Interview de Cédric Carles, DG de RegenBox (QVEMA)

Interview de Cédric Carles, DG de RegenBox (QVEMA)

Rencontre avec Cédric Carles, DG de RegenBox, qui est passé dans QVEMA.

 

Bonjour Cédric, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Je suis designer industriel de formation et passionné par les questions d’écologie et d’éco-conception. Au départ, je m’orientais vers des études d’ingénieurs, mais j’étais beaucoup plus intéressé par le design, car c’était plus ouvert au niveau de la créativité et de la capacité à traiter des projets dans son ensemble, notamment sur les questions d’écologie et de modes de vie.

 

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Vous avez fait des études en design, pourquoi avoir fait ce choix à l’époque ? Qu’avez-vous appris durant vos années d’études en design ? Quel est le rôle d’un designer ?

J’ai toujours eu une capacité créative et un goût pour le dessin. Mon parcours familial m’a amené à rencontrer un designer français du Top10, Patrick Norguet, qui m’a dit quand il a vu mes projets de lycéen dont une voiture qui consommait peu d’essence que je devrais devenir designer et non ingénieur.

On associe le design à la forme d’un objet, mais c’est beaucoup plus profond que ça, car les origines du design s’intéressent à nos modes de vie, l’habitat, l’ergonomie et les gestes répétitifs en entreprise. Le design est comparable à un scénario, dans le sens où il faut imaginer ce que cela provoque sur les usagers. Dès que nous fabriquons un objet ou un service, nous nous posons ces questions au niveau de la conception.

Donc, le rôle d’un designer est de faire émerger des idées, grâce à une veille active et de la prospective au niveau des tendances et des besoins. Un designer est à la rencontre des équipes marketing, R&D et finance. « Ce métier est mutant et permet de toucher à tout » Il permet de proposer de la réflexion dans des cercles de penseurs ou d’investisseurs par exemple.

Ainsi, je suis dans ce rôle au service d’un monde plus soutenable, car je veux faire des choses réellement impactantes. Je souhaite faire changer les modes de vie grâce au design de mes produits et services, notamment pour une consommation écoresponsable.

 

Vous avez un fort esprit d’innovation, comme en témoigne vos différentes entreprises : Paleo-Energetique.org, SolarSoundSystem et RegenBox. Comment faites-vous pour arriver à innover et inventer ? Quelles sont les méthodes utilisées ?

L’innovation et la prospective sont un travail de longue haleine, avec une méthodologie appliquée au quotidien : « on ne peut pas se dire : allez ! on va innover aujourd’hui ». Il faut passer son temps à faire de la veille. Pour innover, il est nécessaire « d’être habité et d’avoir une forme de passion ». Les motivations pour innover peuvent être diverses.

Les miennes au sein de notre studio Atelier21 sont de trouver des solutions pour un monde plus durable. Cela m’a fait rencontrer des personnes, car je suis identifié et invité par des acteurs institutionnels ou privés, pour évoquer ces enjeux là (j’ai fait beaucoup de présentations, de conférences, de tables rondes, de consulting en entreprise sur les questions de soutenabilité et de développement durable). En effet, parler avec des personnes permet souvent de gagner beaucoup de temps, quand on souhaite innover. Cela permet de gagner en compréhension sur les mécanismes et d’identifier les fausses-bonnes idées : « nous mettons de la technologie partout, mais ce n’est pas toujours utile. Je préfère la technologie utile, que mettre de la technologie pour en mettre » A mes yeux, l’innovation doit répondre aux enjeux de souveraineté numérique, de réparabilité et de résilience.

Par ailleurs, lorsque j’innove, je m’appuie beaucoup sur la méthodologie de la frise pour retracer toutes les innovations sur un thème donné (état de l’antériorité) et de « tirer l’élastique en arrière pour aller loin devant et donc innover ». Autrement dit, plus on connaît l’histoire d’un produit ou d’un service, plus on est capable de voir clair sur les innovations possibles, y compris sociales et pas uniquement technologiques.

