction d’inspecteur principal, ce qui m’a permis de découvrir l’intérieur d’un établissement bancaire. Puis, je suis donc devenue banquière ; j’accompagnais la stratégie financière de grandes entreprises.

À la fin de ces dix années, j’ai eu envie de transmettre les savoirs acquis au cours de mon parcours professionnel. L’ENSAE forme aujourd’hui beaucoup de Data Scientists, dont certains s’orientent vers le monde socio-économique. Un tiers de ses étudiants rejoignent les services financiers (banque, assurance, gestions d’actifs, fintechs etc.). Ayant parcouru ces deux mondes, j’avais envie de transmettre aux élèves un peu de mon expérience.

Quelles étaient vos motivations à rejoindre l’ENSAE Paris, plus qu’une autre école ?

Quand on propose à un ancien élève de l’école, redevable à son école, comme c’est mon cas, de venir la diriger, la question ne se pose pas. En effet, je suis très reconnaissante de ce que l’ENSAE a fait pour moi : une formation intellectuelle très solide et très ouverte, un esprit de camaraderie qui donne confiance, avec un réseau alumni, qui le prolonge tout au long de la vie. 

L’ENSAE est une formation d’excellence, d’un point de vue intellectuel, mais c’est également un endroit où l’on acquiert des clés de lecture de notre écosystème. Donc lorsque l’on m’a proposé de rejoindre l’école, pour moi c’était un honneur. J’ai envie de rendre ce que d’autres m’ont donné il y a 20 ans.

Sur quels aspects de l’ENSAE Paris avez-vous travaillés depuis votre arrivée ?

Je suis arrivée début décembre 2024, en plein audit de l’école par la CTI (Commission des Titres d’Ingénieurs), qui est réalisé environ tous les cinq ans pour les écoles de d’ingénieurs. Donc sur ce premier mois, je me suis concentrée sur ces questions d’audit, qui forment un cadre de travail très structurant pour un directeur d’une grande école d’ingénieur. 

Cela m’a permis de prioriser les sujets et travaux à venir. En ce moment je travaille notamment sur les logements des étudiants pour assurer à nos primo-accédants et à nos étudiants boursiers un logement, lorsqu’ils arrivent sur le plateau de -Saclay.

J’ai également eu l’occasion de beaucoup échanger avec les étudiants. En effet, nous avons déjà eu quelques réunions avec les élèves et les responsables d’associations pour en savoir davantage sur leurs besoins. Nous sommes là pour faire évoluer les choses, sous leur impulsion notamment. Chacun doit pouvoir émettre des suggestions pour le collectif, qui seront instruites par l’école. Nous ne pouvons pas tout chambouler mais nous intégrerons ce qui est possible dans notre vie quotidienne à l’ENSAE.

Aussi, nous allons travailler avec nos enseignants chercheurs pour mettre en place des conseils d’orientation sur nos différents environnements professionnels, puisque nous travaillons avec le monde socio-économique et le secteur financier et assurantiel. Aujourd’hui, avec le développement de la Data Science, les élèves partent vers des horizons plus diversifiés. Nous essayons donc de travailler avec les différents écosystèmes afin d’avoir des retours réguliers concernant nos maquettes d’enseignement, l’orientation en stage, les projets et hackathons, etc. Cela permet de faire évoluer nos programmes pour les adapter aux besoins du marché.

Qu’est-ce qui justifie les très belles récentes performances de l’ENSAE Paris au sein des différents classements ?

L’ENSAE a des atouts forts, notamment des enseignants-chercheurs de renommée mondiale, qui exerce au sein du CREST et une intégration au sein de l’Institut Polytechnique de Paris, qui accentue sa visibilité. Par ailleurs, les spécialités enseignées à l’ENSAE, comme la Data Science et l’Intelligence artificielle, attirent beaucoup d’étudiants aujourd’hui et sont appliquées à des domaines sur lesquels peu d’écoles sont positionnées. Parmi ces domaines nous pouvons citer les sciences économiques et sociales, d’où un vivier en recrutement dans les prépas ECG et B/L. Nous pouvons également citer la finance, puisqu’un tiers des étudiants de l’ENSAE partent dans le secteur financier, où les étudiants touchent de très beaux salaires à la sortie de leurs études (2ème école d’ingénieurs en France pour le salaire à la sortie).

