- INTERVIEWS
- Matthieu Castagnos
- 14 février 2024
Interview de Jean-Yves Gras, directeur général de Colissimo
Pouvez-vous vous présenter et revenir succinctement sur votre parcours professionnel et
académique ?
Je suis directeur général de Colissimo depuis un peu plus de 3 ans. Pour résumer mon parcours… Après l’ESCP Europe, et un master en Econométrie et Statistiques (Paris 2), j’ai débuté dans le conseil en management chez Bossard Gemini consulting. Je me suis lancé dans l’entrepreneuriat en fondant le cabinet Kea & Partners en 2001, puis j’ai rejoint le cabinet Oliver Wyman. En 2005 j’ai été recruté par Geodis pour développer une offre innovante d’externalisation de la supply chain.
Puis j’ai été promu vice-président Business Solutions, j’avais pour mission d’accélérer développement international et e-commerce. Enfin, de 2013 à 2020, en tant que vice-président Supply Chain et Logistics, j’ai piloté les activités logistiques contractuelles internationales du groupe Bolloré Logistics (Europe, Afrique, Asie et Amériques).
Pouvez-vous fournir une introduction à Colissimo et exposer sa mission principale pour nos lecteurs qui pourraient ne pas être familiers avec l’entreprise ?
Colissimo, c’est le leader de la livraison de colis de moins de 30 kilos aux particuliers. Nous livrons près de 500 millions de colis par an soit 5 000 colis par minute à Noël. Pour cela nous avons investi dans notre réseau de plateformes de tri industriel.
Nous livrons partout en France : à domicile, dans nos 25 000 points de retrait, dans un millier de consignes… Et même chez des voisins-relais. Nous proposons donc l’offre la plus complète du marché. Nous sommes aussi présents à l’international, vers 235 destinations. Et nous sommes engagés de longue date dans une démarche RSE qui porte ses fruits. Ainsi nous avons réduit de 42% les émissions carbone au colis entre 2013 et 2022…
Et depuis la fin 2023, toutes nos livraisons sont décarbonées à Paris, et la moitié dans les 22 grandes métropoles françaises. Colissimo a l’empreinte carbone par colis la plus basse du marché, nous sommes en quelque sorte le transport en commun de vos achats.
En tant que directeur général de Colissimo, quelles sont vos principales responsabilités et missions au sein de l’entreprise ? Quels sont les principaux objectifs que vous avez fixés pour Colissimo ?
Mon rôle, en tant que directeur général de Colissimo, est notamment de contribuer à la transformation d’une grande entreprise, avec l’ambition de rester le leader, le référent en matière d’une livraison plus responsable, et réussie.
Dès mon arrivée au dernier trimestre 2020, en plein Covid, j’ai pu mesurer l’engagement et l’expertise des équipes. Aujourd’hui pour renforcer notre position de leader, nous devons être capable d’innover, de proposer de nouvelles offres, de continuer à optimiser nos outils industriels, nos conditions de travail, et toujours dans la rentabilité qui nous permet d’investir.
Cela n’est pas antinomiques des valeurs fortes portées par La Poste : pour poursuivre nos engagements RSE, pour former les postiers, investir dans l’amélioration des conditions de travail, il nous faut être performants.
En tant que filiale du groupe La Poste, comment se déroule la collaboration de Colissimo avec les autres entités du groupe, et de quelle manière sont établies et optimisées les synergies entre elles ?
Avec les autres marques du groupe La Poste (DPD, Chronopost,…), nous travaillons naturellement en synergie notamment sur le plan industriel. Le tout, dans l’intérêt supérieur du Groupe. Nous avons défini les marchés que chaque marque adresse et les caractéristiques de nos offres. Lorsque c’est possible nous mutualisons les moyens, en capitalisant sur les atouts de chacun, pour proposer la meilleure solution possible à nos clients.
Il y a aussi une vertu à la « co-pétition », mélange de compétition et coopération, au sein de grands groupes. Pour la Poste, nous nous sommes adaptés plus vite au développement du e-commerce et des usages des clients. La Poste française est leader sur la livraison de colis ce qui est un cas rare en Europe.
Comment pouvez-vous expliquer votre engagement prolongé dans le domaine de la supply chain et de la logistique tout au long de votre carrière ?
J’ai commencé dans le conseil en stratégie et je me suis spécialisé dans le secteur du transport et de la logistique internationale. J’ai eu l’opportunité d’acquérir une expertise complète par mon parcours au sein des plus grands prestataires mondiaux (Geodis, Bolloré Logistics, La Poste) et toujours avec un prisme international.
C’est un secteur d’activité qui est par nature international, technologique, car nous manipulons énormément de données, mais surtout profondément humain. Ce sont les femmes et les hommes qui sont au cœur de nos métiers, c’est la proximité avec nos clients qui me motivent tous les jours. Enfin, j’ai pu accéder à des fonctions de direction générale qui sont très complètes et passionnantes.
Comment gérez-vous les évolutions technologiques dans le secteur de la logistique et de la livraison et comment ces avancées influencent-elles les opérations de Colissimo ?