Pour travailler collectivement à l’innovation, nous utilisons la méthodologie Paleo-Energetique.org. C’est un site web, où nous recueillons de manière collaborative les innovations liées à l’énergie et au changement climatique grâce à une méthodologie de recherche où nous développons une frise pour montrer toutes les innovations sur un thème donné. C’est aussi une frise qui se déploient dans des collectivités, des écoles d’ingénieurs et des entreprises. Le succès du programme Paléo-énergie repose sur l’implication des participants. Les experts et les non-experts sont rassemblés par le biais de différents canaux de recrutement, notamment les réseaux sociaux, les expositions et les ateliers d’entreprise.

L’intelligence collective est très appréciée et les contributions des non-experts sont tout aussi essentielles que celles des experts. Les ateliers organisés dans les entreprises ou dans les écoles d’ingénieur visent à favoriser l’innovation, à créer une culture commune de veille technologique, les participants fournissant des informations et des recherches sur les bonnes pratiques passées.

 

Pouvez-vous nous raconter concrètement ce que fait SolarSoundsystem ?

Quand je me suis installé à Lausanne en 2000, je faisais souvent des raves parties et je voyais que les sound systems étaient alimentés par des groupes électrogènes. Donc, j’ai eu l’idée que les sound systems soient alimentés par de l’énergie solaire et aussi des génératrices montées sur des vélos, en étant totalement autonomes. C’est aussi le public de la fête qui fournit l’énergie pour les djs !! Ce projet est devenu international, grâce à la création d’une franchise, avec des projets en Bolivie et en Belgique.

Nous signons des contrats de licence avec des acteurs publics, privés ou associatifs où nous leur fournissons la machine, une aide pour trouver les premiers financements et structurer les devis, mais aussi la communication et une interface administrative et organisationnelle. Nous fournissons un service complet, avec des prestations de DJ et d’artistes.

Par exemple, nous avons fait des dates à Miami, Hong-Kong ou Berlin, mais aussi à Marseille et Paris en France. Il y a aussi une webradio hébergée à l’énergie solaire, avec des labels et des artistes confirmés et émergeants qui nous envoient leurs productions et que nous diffusons sur la webradio. (il y a 60 000 visiteurs par mois sur la webradio, sans aucune promotion de la brique musique).

A savoir : des programmateurs de grande radio font de la veille ici.

 

Pourquoi avoir créer des entreprises dans des univers totalement différents ? Quels en sont les dénominateurs communs ?

Ce qui m’importe aujourd’hui est de faire avancer les choses au niveau de l’environnement, avec les problèmes sur l’eau (ma sœur est hydrologue) et les limites planétaires sont dans le rouge. Je souhaite à travers ces recherches et ces projets entrepreneuriaux, développer des modèles économiques vertueux.

 

En mai 2016, vous créez RegenBox, qui produit des solutions destinées à prolonger la durée de vie des piles. Comment est venue cette idée ?

Quand vous cherchez à innover dans les questions énergétiques, la question du stockage énergétique est la clef de voûte de la transition énergétique. En effet, nous savons capter et transformer le solaire, la force de l’eau et le vent en énergie, mais nous rencontrons des difficultés à stocker cette énergie pour la redistribuer au bon moment, à des prix raisonnables et avec une durée de vie intéressante.

Ainsi, nous faisons une veille très aigue sur le stockage de l’énergie (nous avons fait une frise spécifique sur le stockage de l’énergie pour la Fondation Bouygues) et nous avions observé que le dispositif de rechargement des piles avait été inventé dans les années 80 par un des co-inventeurs des piles alcalines moderne. D’abord, on a fait un kit à construire « la RegenBox DIY », disponible pour tous ceux qui le veulent aussi en version assemblée dans un ESAT à Paris. On a testé avec des ingénieurs, des fablabs, des écoles d’ingénieurs toutes les piles du marché sur leur capacité de base à être rechargée.

