- ENTREPRENEURIAT INTERVIEWS LEVÉE DE FONDS
- Matthieu Castagnos
- 3 octobre 2023
Interview de Jules Veyrat, CEO de Stoïk
Dans cet article vous retrouverez le témoignage passionnant de Jules Veyrat CEO de Stoïk, une jeune entreprise en pleine croissance qui propose des solutions d’assurance de cybersécurité et qui a annoncé récemment une levée de fonds de 10 millions d’euros.
Pouvez-vous vous présenter et revenir succinctement sur votre parcours académique et professionnel ?
Je m’appelle Jules Veyrat, et je suis le Co-fondateur et CEO de Stoïk. Après avoir suivi une classe préparatoire, j’ai obtenu mon diplôme d’HEC en 2017, avec une spécialisation en entrepreneuriat au cours de ma dernière année. Cette spécialisation a été particulièrement enrichissante pour moi, car elle m’a permis de passer beaucoup de temps sur le terrain, à rencontrer des clients et des partenaires.
À la fin de mes études, je n’avais pas nécessairement l’intention de me lancer dans l’écosystème des start-ups, que je trouvais parfois un peu prétentieux. J’ai donc rejoint une belle PME française appelée Philo Editions, qui est l’éditeur de Philosophie Magazine. Pendant quatre ans, j’ai travaillé en étroite collaboration avec des philosophes au sein de cette maison d’édition.
Cependant, à un moment donné, j’ai ressenti à nouveau l’attrait pour l’entreprenariat J’avais vraiment envie de me plonger dans un projet à fort potentiel de croissance, de retrouver cette stimulation et cette agilité propres aux jeunes entreprise .
Pouvez-vous nous raconter la genèse de Stoïk ?
Mon désir initial était de me lancer dans une aventure collective intense, avec un projet susceptible d’atteindre des taux de croissance à quatre chiffres. En ce qui concerne le secteur d’activité, j’étais totalement ouvert et agnostique. Ce qui m’importait le plus, c’était de trouver un domaine où je pourrais apporter de la valeur et où il y avait un potentiel de croissance significatif.
J’ai remarqué que les questions de cybersécurité pour les PME et les ETI n’étaient pas très développées en Europe, contrairement au marché américain où j’avais déjà repéré quelques projets similaires à ce que nous faisons aujourd’hui. Cependant, je n’avais aucune expérience préalable en cybersécurité ni en assurance. Je partais vraiment de zéro, sans connaissances préalables dans ces domaines.
Mon hypothèse, qui s’est avérée exacte dans mon cas, c’est que le plaisir que l’on prend dans son travail n’est pas nécessairement lié au secteur d’activité dans lequel on évolue. Tant qu’il existe des perspectives de développement solides et que l’on se sent aligné avec les enjeux et les objectifs, le secteur en lui-même n’est pas nécessairement un obstacle, du moins c’est mon point de vue.
Pouvez-vous nous expliquer la proposition de valeur de Stoïk ?
Notre produit s’adresse principalement aux dirigeants d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aux petites et moyennes entreprises (PME), mais notre canal de distribution principal est constitué des courtiers en assurances. Notre concept repose sur la possibilité offerte aux courtiers de proposer à leurs clients un produit unique qui combine deux éléments essentiels : une couverture d’assurance en cybersécurité et des outils de sécurité que nous développons en interne. Ces outils sont mis à disposition gratuitement pour les assurés.
Cette combinaison présente des avantages significatifs. D’une part, elle satisfait les clients, car ils ne se contentent pas seulement d’une assurance, mais bénéficient également d’outils de sécurité pratiques. D’autre part, elle comble également les courtiers en leur offrant une offre attrayante à proposer à leurs clients.
En ce qui concerne la prévention, nous mettons en place des mesures simples mais efficaces. Nous aidons nos clients à mettre en place les premières couches de sensibilisation aux risques en matière de cybersécurité. Les failles de sécurité peuvent résulter de vulnérabilités techniques, mais aussi de vulnérabilités humaines.
D’un point de vue technique, nous surveillons en permanence l’activité de nos assurés et nous leur signalons tout ce qui pourrait présenter un risque. Par exemple, cela peut concerner l’oubli de mettre à jour un logiciel.
En ce qui concerne les risques liés au facteur humain, nous mettons régulièrement les collaborateurs de nos clients à l’épreuve en leur envoyant de faux e-mails de phishing. Cette démarche vise à les sensibiliser aux techniques d’attaque par hameçonnage et à les former pour qu’ils soient mieux préparés à faire face à de telles menaces.
