- ENTREPRENEURIAT
- Thomas Basillais
- 5 octobre 2023
Interview de Jean-Etienne Molle, COO et co-fondateur d’Emersio
Dans cet article vous retrouverez le témoignage passionnant de Jean-Etienne Molle, COO et co-fondateur d’Emersio, la première plateforme qui utilise la comptabilité prédictive pour offrir un outil d’aide à la décision.
Bonjour Jean Etienne, pourrais-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours professionnel avant de fonder Emersio ?
Je m’appelle Jean-Etienne Molle, COO & Co-fondateur d’Emersio. Je viens de la région niçoise et j’ai fait tout mon parcours universitaire à l’EDHEC sur le campus de Nice. Plus précisément, j’ai un Bachelor in Business Administration, spécialisation Audit & Contrôle de gestion et un Master of Science en Finance et normes comptables internationales. Je suis arrivé sur le marché du travail en 2020 et en pleine crise du COVID. J’ai travaillé 2 ans en cabinet d’expertise comptable, et en parallèle avec Adrien mon futur associé, on a effectué de nombreux Business Plan pour des créateurs d’entreprises. C’est ce qui nous a poussé petit à petit vers l’entreprenariat. Début 2022 on obtient la bourse BPI FrenchTech qui a donné le top départ à l’aventure Emersio.
Pourrais-tu nous expliquer en quoi consiste Emersio ?
Emersio est la première plateforme de pilotage prédictif pour les PME de demain. On utilise ce qu’on appelle la comptabilité prédictive pour permettre aux PME de prendre des décisions basées sur la data, le plus tôt possible. Nos modèles d’IA viennent apprendre comment fonctionne l’entreprise grâce à ses données comptables et sont capables de faire des projections financières automatiques, comme ça le dirigeant sait où son entreprise se dirige. Sur la plateforme, il peut ensuite simuler n’importe quelle décision et en connaître l’impact dans le temps. Cela peut être des embauches, des campagnes marketing, mais également simuler l’impact d’évènements extérieurs comme une baisse de chiffre d’affaires, une hausse du prix des matières premières. Dans le contexte actuel d’inflation, et depuis la crise du COVID, on comprend la volonté des dirigeants de PME de savoir si leur entreprise peut faire face à un environnement incertain. On peut voir le fait d’utiliser Emersio comme avoir son entreprise virtuelle sur laquelle on peut tester plein de décisions ou événements et analyser leurs impacts.
Qu’est-ce qui a inspiré la création d’Emersio ? Y avait-il un élément déclencheur qui vous a conduit à développer cette solution basée sur l’intelligence artificielle ?
Notre volonté avec Emersio est de rendre accessible une technologie qui est utilisée par les très grandes entreprises aux PME, qui constituent le cœur du tissu économique en France. On ne veut pas qu’elles deviennent les oubliées des nouvelles technologies, encore moins à l’heure de l’IA. Le problème qu’on essaye de résoudre se trouve également dans les outils de pilotage actuels. Une phrase de Edwards Deming résume bien ce problème : “ Gérer une entreprise en se focalisant sur les indicateurs financiers revient à conduire une voiture en regardant dans le rétroviseur “. Les tableaux de bord regardent vers le passé alors que les PME ont besoin d’outils qui leur permettent d’anticiper leur activité future. Que ça soit dans le pilotage d’entreprise mais également dans tous les autres domaines, l’IA est en train de révolutionner un bon nombre de secteurs. Tout ce qui touche aujourd’hui à l’analyse de données sera demain une analyse prédictive !
Pouvez-vous partager un moment marquant depuis le lancement d’Emersio ?
On vient d’intégrer très récemment le programme d’accélération Cegid Data Lab à Station F ! C’est loin d’être une fin en soi, mais c’est une vraie reconnaissance pour une startup de pouvoir intégrer cet écosystème formidable et cela fait vraiment plaisir de découvrir tout ce monde de l’intérieur. Le fait qu’on ne puisse pas avoir des bureaux de manière définitive à Station F est très stimulant. Le programme dure un peu moins d’un an et on a envie de profiter et de faire le maximum pendant ce temps-là. Ce qui est difficile avec l’entreprenariat, c’est qu’on n’a jamais vraiment le temps de profiter des bonnes nouvelles. On a eu nos premiers clients récemment mais on est tellement dans l’opérationnel et le regard tourné vers l’avenir qu’on a pu difficilement le fêter, et pourtant c’est très important de souligner les moments de réussite. J’espère qu’on prendra plus de temps pour ces prochains moments.