Une fois que nous avons vu le potentiel de rechargement des piles, on a lancé la startup, avec des solutions collectives comme les bornes chez Boulanger ou dans des entreprises comme dans les bureaux du Crédit Agricole. Nous avons aussi conçu une valise de test et de rechargement pour les communautés de communes comme pour la Métropole de Tours ou encore des recycleries par exemple. La nouvelle version de la RegenBox a été prototypée dans un fablab de ST Microelectronics qui est le seul fabricant de semi-conducteur européen. On souhaite industrialiser nos solutions au maximum en France, voire en Europe.

 

Que fait concrètement RegenBox ?

Concrètement, le client amène ses piles pour les mettre dans des bacs de collecte selon le voltage qu’elles ont et au-dessus de 0,9 volt, celles-ci sont régénérables, grâce à la micropulsion électrique des RegenBox.

N’oublions pas que chaque année en France, 1 milliard de piles sont produites, ce qui représente 33 000 tonnes de déchets (3 Tour Eiffel) et des conséquences catastrophiques sur les nappes phréatiques notamment. 500 millions de piles ne sont pas recyclées et sont donc enfouies ou incinérées. Nous avons découvert en testant les piles dans les bacs de collecte qu’une pile sur quatre en France est jetée quasiment neuve car non testée, d’où la nécessité de nos solutions collectives.

A savoir : notre atelier est un lieu d’exposition où il est possible de venir 45 min pour le visiter et voir les innovations.

 

Vous êtes passé dans QVEMA. Comment s’est passé l’émission (avant, pendant et après) ? Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Les investisseurs n’ont pas trop compris le concept et il y avait une sorte de légèreté sur un sujet pourtant grave. Ils avaient l’occasion de financer un projet au service de la transition écologique et qui traite des déchets toxiques, mais ils ne l’ont pas fait, malgré une équipe cohérente, un modèle économique solide et des clients renommés (Crédit Agricole, Boulanger, des collectivités locales).

Nous venions pour trouver des conseils et de la bienveillance, avec une demande de financement raisonnable (150 000 € contre 10 %), afin de nous aider à conquérir un marché annuel de 11 milliards de dollars. Je n’ai pas compris, d’autant plus qu’ils ne se justifient pas sur leur choix…et qu’ils veuillent agir dans des entreprises à impact… La pile étant une très grosse industrie…je peux comprendre que les investisseurs aient peurs de celle-ci.

 

Quels sont les projets de RegenBox pour l’avenir ? Bénéficiez-vous de retombées pour QVEMA ?

L’émission nous a fait énormément avancer, car nous avons été obligés de mûrir notre position sur les moyens et nos objectifs avant notre passage. Par rapport à nos besoins, nous les avions revus à la baisse, car il faut être « dans des petites enveloppes » pour l’émission : « on a tordu notre business model pour l’émission ».

Nous avons pour objectif d’industrialiser notre production de bornes rechargeables en France, afin de passer à la série et de pouvoir performer sur les prix (le prix est aujourd’hui de 1500 euros par borne puis de la location avec maintenance). Nous avons créé la page investir sur notre site où chacun peut mettre une somme d’argent contre des actions dans la société. Il y a eu aussi un crowdfunding de 55 000 euros de pré-commandes de RegenBox.

L’objectif est de faire entrer un investisseur dans quelques temps.

 

Le mot de la fin

Il y a énormément de beaux projets et de belles démarches à mener au sein des grands groupes sur les sujets liés à l’écologie. La tâche n’est pas facile, mais elle en vaut largement la chandelle. Nous avons une énorme inventivité en France, donc nous sommes capables de relever les défis d’un monde plus soutenable, avec des produits et services respectueux de l’homme et de la planète.

 

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Je suis Maxime DIGUET, rédacteur en chef adjoint de PGE et je souhaite au travers de mes articles vous partager plein de conseils et astuces.