- CARRIÈRE MANAGEMENT
- Florence Palmero
- 18 décembre 2023
Qu’est-ce que le Shadow Comex?
Chaque année, de nouvelles tendances managériales apparaissent. Mais peu restent pertinentes sur le long terme. Une des plus récentes en vogue se nomme le « Shadow Comex » qui en traduction littérale serait le « Comité exécutif de l’ombre ». Mais quel type d’innovation managériale se cache derrière cette expression?
Shadow Comex : définition
Si vous travaillez en entreprise, vous connaissez certainement les Comex, ces réunions où se rassemblent les décideurs. Les membres de ce comité sont des personnes aux fonctions importantes dans différents départements de l’entreprise ou dans différents bureaux à travers le monde. Il s’agit généralement des directeurs de chaque service. Lors du Comex, les décisions cruciales au développement de l’entreprise sont prises et ils définissent une stratégie.
Alors qu’est-ce que serait un “Comex de l’ombre”? Pour faire simple, c’est la mise en place d’un Comex junior dans certaines entreprises. Parallèlement à la réunion importante qu’est le Comex, une seconde est organisée avec le même ordre du jour. Les résultats des discussions aboutissent alors sur des idées qui seront remontées aux dirigeants afin de leur offrir une vision nouvelle.
En réalité, le Shadow Comex n’est pas toujours composé de jeunes, parfois on le compare à la logique de “chaise vide client”, imitant ainsi un Comex avec ceux dont la voix est essentielle, que ce soient les jeunes pour favoriser l’innovation, les acheteurs pour renforcer la culture client ou toute autre partie prenante.
À quoi ressemble un Shadow Comex?
Adecco, Eiffage, Pernod Ricard… plusieurs entreprises se sont essayées au Shadow Comex qui apparaît comme une solution économique et efficace pour mettre son entreprise au goût du jour. La banque Société Générale par exemple a lancé le “Why Lab” qui rassemble 500 jeunes de tous contrats pour les inviter à réfléchir sans les managers. En plus de faire naître de nouvelles idées, cela permet souvent de chercher un sens aux actions de l’entreprise, d’où le nom “Why Lab”. Il a en effet été observé à diverses reprises que les jeunes cherchent une finalité aux projets de leurs quotidiens et relèvent donc souvent l’importance des stratégies RSE des entreprises.
Le Youth Action Council de Pernod Ricard, dans cette lignée, a choisi 9 jeunes de moins de 30 ans de différents départements et pays pour réfléchir à la stratégie de l’entreprise.
AccorHotels aussi a mis cela en place, avec 13 jeunes de moins de 35 ans qui se réunissent tous les deux mois, c’est aussi un moyen évident d’impliquer les jeunes dans le développement de l’entreprise. Parmi ces exemples, les sujets les plus fréquemment abordés sont le développement durable, les questions sociales et bien sûr le numérique.
L’entreprise Havas a par exemple créé le Comex Digital Native où trente jeunes se rassemblent pour créer un produit comme s’ils étaient une boîte qui souhaitait les concurrencer et leur voler des opportunités. Cet investissement permet aussi de donner à ces jeunes une vue plus globale de l’entreprise où ils travaillent puisqu’ils sont invités à donner leur avis sur des décisions qui dépassent parfois leur domaine de compétence et leur département.
Les objectifs du Shadow Comex
Alors, pourquoi les entreprises ont-elles adopté cette approche?
Les shadow comex permettent avant tout de miser sur l’innovation grâce à des jeunes qui souvent s’y connaissent mieux et parfois sont plus créatifs. Ce sont tout simplement aussi des nouveaux employés qui ont un regard différent à apporter sur le fonctionnement et les offres de l’entreprise.
Quelle que soit la forme choisie, les “shadow comex” permettent d’éclairer les dirigeants avec une vision plus contemporaine, de remettre en question la stratégie de l’entreprise pour rester au goût du jour et de développer de nouveaux projets internes ou externes.
Le Shadow Comex a de nombreux avantages : en utilisant la vision innovante des jeunes, il permet de rester à la page face aux leaders des marchés dont les créateurs sont souvent jeunes.
Mais il offre aussi une réponse au problème des grandes entreprises de la rétention des talents. C’est-à-dire que les Millenials et la Génération Z qui sont les plus jeunes dans les entreprises ont souvent des objectifs différents des générations précédentes. Beaucoup mettent au premier plan le sens de leur travail, le sentiment d’utilité, l’envie d’apprendre et la réalisation personnelle. Les faire participer à ces réunions permet de leur faire comprendre qu’on considère leur travail, qu’on souhaite les garder mais aussi que leur avis vaut quelque chose dans ces boîtes où les jeunes peuvent avoir l’impression d’être un simple rouage d’une immense machine.
Quelles sont les limites du Shadow Comex?
Les Shadow Comex ne plaisent cependant pas à tout le monde. Même parmi les jeunes qui sont les cibles premières de ces comités, ils sont critiqués. Pour beaucoup, c’est une mode pour faire oublier aux jeunes les autres inconvénients des grandes entreprises. En effet, étant “Shadow”, ces Comex ne sont en réalité qu’une sorte de Think Tank pour que les jeunes mettent en commun leurs compétences au profit de l’entreprise.
En effet, les conséquences des Shadow Comex dépendent de comment il est utilisé, souvent ces discussions n’aboutissent pas puisqu’ils n’ont pas de pouvoir d’exécution. Cela peut donc être une source de déception si les comités exécutifs ne sont pas réellement prêts à se remettre en question.
En outre, cette initiative s’inscrit dans la lignée des tendances managériales concentrées sur les jeunes. Mais il a été observé que parfois, cette focalisation sur les jeunes mène à une mise à l’écart. Au lieu de réellement impliquer les jeunes dans les décisions en osant faire des Comex diversifiés avec des employés de tous les âges, les jeunes sont cantonnés à des “Comex de l’ombre” qui semblent donner aux décideurs une solution pour les jeunes avec un fort potentiel mais qui sont des employés trop récents pour appartenir aux vrais Comex.
Et cela souligne un autre problème: le Shadow Comex dit avoir été créé pour ouvrir de nouvelles réflexions. Or, la plupart des jeunes qui en font partie sont ceux avec des formations de haut niveau plus ou moins similaires, venant souvent des mêmes milieux sociaux. Donc cela confronte rarement des avis très différents.
Les jeunes sont ainsi tenus à l’écart des postes les plus hauts au profit de ces faux postes haut placés mais ils sont aussi mis à l’écart du reste des employés. Effectivement, un groupe de réflexion sans intergénération dédouble la réflexion du comité exécutif sans confronter les avis des différentes générations. Et évidemment, cela peut aussi être ressenti comme une injustice par quelqu’un de trente-huit ans par exemple qui après 15 ans dans l’entreprise ne voit pas son avis autant valorisé que celui d’un nouvel arrivant de dix ans de moins.
Conclusion
En conclusion, le Shadow Comex a un fort potentiel pour inclure davantage les jeunes dans les décisions stratégiques des entreprises. Cependant, son succès dépend de sa mise en œuvre et de la prise en compte des limites, notamment le risque de marginaliser certains employés. L’efficacité du Shadow Comex dépend de sa capacité à accepter une diversité de perspectives et à garantir une réelle influence dans les processus de décisions.