Nous anticipons, nous innovons, nous investissons dans notre outil industriel depuis plusieurs années… En bref, nous ne restons surtout pas endormis sur nos acquis. Nous faisons évoluer nos opérations, afin de continuer à proposer le meilleur service de livraison, tout en respectant nos engagements RSE.
La Poste a ainsi investi massivement, dès 2016, 450 millions d’euros, pour doter Colissimo d’un réseau industriel de tri et traitement des colis à la pointe de la technologie : 7 nouvelles plateformes sont sorties de terre, toutes labellisées HQE ou BREEAM, selon un maillage territorial qui nous permet d’optimiser nos liaisons de transport, de réduire les kilomètres parcourus, tout en absorbant la croissance du e-commerce. La dernière en date est prévue en Normandie, en 2024.
En matière de transport, nous avons déployé plus de 1 100 caisses mobiles, optimisé la capacité d’emport de nos camions… C’est ainsi que nous pouvons d’ores et déjà livrer un tiers de nos flux en 24h.
Nous n’oublions pas l’humain : nous avons déployé des express snoot, des bras articulés, aidant au déchargement des camions et limitant le port de charge. Nous disposons également de petits robots autonomes, pour trier les petits colis, qui peuvent être instables sur nos trieurs industriels : là aussi, cela permet de réduire les gestes, tout en améliorant notre qualité de service.
En matière de dernier kilomètre, nous avons revu notre « schéma de logistique urbaine » pour implanter des espaces logistiques urbains, au cœur des centres-villes. Ils nous permettent d’être au plus près des clients destinataires, tout en décarbonant les livraisons. En effet, celles-ci sont effectuées en véhicules électriques ou en vélo-cargo, ce qui répond aux besoins des citadins, et aux exigences en matière de réglementation environnementale.
Enfin, nous investissons massivement dans nos systèmes d’information, l’intelligence artificielle, l’algorithmie. La Poste s’est transformée en une entreprise extrêmement technologique et un logisticien de premier plan.
D’ailleurs de nombreuses startups émergent dans le secteur de la logtech. Colissimo ou La Poste envisagent-ils des opérations capitalistiques avec ces entreprises en développement ?
Nous avons une direction de l’Innovation et des Partenariats, chez Colissimo. Elle est encore nouvelle, mais très efficace ! Nous avons noué en quelques mois plusieurs partenariats technologiques, tels que ceux avec OneStock, Order Management System pour le ship-from-store, et TDI, Transport Management System pour les e-commerçants. Sans compter les partenariats en matière de services de livraison innovants, comme avec Pickme, pour livrer les Colissimo chez des voisins-relais.
Quant aux prises de participation, nous ne nous interdisons rien. Mais ce sont des projets confidentiels, étudiés avec grande attention… Notre groupe est remonté dans la chaîne de valeur du e-commerce avec de nombreuse solutions technologiques.
Dans quelle perspective envisagez-vous l’avenir du secteur de la logistique et du transport, en particulier dans le contexte de l’évolution rapide de l’e-commerce ?
Il y a depuis quelques années un basculement du commerce physique vers le e-commerce. En France, cela représente 13% du commerce de détail. Nous avons des perspectives de croissance importante d’ici à 2030 car nos voisins européens tels que le Royaume-Uni (25%) et l’Allemagne (17%) ont des taux de e-commerce plus élevés.
Nous constatons plusieurs phénomènes sur le marché comme le développement de la seconde main avec des sites comme Vinted, LeBonCoin, mais aussi la concentration du marché autour de grandes plateformes.
Colissimo en tant que leader a aussi un rôle pour offrir à tous les e-commerçants des solutions comparables aux géants : nous gérons à la fois une supply chain mondiale et des supply chain locales.
Notre secteur a surtout a relevé le défi de la décarbonation de nos activités : le groupe La Poste investit massivement dans ce domaine avec des résultats très encourageants. C’est une révolution que nous menons avec conviction, un engagement sincère des équipes et une grande motivation. Il est possible d’allier trajectoire économique et trajectoire carbone à La Poste.
Chez Colissimo avez-vous l’habitude de recruter des stagiaires ou des alternants ? Si c’est le cas pour quel type de poste et quelle est votre politique de recrutement ?
Oui ! Nous menons chaque année des campagnes pour recruter des alternants, que ce soit pour des fonctions de type siège ou terrain. Les profils académiques recherchés sont très variés : spécialisation dans les transports, méthodes et qualité, management d’excellence, informatique, commercial, marketing, RH…
Toutes les fonctions de l’entreprise peuvent être concernées. Quant au niveau d’études, cela va du CAP au Bac+5 / grandes écoles, car nous avons un éventail très large de métiers. En ce qui concerne les stages, nous souhaitons attirer les meilleurs talents ; nos stagiaires sont donc réellement intégrés aux équipes.
Un mot pour convaincre nos lecteurs de vous rejoindre ?
La Poste est d’abord une entreprise qui a des valeurs très fortes et qui les met en pratique, que ce soit en matière d’engagement environnemental, social ou sociétal. Devenir postier, c’est aussi intégrer un grand groupe, aux multiples activités, en France et à l’international, et donc, avoir des opportunités variées pour évoluer, quel que soit le métier ou le niveau de fonction.
Un grand merci à Jean-Yves Gras pour cette interview !