Interview de Stéphanie Delestre, jury de la saison 4 de Qui veut être mon associé ?

Interview de Stéphanie Delestre, jury de la saison 4 de Qui veut être mon associé ?

Planète Grandes Ecoles a eu le privilège de s’entretenir avec Stéphanie Delestre, investisseur, entrepreneuse à succès et nouvelle jury de la saison 4, de Qui veut être mon associé sur M6.

 

Bonjour Stéphanie, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis Stéphanie Delestre, entrepreneure et investisseur avec l’émission Qui veut être mon associé ? J’ai fait mes études à la Sorbonne et à l’ESCP BS. J’ai commencé à travailler assez jeune et j’ai eu la chance de rentrer dans le groupe Bouygues TF1, qui m’a formé sur tous les métiers dont on a besoin pour être entrepreneur, comme le marketing, le management, la finance et le commercial.

Ensuite, j’ai quitté le groupe TF1 après 15 ans de bons et loyaux services, pour aller diriger QYPE, une startup à Hambourg, en tant que COO (Chief Operating Officer). Quand je suis arrivée en 2007, nous étions 7 et c’était une toute petite entreprise. Nous l’avons lancé dans toute l’Europe et QYPE est devenu le numéro 1 des avis locaux. L’entreprise a été rachetée par le leader américain Yelp.

Quand je suis rentrée en France, j’ai lancé une nouvelle startup qui s’appelle QAPA. L’idée était de créer un Jobboard avec de l’IA. Cela n’existait pas en 2011 et nous avons été les premiers à développer des algorithmes de matching entre les candidats et les offres d’emploi, pour accélérer leur recherche d’emploi. L’idée a très bien fonctionné, car nous avons eu très rapidement 5 millions de Français sur la plateforme QAPA. Mais, le marché des Jobboards est un tout petit marché (une centaine de millions d’euros).

Ainsi, nous avons pivoté en 2016, pour utiliser la grande CVthèque de 5 millions de CV avec nos algorithmes de matching, pour lancer la première plateforme d’intérim digital en France et en Europe. Nous avons mis en place la brique administrative pour faire les contrats de travail et la fiche de paie, car l’agence d’intérim est l’employeur des intérimaires. L’idée a rapidement séduit et Carrefour nous a fait confiance, ce qui nous a fait beaucoup apprendre (par exemple : avoir le bon niveau de relation client au niveau des intérimaires et des entreprises, mise en place de process rigoureux). QAPA s’est beaucoup développé et début 2021, le leader mondial de l’intérim Adecco s’est intéressé à la digitalisation de ses process : Adecco a donc consulté des startups, qui ont digitalisé le marché. L’entreprise Adecco a décidé de racheter QAPA pour un peu moins de 100 millions d’euros en septembre 2021. Personnellement, j’ai quitté QAPA en mai 2022.

Depuis début 2023, je travaille au lancement de ma nouvelle startup : volubile.ai. Nous avons inventé un agent conversationnel qui est capable de réfléchir et converser comme un être humain. L’objectif est de la déployer dans la relation commerciale et la relation client. J’ai confondé cette startup avec Julien Ros (PhD en machine learning) et Maxime Ianeselli (Grenoble INP, Ensimag), deux personnes avec lesquelles j’ai travaillé pendant 5 ans chez QAPA.

 

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Vous êtes diplômée et alumni d’ESCP BS, que vous a apporté votre Master Grande Ecole ?

La FAC m’a apporté l’esprit d’analyse et l’ESCP BS, l’esprit de synthèse. Le fait de faire la FAC et une Grande Ecole de commerce a été le duo gagnant, car dans toutes les situations rencontrées en tant qu’entrepreneur, analyser et synthétiser (ce sont deux aspects de notre cerveau très complémentaires et qui s’additionnent), couplée à l’expérience, permet de prendre les meilleures décisions et de faire moins d’erreurs que les concurrents.

Le cours de Jean Tulard à la Sorbonne sur Napoléon était extraordinaire. Quand j’étais à l’ESCP BS, j’ai eu la chance de faire des études de cas sur la coopérative du roquefort et sur le parfum Georgio Armani. Cela m’a permis de comprendre leur problématique et d’avoir la liberté de travailler sur un projet comme si on était dans l’entreprise, de manière concrète.