 

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La 7ème place de l’ENSAE dans le classement Le Figaro Étudiant s’explique enfin par le développement international de l’école au cours de ces dernières années. En effet, beaucoup de nos élèves partent en stage à l’international ; certains y restent. L’ENSAE développe de plus en plus la formation par la recherche, et notamment des semestres académiques, avec des partenariats en Europe et au-delà.

L’ENSAE Paris met l’accent sur l’excellence en étant l’une des rares écoles d’ingénieurs à recruter différents types de prépas (littéraires, commerciales et scientifiques), pourquoi ?

C’est historique, cela fait partie des valeurs fondamentales de l’école. 

Depuis sa création, l’ENSAE est une école d’application de l’Ecole polytechnique. En effet, c’est l’école de formation des cadres de l’INSEE (hauts fonctionnaires appelés administrateurs de l’INSEE), en charge de la production statistique en France, dans les domaines socio-économiques en particulier. Aujourd’hui, ceux sont les Data Scientists de l’Etat, mais il faut savoir qu’ils conservent une forte culture scientifique en sociologie et économie. De façon naturelle, nous avons toujours recrutés dans les viviers d’excellence en mathématiques mais également en sciences sociales.

Progressivement, les thématiques abordées par l’école se sont élargies. L’école s’est appuyée sur un socle mathématique assez fort, celui des probabilités, utilisé pour les statistiques. Cela a permis de réussir un certain nombre de tournants en proposant de nouvelles voies aux étudiants. C’est comme cela que nous sommes devenus la grande école de la finance, puis de la data science

Cette diversité des viviers de recrutements s’explique donc pas la pluralité des domaines d’intervention de l’école. Ils expliquent notamment la diversité des élèves de l’école, avec un taux de féminisation élevé et un taux important de boursiers, plus élevé que celui des écoles d’ingénieurs du même rang. 

L’ENSAE cherche des étudiants qui sont curieux et peuvent se projeter dans ces différents écosystèmes. Il est également préférable qu’ils aient un intérêt et aient suivi une formation concernant les domaines enseignés à l’ENSAE, comme les sciences sociales ou les mathématiques. L’objectif de l’école est ensuite d’apporter des compétences complémentaires à ces étudiants lors de la première année, afin qu’ils puissent ensuite travailler tous ensemble avec un haut niveau d’exigence. On parle d’année d’harmonisation. Les élèves formés aux sciences sociales feront une année très intensive en mathématiques. Concernant les élèves déjà formés aux mathématiques, leur enseignement sera davantage tourné vers les sciences sociales et l’économie. 

Le but final est ainsi que dès la deuxième année, tous les étudiants puissent travailler ensemble, peu importe leur passé académique. Par la suite, l’école promet à tous de pouvoir choisir le métier qui lui convient. C’est pour cela qu’à l’ENSAE il n’y a pas de quotas dans les voies de spécialisation. Tout le monde peut y accéder. Donc par exemple, des sociologues au début peuvent devenir des financiers plus tard et des matheux peuvent se tourner vers la sociologie.


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Quels types de profils d’étudiants recherchez-vous pour intégrer l’ENSAE ?

Nous n’avons pas d’attentes de valeurs particulières, mis à part la curiosité et l’envie de travailler aux côtés d’autres étudiants. Il faut que les étudiants de l’ENSAE soient engagés, qu’ils aient un bon esprit, qu’ils soient prêts à s’investir, puisque dans cette école, il y a beaucoup de contenu dans les enseignements et la charge de travail pour les absorber est significative.

Nous cherchons aussi des personnes qui apprécient les projets pluridisciplinaires et qui veulent tester différents domaines d’application.

L’international est un pilier du parcours à l’ENSAE Paris, comment cela se traduit-il concrètement au sein de l’école ? 