Dans certains cas, nous pouvons également proposer des services plus techniques pour renforcer la sécurité de nos clients.
L’année dernière vous avez signé un partenariat avec la BNP Paribas, pouvez-vous en dire plus ?
Collaborer avec la plus grande banque d’Europe, en exclusivité qui plus est, est toujours une démarche bien perçue, et cela témoigne d’une confiance solide dans notre entreprise. Il est essentiel de souligner que notre modèle commercial repose sur la conclusion de partenariats avec des acteurs qui commercialisent nos services. Avec le nombre croissant de nouveaux partenaires que nous concluons chaque jour, BNP Paribas demeure notre partenaire le plus important.
Pour une petite entreprise telle que la nôtre, la concurrence est féroce, avec des acteurs historiques français et internationaux qui possèdent une expertise et des relations établies depuis de nombreuses années. Dans ce contexte, il est impératif que nous acquérions rapidement une crédibilité, et la conclusion de partenariats de ce type constitue un moyen essentiel pour y parvenir.
Vous avez récemment levé 10 millions d’euros avec Munich Re Ventures ainsi qu’Opéra Tech Venture et vos investisseurs historiques Alven et Andreessen Horowitz. Il paraît que vous souhaitez vous expandre à l’Allemagne. Le marché français a bien répondu à votre approche, quelles leçons ou enseignements avez-vous tirés de cette expérience qui seront applicables à votre expansion en Allemagne ?
Effectivement, nous avons récemment réalisé une levée de fonds de 10 millions d’euros, portant notre total à 25 millions d’euros en l’espace de 2 ans. Jusqu’à présent, nous nous sommes principalement concentrés sur le marché français pour définir notre modèle. En France, nous avons réussi à établir une force de vente et de distribution solide, et cette expérience servira de modèle pour notre expansion en Allemagne. L’idée est de maintenir une distribution exclusivement basée sur des courtiers, avec une approche locale.
Cependant, il est essentiel d’adapter tous les autres aspects de notre activité. Les courtiers allemands auront des priorités différentes de leurs homologues français. Par exemple, ils accorderont probablement une plus grande attention à nos conditions générales, et l’interface pour la signature des contrats ne sera pas la même. Il y a donc de nombreuses petites spécificités à prendre en compte dans ce processus d’adaptation.
Depuis plusieurs mois le contexte n’est pas favorable à la levée d’argent, pouvez-vous nous donner votre ressenti ?
Notre dernière levée de fonds a été bouclée avec un timing favorable, juste avant que les banques américaines spécialisées dans les startups technologiques ne connaissent des difficultés.
Nous avons également remarqué un changement dans l’attitude des investisseurs. Ils semblent moins enclins à investir sur la base de promesses et davantage axés sur les résultats concrets. À mon avis, c’est une évolution positive. Nous assistons à un retour à la normale qui est plus sain pour l’ensemble du secteur. Les investisseurs ne se contentent plus d’un discours bien ficelé, ils veulent voir des résultats tangibles. Pour progresser vers la prochaine étape de financement, nous devons donc fournir des résultats significatifs.
Quelques chiffres clés à nous partager ?
Stoïk compte actuellement 55 employés, dont 50 en France et 5 en Allemagne. Nous prévoyons de dépasser 10 millions d’euros de primes d’assurance d’ici la fin de l’année. Notre couverture s’étend aux entreprises réalisant jusqu’à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, et nous collaborons avec plus de 1500 courtiers partenaires.
Pour finir quelle est votre politique de recrutement actuellement avec cette nouvelle levée de fonds ?
L’approche de notre équipe consiste à maintenir une équipe d’environ 50 personnes en France, afin de démontrer la scalabilité de notre modèle. Nous voulons montrer que n’avons pas besoin d’augmenter notre effectif pour réaliser une croissance significative.
Par conséquent, nous concentrons nos efforts de recrutement uniquement au sein de nos headquarters comme en Allemagne.
Nous avons actuellement un nombre limité de postes à pourvoir, et nous cherchons uniquement des candidats hautement qualifiés. Jusqu’à présent, nous n’avons pas embauché de stagiaires ou d’alternants, car nous sommes conscients que cela demande beaucoup de temps et de ressources en formation. Malheureusement, notre charge de travail actuelle est telle que nous ne pouvons pas nous le permettre.
Une fois que notre structure sera plus solide et que nos opérations seront mieux établies, nous envisagerons de recruter des alternants, mais cela ne se produira probablement pas avant au moins 18 mois.
Un grand merci à Jules Veyrat pour cette interview !