 

Vous avez commencé votre carrière dans les médias sur TF1 et surtout Eurosport entre 1993 et 2007. Quels ont été vos postes et missions sur ces deux médias de référence ?

J’ai commencé à Eurosport avec un stage en marketing de six mois dans le secteur des bandes-annonces. L’objectif était de trouver des idées pour promouvoir les programmes de la chaîne Eurosport et ensuite je donnais les idées et concepts aux réalisateurs. À la suite de ce stage, j’ai été recrutée en CDI dans le service des bandes-annonces. Tous les deux à trois ans, j’ai eu la chance de changer de métier.

Au début des années 2000, en plein crise internet, ma direction m’a proposé de prendre la responsabilité des sites internet d’Eurosport. C’était génial, car j’étais la seule fille parmi une équipe 100% masculine. Cette expérience était géniale, car nous avions notre média (on faisait notre grille de programmes) avec de nombreux sports diffusés (étant passionnée de sport, j’ai adoré). Il fallait tout faire de A à Z, ce qui est une très bonne manière d’apprendre des compétences dans le domaine commercial et du sponsoring. Nous faisions aussi du marketing, du journalisme, de la vidéo et de la finance.

Nous avons lancé les sites Eurosport en Chine et en Russie. J’ai fait aussi un partenariat avec Yahoo, dirigé par Dominique Vidal à l’époque. En effet, nous avons fusionné les chaînes Yahoo et Eurosport pour devenir le numéro 1 en Europe.

 

À savoir : Eurosport a été le premier à mettre de la vidéo sur un mobile en Europe, pour diffuser des vidéos de sport.

Stéphanie Delestre et Anthony Bourbon sont deux jurys dans Qui veut être mon associé.

Quel est votre regard aujourd’hui sur les médias de la télévision et les défis qui se présentent à eux (digitalisation, méfiance envers les médias etc) ?

Le secteur de la télévision évolue dans la continuité, car tout ce qui se passe aujourd’hui dans ce secteur, est déjà évoqué dès les années 90. En effet, avec l’arrivée du web et la multiplication des canaux de diffusion, la télévision évolue de manière logique. Cependant, j’émettrais deux signaux d’alerte :

  • Faire attention à notre temps de cerveau disponible, car nous sommes très facilement happés par les nouveaux médias
  • Être vigilant à la désinformation

Ainsi, j’en reviens à ma formation qui m’a permis de développer mes capacités d’analyse et de synthèse, au service de l’esprit critique : le but est de comprendre, analyser et en tirer de l’expérience. À mes yeux, les formations de l’enseignement supérieur n’apportent pas assez d’esprit critique aux étudiants, afin que ces derniers gardent leur libre-arbitre, sans se faire manipuler.

 

En 2007, vous êtes partie à l’étranger en Allemagne à Qype en tant que COO. Que vous a apporté cette expérience professionnelle à l’étranger ? En quoi ont consisté vos missions ? Quelles étaient les difficultés que vous avez rencontrées ?

J’ai rejoint la startup QYPE à Hambourg, dès le début du projet entrepreneurial, grâce à Thibault Court, que j’avais rencontré à Eurosport. J’ai été contactée ensuite par des fonds d’investissement et cela s’est fait comme ça.

3 ans plus tard, nous sommes devenus le numéro 1 en Europe des avis locaux. Cette expérience m’a apporté une ouverture d’esprit, car il y avait une dizaine de nationalités différentes (allemands, français, anglais, lituaniens, estoniens et polonais…). L’équipe était aussi incroyable, notamment Phil Chambers, le CTO de QYPE, qui a ensuite créé son entreprise, rachetée à plus de 700 millions d’euros par Workday.

 

En 2011, vous lancez QAPA, votre premier projet entrepreneurial. Racontez-nous comment s’est passée l’idéation du projet. Quels étaient les objectifs de celui-ci ?