L’international se traduit de différentes manières à l’ENSAE Paris que ce soit par les stages ou des mobilités académiques. Les élèves peuvent réaliser une mobilité académique en 3eme année, dans le cadre de semestres d’échange ou de mobilités diplômantes dans des universités étrangères prestigieuses comme la London School of Economics. Aussi ils peuvent choisir de réaliser un ou plusieurs des stages obligatoires du cursus à l’étranger, voire pendant une année de césure. 

 

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Enfin, nous avons une politique de mobilité entrante. C’est pour cela que nous avons 28% d’étudiants internationaux sur le campus. Cela permet donc aux élèves de s’enrichir de ces autres étudiants.

Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, comment l’ENSAE Paris adapte-t-elle ses programmes pour préparer les étudiants aux nouveaux enjeux technologiques et aux métiers de demain ?

Les enseignants chercheurs de l’ENSAE sont à la pointe et font partie du laboratoire de recherche CREST, étant un laboratoire de très haut niveau.

Nous avons donc des statisticiens qui font de l’IA ou du machine learning. Donc nous avons intégré à nos formations une patte informatique en plus des formations statistiques et mathématiques, qui existaient déjà. L’IA a naturellement été intégrée à nos programmes grâce à nos chercheurs. Chaque année, l’ENSAE crée des cours inédits, comme un cours concernant l’IA sur l’assurance (risques émergents) l’an dernier, où les étudiants apprennent comment l’IA et ses différentes techniques sont utilisées pour mieux anticiper et appréhender les risques.

L’ENSAE est à l’origine une école de la donnée, mais cette donnée évolue et est de plus en plus massive. Il faut donc faire évoluer les programmes afin d’accompagner cette transformation que l’on peut qualifier de sociale. Nous réfléchissons avec nos étudiants sur des sujets d’éthique de la donnée, de frugalité de la donnée, de nos méthodes, etc. Ce sont des sujets qui ne sont pas mûrs d’un point de vue scientifique et nous essayons donc de travailler dessus avec nos étudiants.

ENSAE Paris en 2030, ça ressemblera à quoi ? 

Je pense qu’en 2030 l’ENSAE aura grandi et évolué. En effet, les entreprises et l’État ont de plus en plus besoin de professionnels spécialisés en IA et en Data Science. L’ENSAE se doit donc d’en former davantage.

Nous avons prévu un grand plan de développement, mais nous savons que le contexte budgétaire actuel n’est pas forcément des plus faciles. Nous espérons donc avoir suffisamment de subventions publiques et que nos alumni, nos élèves, les employeurs pourront nous permettre de lever suffisamment de ressources pour continuer à former des data scientists et des spécialistes de l’IA, mais à une échelle plus importante et avec plus d’impact.

Nous souhaitons aussi nous impliquer davantage sur les sujets de diversité et d’inclusion. Nous avons de la chance d’avoir des filles et des boursiers grâce à une population variée à l’entrée. Nous tenons à donner les mêmes opportunités de carrière à tous nos étudiants, à éclairer leurs choix. Au-delà du recrutement, l’école doit être un catalyseur d’égalité des chances

Nous allons également travailler, en collaboration avec les élèves et les associations, sur notre engagement sociétal en ce domaine. En effet, il est important d’expliquer aux plus jeunes qu’étudier les mathématiques et plus généralement les sciences, cela ouvre plein de portes dans la vie et que c’est une chance. Nos étudiants sont bien placés pour transmettre ce message à plus jeunes qu’eux.  

Un mot pour décrire ENSAE Paris, pourquoi ? 

“Générosité”, car c’est une école qui est très ouverte, avec des élèves curieux, dans une ambiance sereine. Bien que les étudiants soient tous amenés à avoir des parcours divers par la suite, ils se côtoient en étant curieux des goûts et envies des uns et des autres. Les élèves travaillent beaucoup ensemble et sont très impliqués pour bien faire ce qu’ils entreprennent : cours, projets académiques, rayonnement de l’école… Je trouve qu’il y a un climat de confiance dans l’école, ce qui est précieux dans la société anxiogène dans laquelle nous vivons.

Responsable Média chez Mister Prépa et Planète Grandes Écoles, je suis une journaliste passionnée toujours là pour vous éclairer !