- CARRIÈRE INTERVIEWS RSE & DD
- Alix Portet
- 27 février 2021
La RSE Clients chez Danone – Rencontre avec Thomas Kyriaco
La RSE attire de plus en plus d’étudiants de grandes écoles. Contrairement aux idées reçues, elle ne se limite pas aux start-ups innovantes. Nous avons rencontré Thomas Kyriaco, directeur RSE Clients chez Danone, qui nous explique en quoi consistent ses missions !
Pouvez-vous commencer par nous parler de votre parcours scolaire et professionnel avant d’arriver chez Danone ?
J’ai d’abord étudié à Sciences Po et HEC. J’ai commencé ma carrière chez L’Oréal, où j’ai pu exercer plusieurs fonctions, que ce soit au niveau d’un pays ou à l’international, dans la filière du marketing. Par la suite, j’ai eu une opportunité de travailler chez Danone à l’international, en m’occupant toujours du marketing dans les fonctions d’export de Danone, en particulier avec les villes de Moscou, Singapour, Mexico et Sydney. J’avais la charge de m’assurer que les stratégies marketing, de communication, les produits lancés étaient en phase avec le plan stratégique de Danone.
Je me suis ensuite rapproché de la France, en m’occupant de lancements de produits avec des business models spécifiques. C’est comme ça que j’ai fait progressivement ma transition vers des fonctions plus commerciales. Je me suis occupé de business développement pour Danone Eaux France, et depuis 2 ans et demi, j’ai rejoint la « Global Sales Team ». Aujourd’hui, je suis rattaché aux équipes de négociateurs qui travaillent avec une vingtaine de grands comptes internationaux, avec qui nous avons des accords. Avec ces grandes entreprises, je cherche à construire des approches concertées autour de la RSE mettre en avant les problématiques de RSE, que l’on appelle chez Danone « One Planet. One Health ». En particulier, je suis le point de contact de Tesco et Carrefour chaque fois que nous souhaitons travailler sur des projets spécifiques avec eux.
En quoi consiste votre métier ? Y a-t-il une journée type ?
Mon métier est extrêmement varié ! Je ne fais pas de RSE « pure », au sens d’un calcul de CO2, de la gestion du gaspillage alimentaire, … Je fais de la RSE au quotidien, avec les clients.
Je vais vous donner un exemple concret : pendant longtemps, Tesco (le premier retailer anglais) a eu une approche innovante en matière d’encouragement de comportements plus sains. L’entreprise a développé un type d’activation (un engagement de marque en instaurant des relations ou dialogues avec les consommateurs, NDLR), les « Helpful Little Swaps », dont Danone fait partie depuis 2017. Il s’agit de mettre en place un balisage en magasin, pour identifier les produits qui s’intègrent dans une alimentation diversifiée et équilibrée, des produits nutritionnellement bons (moins de sel, moins de sucres…), à un prix inférieur grâce à un mécanisme promotionnel. Par exemple, nous avons mis en avant Volvic Touch of Fruit sans sucres, mais aussi les produits Alpro, une alternative végétale aux produits laitiers.
C’est donc une logique très pragmatique « à l’anglaise », et en même temps très efficace : une façon de promouvoir une alimentation équilibrée avec une communication ciblée sur les produits, qui permet au consommateur de faire des choix sains et durables. Nous cherchons ainsi à mettre en place des business models favorables à la santé et à la planète – « One Planet. One Health ».
Votre planning change-t-il donc tous les jours ?
Les initiatives varient avec chaque client, nous abordons des grands sujets. Pour vous donner un autre exemple : Danone a été informée que les producteurs de fraises Gariguette avaient du mal à écouler leurs fraises. Les équipes de la marque Danone ont donc créé une édition unique et solidaire temporaire à base de fraises Gariguette pour aider les producteurs à écouler leurs stocks. Ce sont aussi les premiers pots de yaourts 100% recyclables et qui contiennent 30% de PET recyclé qui ont ainsi été développés par Danone. Quand nous avons présenté cette initiative à Carrefour, ils ont été très intéressés, car cela résonnait très fortement avec leur programme sur la transition alimentaire « Act for Food ».
