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- ACTU BUSINESS INDUSTRIE
Nathan Henriot
- 20 février 2025
Le Slip Français : histoire, crises et Bonne Nouvelle
Depuis ses débuts, Le Slip Français s’est imposé comme un symbole du « made in France » en mêlant innovation et savoir-faire local. La marque a inauguré en grande pompe l’ouverture de l’usine Bonne Nouvelle à Aubervilliers.
Retour sur l’histoire, la stratégie et l’usine du Slip Français.
Le Slip Français : une aventure française entre tradition et innovation
Depuis sa fondation en 2011 par Guillaume Gibault, Le Slip Français s’est imposé comme un symbole du « made in France » dans le secteur du textile. A ces débuts, pour faire parler d’elle, l’entreprise détourne en 2012 des affiches de campagne de François Hollande et lance en 2013 le « slip qui sent bon ». 2018 est une année importante, Mbappé porte Le Slip Français et la marque réalise plus de 20 millions de chiffre d’affaires. En 2020, malgré un Bad buzz lié à une blackface réalisée par des salariés du Slip Français dans le cadre privé, l’entreprise inscrit ses objectifs d’impact social et environnemental dans le marbre en devenant entreprise à missions. La période Covid est particulière mais Guillaume Gibault adapte son outil industriel et fabrique des produits à destination notamment des hôpitaux (masques, blouses…). En 2024, Le Slip Français s’engage une nouvelle fois en faveur du « made In France » en s’associant à Duralex. Fabricant français historique de verre de table, Duralex est dans une situation délicate suite à sa reprise par ses employés.
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« Ça passe ou ça casse »
Néanmoins, après des années de succès, la marque tricolore a connu une grave crise financière en 2022 et 2023, menaçant sa survie. En 2023, ses ventes sont en décroissance de 9,75% et tombent à 18,5 millions d’euros. Guillaume Gibault se remémore « Je me suis dit ça passe ou ça casse ». Selon Le Slip Français, « Le made in France, c’est 3% des vêtements vendus en France ». Ainsi, comme beaucoup, la marque a été témoin des limites du « patriotisme économique ». Face à la baisse des ventes et à une compétition accrue, l’entreprise a donc dû revoir son modèle économique pour rester compétitive tout en maintenant sa production en France.
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Le repositionnement stratégique du Slip Français
Pour se maintenir et sortir de la crise financière, Le Slip Français a donc été contraint de réduire ses dépenses et changer de stratégie, tournant la page du 100% premium. Le fer de lance du « made in France » a diminué le nombre de produits référencés et fermé certaines de ses boutiques physiques pour proposer des prix plus compétitifs. Bruno Haddad déclarait « Simplement par le fait de faire toujours les mêmes modèles, ça nous a permis de gagner environ 25% de productivité ». A présent, la marque commercialise des lots de slips à 29 euros les deux, contre 40 euros l’unité auparavant. Ces produits sont vendus en majorité en ligne et en grande distribution. Ce repositionnement a pour objectif de séduire une clientèle plus large et nécessairement résister face à la concurrence croissance des productions délocalisées dans des pays à bas coûts. Pour y parvenir, Le Slip Français a ouvert une nouvelle usine !
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Bonne Nouvelle : une usine ambitieuse
L’usine textile Bonne Nouvelle est le fruit d’une alliance audacieuse entre quatre entrepreneurs convaincus du potentiel du « made in France ». Il s’agit de Guillaume Gibault et Léa Marie, dirigeants du Slip Français, Myriam Chikh-Mentfakh, co-fondatrice de LeLabPlus et experte en revalorisation textile, et enfin Bruno Haddad, président de la société Wiltee et directeur de l’usine Bonne Nouvelle. Ces quatre poids lourds du textile « made In France » unissent leurs forces dès 2022 pour repenser le modèle économique du Slip Français. La marque est donc actionnaire à hauteur de 10% de l’usine, dans laquelle sont fabriqués 30 à 40% de ses produits. En fonction depuis fin 2023 dans une friche industrielle, le site est baptisé Bonne Nouvelle, en référence au quartier parisien Sentier, connu pour son importance dans l’industrie textile avant l’émergence de concurrents internationaux.
L’usine Bonne Nouvelle, inaugurée en 2025 à Aubervilliers, marque un tournant pour Le Slip Français. Elle allie savoir-faire artisanal et automatisation pour réduire les coûts de production. L’usine d’Aubervilliers peut atteindre 16 000 pièces hebdomadaire.
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L’usine Bonne Nouvelle : entre production innovante, locale et optimisée
L’usine dispose d’automates chinois qui permettent de nombreux gains de temps et donc, d’argent. Ces automates découpent automatiquement les bandes élastiques des caleçons à la bonne longueur et fixent l’élastique au tissu. Pour la fabrication des t-shirts, un automate réalise les ourlets en douze secondes, c’est-à-dire trois plus rapidement qu’un homme. Les gains d’automatisation permettent de compenser ce coût du travail.
Grâce à Bonne Nouvelle, « on a aujourd’hui le meilleur prix de revient pour un sous-vêtement fabriqué en France », s’est félicité le Guillaume Gibault, qui veut démontrer que « le made in France ne coûte pas plus cher ». Bonne Nouvelle apparaît donc comme un symbole de la réindustrialisation et du « made in France ». Bruno Haddad souligne un vent d’optimisme : « L’écart entre le made in France et le made in ailleurs est en train de se réduire ». Avec une quarantaine de couturiers et un million d’euros de chiffre d’affaires en 2024, l’usine vise 700 000 pièces fabriquées par an et prévoit jusqu’à 250 recrutements d’ici 2027.
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Un soutien politique inébranlable
Lancée discrètement en 2023, l’usine Bonne Nouvelle a su s’imposer comme un modèle de réindustrialisation, attirant politiques, investisseurs et partenaires. Lors de son inauguration, Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie s’est rendu dans l’atelier de Bonne Nouvelle accompagné de Nicolas Dufourcq, directeur de la BPI.
Portant fièrement, selon ses dires, un caleçon Le Slip Français, B. Le Maire a rappelé que « l’industrie est un sport de combat » et dénoncé les erreurs des générations passées en matière de désindustrialisation. Il a salué les efforts du Slip Français pour prouver qu’une production compétitive en France est possible. Bruno Haddad dit « Quand on commande beaucoup de tissus, on arrive à être compétitifs par rapport au Portugal ». La maire d’Aubervilliers, Karine Franclet, était également présente, émue d’attirer une nouvelle usine sur son territoire.
Conclusion : un espoir pour le textile français ?
Le Slip Français ajuste sa stratégie pour rester compétitif, misant sur la vente en ligne, la grande distribution et l’automatisation. Bien que les premiers résultats semblent positifs, l’entreprise reste prudente. « ça va mieux, mais on n’est pas tiré d’affaire », confie Guillaume Gibault. Les défis restent nombreux : recrutement et formation de personnels qualifiés, augmentation des volumes et séduction de nouveaux clients. Seul l’avenir nous dira si la stratégie du Slip Français était la bonne pour renouer durablement avec le si courtisé « made in France ».