Combien de personnes travaillent actuellement au sein d’Emersio, et comment fonctionne la collaboration au sein de votre équipe pour faire avancer votre mission ?
J’ai fondé Emersio avec Adrien Raynal, que j’ai rencontré lors de mes études en échange universitaire en Corée du Sud. On a un alternant formidable en Data Science et 2 développeurs freelance qu’on adore et qu’on aimerait internaliser. Avec Adrien nous sommes totalement complémentaires, que ça soit au niveau du caractère et de nos préférences de travail. Il gère toute la partie IA et plateforme en interne à l’entreprise, et moi toute la partie branding et client. On partage la même vision du produit, du marché, mais également l’image qu’on veut donner de l’entreprise, et c’est souvent un point oublié lorsqu’on s’associe avec quelqu’un. On s’est vraiment bien trouvé, que cela soit humainement et professionnellement.
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En tant que COO et co-fondateur, comment se déroule généralement une journée type pour toi chez Emersio ?
Comme beaucoup de fondateurs de startups, ma journée est rythmée par les visioconférences ! C’est très stimulant d’échanger avec des prospects, des clients ou des partenaires mais c’est très compliqué lorsqu’on veut se concentrer sur des tâches précises. Avec Adrien mon associé on essaye de se bloquer quelques demi-journées “focus” où on peut vraiment se concentrer sans être dérangés.
Je n’ai jamais deux journées qui se ressemblent et c’est vraiment ça que j’aime dans l’entreprenariat. Il ne se passe pas une journée ou je n’apprends pas une nouvelle compétence. De la gestion d’équipe au marketing et en passant par le côté commercial, en tant que fondateur on doit être bon partout.
Quels sont les projets à venir pour Emersio ?
On se concentre à fond sur notre traction commerciale avec pour objectif une levée de fond en Seed d’ici fin d’année, qui va nous permettre de doubler la taille de l’équipe. Côté R&D on a beaucoup d’idées ! Sur la fiabilité des projections financières, on veut intégrer très rapidement des données externes à l’entreprise. Par exemple pour un restaurant, intégrer des prévisions sur la météo ou le tourisme afin d’avoir des prévisions de chiffre d’affaires encore plus précises.
Côté expérience utilisateur, on veut réinventer la manière d’interagir avec l’outil. On s’intéresse beaucoup à l’IA générative et aux LLM, qui peuvent permettre à nos utilisateurs d’avoir un véritable dialogue avec la plateforme. L’IA ne va pas seulement révolutionner des problèmes purement techniques, mais également la manière d’utiliser les outils SaaS.
On souhaite faire également un gros travail sur la vulgarisation de comment fonctionne notre technologie, et permettre à nos utilisateurs de comprendre puis jouer avec l’IA. On ne veut pas que l’IA reste une “boîte noire” inaccessible. On pense vraiment que les solutions IA ont beaucoup à gagner en étant transparentes avec leurs utilisateurs.
Pour les entrepreneurs ou les professionnels qui aspirent à développer des solutions basées sur l’intelligence artificielle, quel conseil essentiel donnerais-tu ?
Plus important encore que la technologie et la connaissance de l’IA de manière générale, c’est la connaissance métier qui fait la différence. Aujourd’hui je pense qu’il est plus simple pour quelqu’un du métier de la finance/comptabilité d’appliquer des modèles d’IA sur son cas d’usage, que pour un data scientist d’intégrer le monde de la comptabilité, qui a une logique assez particulière et difficile à comprendre quand on est pas de ce milieu. La compréhension des données est la compétence essentielle.
De la même manière, ne pas oublier que toute solution doit répondre à un vrai problème et s’appliquer à des cas d’usage concrets. Avec Adrien on a souvent des tonnes d’idées de R&D qu’on aimerait mettre en place, mais très souvent, peu d’entre elles répondent à un vrai besoin validé par le marché. On s’efforce de toujours partir du client, du terrain et de comment répondre à un problème précis, avant de développer une fonctionnalité.
J’aimerais aussi ajouter qu’on peut parfois être trop en avance sur son marché. On pense toujours être en retard par rapport aux nouvelles technologies, et on a peur d’être dépassé par des concurrents, notamment avec tout ce qu’il se passe avec l’IA. Cependant les mentalités et les habitudes prennent du temps à vraiment changer. Il faut essayer de sonder au maximum son marché et s’assurer que vos futurs utilisateurs sont ouverts à changer leurs habitudes et utiliser des solutions, basées sur l’IA notamment.
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