Ce produit incarne donc l’ambition de Danone sur la révolution de l’alimentation, celle de Carrefour sur la transition alimentaire, dans un projet concret et visible pour les consommateurs. Carrefour nous a alors demandé que l’on « co-brande » le produit avec « Act for Food », c’est-à-dire que l’on fasse un produit Danone x Act for Food, proposé pendant quelques mois en exclusivité chez Carrefour. Cela peut sembler minime pour des groupes de la taille de Carrefour et Danone, mais les engagements s’incarnent au quotidien sur le terrain dans des projets comme celui-ci.
Au même moment, nous avions chez Blédina (filiale de Danone, NDLR) une compote à base de poires Williams ; le problème aujourd’hui, c’est que les agriculteurs n’ont pas d’intérêt à développer ces poires Williams, puisqu’économiquement, il est plus rentable de produire des pommes. Si nous nous projetions sur plusieurs années, il était clair qu’il n’y aurait rapidement plus de production de poires Williams en France. Blédina a donc mis en place un programme pour ce produit, qu’ils ont appelé « Sauvez Williams », car l’entreprise trouve important de conserver une production locale et diversifiée. Aujourd’hui, sur les compotes aux poires de Blédina, il est mentionné qu’une partie du prix payé par le consommateur est reversée aux agriculteurs français à qui nous garantissons un certain revenu, afin qu’ils réalisent des investissements pour maintenir une production de poires Williams. De même, Carrefour a soutenu avec enthousiasme cette initiative
Nous trouvons donc des clés pour incarner au quotidien la mission de Danone, c’est-à-dire la santé par l’alimentation au plus grand nombre. Cette mission s’accompagne d’un cadre d’action plus global de Danone qui est « One Planet. One Health ». Pour résumer, ce que nous faisons au quotidien, c’est trouver des solutions respectueuses de la santé et de l’environnement, en plus d’être viables socialement.
Donc même si vous êtes aujourd’hui directeur RSE Clients, votre métier reste essentiellement tourné vers du marketing ?
En effet, aujourd’hui, je travaille en partie dans le marketing et en partie dans la RSE, selon les sujets. Par exemple, Carrefour a souhaité mettre en place en mars 2020 le pacte de transition alimentaire avec certaines des grandes marques avec qui il travaille. Nous avons signé un document pour montrer l’engagement de la société sur ce sujet. Dans ce projet, il y a 2 grands piliers :
- Un premier pilier consistait à mettre en place dans six pays d’Europe une activation appelée « Ensemble pour demain». L’idée était pour chacun des fabricants faisant partie du pacte de proposer un produit qui favorise la transition alimentaire dans chaque pays. Le produit devait donc avoir un impact positif sur la planète ou sur la santé. Ces produits ont été mis en avant en magasin, en digital, dans des tracts, … C’est une opération commerciale assez classique dans son exécution, mais le choix des produits et son caractère multi-pays simultané autour d’une thématique « One Planet. One Health », lui, est tout à fait nouveau.
- Un second pilier est en cours. Il y a des groupes de travail sur des sujets comme la réduction des emballages plastiques, de l’empreinte carbone, l’encouragement des comportements plus sains. Danone fait partie de ces groupes de travail, avec d’autres marques. Je pense que vous pourrez très bientôt voir ces actions mises en œuvre.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce que vous faites au quotidien ?
La première chose que j’apprécie, c’est l’accélération. Il y a sans cesse de nouveaux projets. Par exemple depuis la rentrée, je travaille sur un partenariat qui existe depuis déjà quatorze ans entre les Restos du cœur, Carrefour et Danone. C’est absolument fondamental, surtout cette année en période de crise sanitaire, car la précarité alimentaire a beaucoup augmenté. Cette année, un million de repas seront offerts aux bénéficiaires des Restos du cœur. Les « top manageurs » de Carrefour, Danone, et des Restos du cœur se mobiliseront le 4 mars pour démarrer la collecte nationale des Restos du cœur, mais aussi l’opération Carrefour x Danone x Restos du cœur en magasins : si vous achetez deux produits Danone, un repas est offert aux bénéficiaires des Restos du cœur. C’est une façon de lier l’impact sociétal et des mécaniques durables économiquement.