Je ne suis pas forcément passionnée par un sujet. Donc j’ai demandé aux fonds d’investissement de QYPE, les secteurs d’activité où ils investissaient. À ce sujet Philippe Collombel (Partech) a indiqué que les fonds d’investissement étaient intéressés en 2010-2011 par le e-commerce, les seniors et les RH. Je n’ai pas choisi le e-commerce, car les coûts d’acquisition sont très élevés, avec peu de marges. L’industrie des seniors nécessitait beaucoup d’humains et peu de tech à l’époque, alors que moi je suis très orientée tech.

Ainsi, j’ai choisi les RH. Après être rentrée de Hambourg, je suis allée m’inscrire au Pôle Emploi de Vitry-sur-Seine et je me suis rendue compte qu’il y avait une grosse difficulté : pendant mes entretiens pour trouver un emploi, les patrons disaient que c’était compliqué de trouver du personnel. De l’autre côté, les demandeurs d’emploi disaient aussi qu’il était compliqué de trouver un emploi.

Donc avec QAPA, nous voulions résoudre ce problème, l’objectif était que les non-cadres puissent trouver un emploi rapidement, avec le même niveau de services que les cadres avaient avec l’APEC et CadreEmploi par exemple.

 

QAPA s’est distingué de nombreuses fois (French Tech 120, Prix BpiFrance, Concours mondial pour l’innovation). Comment l’avez-vous vécu et qu’est-ce que cela a apporté à l’entreprise ?

Un prix, c’est toujours une reconnaissance pour le travail accompli et les efforts. Un prix est important pour les équipes. Le French Tech 120, organisé par l’Etat, pour récompenser les startups en forte expansion, montre la reconnaissance de l’écosystème et montre que vous faites partie des meilleures startups.

 

En 2021, vous décidez de vendre QAPA à Adecco. Pourquoi ce choix ? Comment se passe une vente d’entreprise ?

Une boîte ne se vend pas, elle s’achète. En effet, QAPA gagnait des clients et la croissance était au rendez-vous, avec une excellente équipe. Adecco, le numéro un mondial est venu pour racheter l’entreprise et « quand le numéro un mondial vient vous voir, vous savez qu’il vient vous voir qu’une seule fois ». Ce rachat est une forme de reconnaissance.

Au niveau de la vente, le processus est long, donc nous avons décidé de ne pas informer les équipes. En effet, si la vente ne se fait pas, cela peut être une désillusion et un facteur de démotivation pour les équipes. Il faut aussi montrer à l’acheteur potentiel, que QAPA continuait à gagner des clients et que le chiffre d’affaires était en croissance. La vente s’est bien déroulée, car « on disait ce qu’on allait faire et on faisait ce qu’on avait dit. ». Elle s’est passée de manière très fluide et professionnelle.

Cependant, dans une bonne vente, il y a toujours une phase de négociation où il est important que cela se passe de manière correcte et en bonne intelligence, car quand une entreprise est achetée, l’acheteur et le vendeur continuent à travailler ensemble après. Souvent, les acheteurs et les vendeurs prennent une banque d’affaires et les points de tension se règlent par des intermédiaires. Ainsi, l’acheteur et le vendeur gardent une bonne relation, car il faut continuer à faire performer l’entreprise.

Le rachat d’un montant quasiment égal à 100 millions d’euros de vente, a rendu les équipes très fières. Cela permet aussi d’accélérer sa notoriété et faciliter les relations avec les fournisseurs.

 

En plus de votre vie d’entrepreneuse, vous êtes membre du board de la French Tech. Quel est votre rôle ?

Les enjeux de la French Tech sont de faire rayonner l’entreprenariat français dans le pays et à l’étranger, d’aider les entrepreneurs à grandir (faire connaître les événements, les subventions, les concours et les aides) pour développer l’écosystème entrepreneurial en France et de proposer des actions à l’Etat français, comme le programme Je choisis la French Tech, afin que les grands groupes et les institutions publiques favorisent les startups françaises, pour les aider à grandir.

C’est une manière de participer à l’écosystème des entrepreneurs, d’autant que La French Tech a seulement 10 ans : l’histoire est toute récente pour nous tous. Ainsi, je suis au board de la French Tech, car je suis engagée pour l’entreprenariat français et le développement de son écosystème à travers des événements notamment.  