La deuxième chose qui me plaît, c’est de travailler sur des sujets innovants, en phase avec l’action pour la planète et pour la santé. L’objectif est d’avoir un impact positif tout en trouvant les règles pour continuer à faire prospérer nos entreprises. C’est passionnant, mais nous n’avons pas toujours les clés. Nous cherchons donc les solutions au fur et à mesure.
Carrefour et Tesco ont notamment mis en place une initiative extrêmement innovante avec la société « Loop » a. Bien qu’encore limitée à la région parisienne chez Carrefour, elle va s’étendre très rapidement. C’est très simple et très impactant : nous mettons en place un système de consigne. Sur le site Loop, une centaine de références sont proposées avec un emballage consigné. Cette action a été lancée en France, en Angleterre, aux Etats Unis, et très récemment au Canada.
Danone a joué le jeu de cette initiative, puisque nous avons développé le premier pot de yaourt en verre consignable. C’est très novateur.
Pensez-vous continuer à faire carrière dans la branche RSE de l’entreprise ?
J’adore travailler sur des sujets à impact sociétal. Mon rôle chez Danone est aussi celui d’un ambassadeur de la RSE en interne : je cherche à transmettre l’envie, les idées, mais aussi les moyens à mon équipe de mettre en place des actions de ce type. Toutes nos business units catégorisent les actions « One Planet. One Health » (par exemple sur la réduction du gaspillage alimentaire, l’encouragement de comportements plus sains, du tri, …). Nous collectons toutes ces pratiques dans des guides internes et faisons émerger celles qui nous paraissent les plus prometteuses. Il faut accompagner les équipes dans la mise en place de ces initiatives. Mon métier comprend donc aussi toute cette partie d’éducation. Cela amène à regarder ces actions avec un regard différent, plus critique, plus bienveillant, ce qui ne cesse de renforcer ma propre conviction.
Vous faites aussi du micro-bénévolat en parallèle de votre travail chez Danone, pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai rejoint une plateforme de micro-bénévolat qui propose de donner de son temps pour parler de ce que l’on fait. Je donne donc des rendez-vous pour expliquer mon activité. C’est une façon de clarifier les choses, voire de faire naître des vocations. Donc, quand je peux, j’aime prendre du temps pour échanger.
Vous nous avez dit avoir été amené à travailler à l’étranger et avec l’étranger ; qu’est-ce que cela vous a apporté dans votre parcours professionnel ?
Le principal apprentissage que j’en ai retiré a été de trouver les clés pour faire prospérer les sujets dont nous sommes en charge avec une approche compréhensive et adaptative. C’est extraordinaire de travailler avec d’autres cultures. Ce n’est pas du tout la même chose que de travailler avec les équipes de Singapour, celles de Moscou, ou celles de Mexico : à chaque fois, il y a vraiment un enjeu de compréhension et d’adaptation à la culture que l’on rencontre. Il faut aussi sans arrêt se remettre en question : ce qui marche très bien en France peut ne pas du tout fonctionner dans un autre pays.
Avez-vous des conseils pour les étudiants intéressés par votre métier ?
Je leur conseillerais de faire preuve de beaucoup de curiosité, d’avoir envie de changer les choses. Travailler dans une entreprise, une grande comme une petite, démultiplie l’impact que l’on peut avoir, et permet de mettre plus facilement ses propres convictions en action. Il faut aussi avoir envie d’apporter quelque chose à l’entreprise dans laquelle on va travailler. Aujourd’hui, on rentre dans une entreprise pour y apporter sa pierre, ses convictions.