Si cet écosystème avait été plus développé lorsque j’avais lancé QAPA, j’aurais eu plus d’aide et de conseils. L’objectif est de donner envie d’entreprendre aux jeunes et que l’entreprenariat soit compris par tous les Français. En effet, il est possible d’entreprendre dans une startup, mais aussi en CDI, avec l’intrapreneuriat.

Finalement, l’esprit et les valeurs de l’entreprenariat sont essentiels pour la France à mes yeux. Il est aussi important de valoriser nos startups à l’international, afin d’attirer les investisseurs et les grands groupes mondiaux pour les aider à grandir plus vite.

 

Enfin, vous êtes nouvelle membre de Qui veut être mon associé pour la saison 4. Pourquoi avoir rejoint l’émission ? Avez-vous une anecdote à nous raconter sur un candidat et un projet ?

La production de M6 m’a contactée et j’ai passé un entretien d’embauche sur les Champs-Elysées au Drugstore Publicis, où j’ai parlé de mon parcours et de mes valeurs. J’ai accepté de faire l’émission Qui veut être mon associé ? car c’est la seule émission en France, en prime time, qui parle réellement d’entreprenariat et qui montre les valeurs (audace et courage) et la difficulté de l’entreprenariat.

L’émission permet aussi de donner envie aux jeunes d’entreprendre et elle est en phase avec mes valeurs. Elle me permet de rencontrer des entrepreneurs avec des projets formidables.

L’anecdote : j’étais aussi stressée que les entrepreneurs, car la responsabilité est grande, d’autant plus que les jurys ne connaissent rien des entreprises qui viennent présenter leur projet, avant que les boîtes se présentent.

De manière concrète, nous arrivons le matin pour se faire maquiller. Nous entrons dans le studio où nous commentons le décor pour essayer le trouver la thématique de la starup qui va venir se présenter. Ensuite, les entrepreneurs arrivent pour présenter leur startup pendant 15 à 20 minutes, puis il y a un échange avec des questions du jury. Enfin, nous décidons si nous investissons dans le projet et nous expliquons les raisons de notre investissement. Si plusieurs jurys souhaitent investir, les entrepreneurs peuvent choisir selon les compétences des jurys et en fonction de la proposition. Cette saison il y a beaucoup de compétition entre les investisseurs !

Stéphanie Delestre et Tony Parker, deux investisseurs très engagés dans Qui veut être mon associé ?

Quand vous investissez dans un projet, qu’est-ce que vous regardez ?

Quand j’investis dans un projet, je regarde les valeurs des entrepreneurs, leur état d’esprit (capacité à écouter, ambition), mais surtout le projet entrepreneurial, avec la proposition de valeur. Je regarde si je suis compétente pour aider l’entrepreneur en cas de besoin.

 

Vous avez, nous l’imaginons, un emploi du temps très chargé. Quel est votre quotidien ? Comment organisez-vous votre temps ?

Je suis très libre de travailler. En effet, j’aime le travail, car je rencontre de nouvelles personnes et j’apprends beaucoup de choses. Au niveau de mon quotidien, j’ai un appel tous les matins à 9h avec les co-fondateurs de volubile.ai pour faire le point sur les tâches effectuées la veille et la journée en cours.

Ensuite, je travaille le matin en faisant une veille sur les tendances en communication, mais aussi en préparant mes posts Linkedln. Je fais aussi des réunions pour le business et la prospection.

 

Le mot de la fin

J’ai participé à l’émission pour montrer que tout est possible. En effet, ma mère m’a élevé seule dans une cité HLM, car mon père est mort quand j’étais jeune. Et pourtant, j’ai réussi grâce à l’entreprenariat. J’espère que mon histoire peut inspirer et donner confiance à toutes les personnes, qui veulent entreprendre. La recette du succès est le travail.

 

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Je suis Maxime DIGUET, rédacteur en chef adjoint de PGE et je souhaite au travers de mes articles vous partager plein de conseils et astuces.