Interview d’Aubin Labergère-Laroche, COO et co-fondateur de Stock CO2

Interview d’Aubin Labergère-Laroche, COO et co-fondateur de Stock CO2

Dans cet article vous retrouverez le témoignage passionnant d’Aubin Labergère-Laroche,  COO et co-fondateur de Stock CO², l’ opérateur carbone multisectoriel, spécialisé sur le Label Bas-Carbone du Ministère de la Transition Écologique.

 

Bonjour Aubin, pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours académique et professionnel avant de co-fonder STOCK CO2 ?

 

Architecte de formation, j’ai intégré la famille étendue d’HEC en 2019. STOCK CO2 est entré en résidence à l’incubateur de Station F, qui nous a permis d’acquérir de précieuses compétences d’entrepreneurs en accéléré. 

Je suis convaincu que toutes les expériences peuvent être assemblées et permettre une compréhension transversale et plus fulgurante de sujets qui de prime abord n’ont pas l’air spécialement connectés.

 

En quelques mots, pouvez-vous expliquer en quoi consiste l’offre de STOCK CO2 et comment votre entreprise aide les entreprises à compenser leurs émissions carbone ?

Stock CO2 est un opérateur carbone multisectoriel, spécialisé sur le Label Bas-Carbone du Ministère de la Transition Écologique. Ce cadre est un standard exigeant reconnu par l’État français pour la mise en œuvre de projets de réduction ou de captation carbone en France. 

En tant qu’opérateur carbone, nous avons vocation à trouver des financements pour permettre à des agriculteurs et des forestiers locaux de mettre en œuvre des projets de transition écologique

Concrètement, nous avons 3 casquettes : 

  • un métier administratif et technique : nous nous chargeons de l’intégralité des démarches de labellisation ;
  • un métier commercial : nous identifions les organismes publics ou privés souhaitant contribuer à la mise en place projets, et compenser leurs émissions résiduelles de Gaz à effet de serre ;
  • un métier de suivi et de reporting : nous suivons les projets afin de garantir leur bonne conduite et la réalité des réductions d’émissions qu’ils génèrent.

Ceci nécessite d’innover afin de créer l’infrastructure qui connecte ces composantes, et qui protège tant les entreprises contributrices que les porteurs de projets. C’est pourquoi nous développons par exemple des assurances prenant en compte les données climatiques, ou des outils de sécurisation des financements.

Concernant le bilan carbone des entreprises, nous y sommes habilités, cependant nous nous reportons sur des partenaires afin de ne pas être à la fois juge et partie.

Un projet de compensation carbone, c’est un engagement à améliorer une situation par rapport à l’absence de projet, comprenant :

  • un diagnostic initial qui permet de modéliser ce qu’il se passerait sans action de notre part
  • un plan d’action visant à réduire les émissions ou augmenter la captation carbone,
  • une projection carbone de l’état visé.

C’est la différence entre l’état de référence et l’état projeté qui peut être quantifiée et valorisée par STOCK CO2.

 

Quelle a été la motivation principale derrière la création de STOCK CO2, et comment l’entreprise s’est-elle impliquée dans des projets de compensation carbone ?

Avec Guillaume et Thomas, nous avons chacun été confrontés dans nos expériences respectives assez différentes, à une absence de solutions locales pour compenser ses émissions de GES. Nous avons aussi été surpris de la qualité des projets inscrits dans de nombreux cadres internationaux, sujet qui défraye la chronique depuis quelques mois. 

Nous avons également assisté aux dépérissements massifs des forêts qui peinent à suivre l’accélération du réchauffement climatique et ont besoin d’assistance, mais aussi aux difficultés financières des agriculteurs dont les exploitations sont responsables de presque 20% des émissions nationales, et dont la transition écologique est conditionnée à un sérieux coup de pouce financier.

Le label Bas-Carbone s’est créé en avril 2019, et nous avons sauté sur l’occasion pour déployer ce dispositif en fondant STOCK CO2.

 

Avez-vous un exemple marquant de projet de compensation carbone que STOCK CO2 a porté avec succès ?

Je choisirais un reboisement suite à un dépérissement intense d’une quinzaine d’hectares sur la Commune de Rarécourt en région Grand-Est que je trouve particulièrement exemplaire.

Ce reboisement a permis d’implanter 12 nouvelles essences plus résilientes. En effet, le réchauffement climatique va trop vite pour que les arbres aient le temps de migrer et de s’acclimater, et il faut donc les assister dans cette migration.

Le gestionnaire forestier a veillé à favoriser la biodiversité et à user des pratiques les plus vertueuses. En quelques mois seulement, un écosystème riche s’est redéployé dans des palettes variées, d’une manière assez inédite. 

A force de mener des projets dans presque toutes les régions et à l’image des traditions culinaires, on finit par comprendre pour quelles raisons géologiques, géographiques ou climatiques qui font que telle région est spécialisée dans un certain type d’exploitations agricoles, ou bien pourquoi on plantera plutôt du pin maritime dans les sables landais, du peuplier dans les plaines alluviales, que des feuillus diversifiés comme on peut le faire dans le nord-ouest. La nature est si complexe que l’on doit rester humble et ne pas se fier aux idées reçues avant d’en comprendre les tenants et les aboutissants.

Ce que j’apprécie, c’est donc avant tout la diversité des projets, et leur adaptation aux spécificités territoriales. C’est également l’idée d’un effort commun, vu comme un tout de plus en plus conséquent – mais jamais assez.

 

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Pouvez-vous partager quelques détails sur votre expérience à HEC et comment cette expérience a influencé votre parcours entrepreneurial avec STOCK CO2 ?

 

HEC nous a beaucoup apporté en matière de méthode, d’efficacité, de pragmatisme, et de réflexes quant à la mise en œuvre de notre projet entrepreneurial. En quelques mois nous sommes passés de l’idée à l’entreprise. L’accompagnement d’HEC nous a permis de mieux comprendre l’émergence de ce nouveau marché et de nous concentrer sur l’opérationnel plutôt que sur des slides. Nous consultons encore régulièrement des experts de l’incubateur HEC, qui viennent éclairer nos questionnements et nos problématiques de leur regard.

 

Combien de personnes composent actuellement l’équipe de STOCK CO2, et comment travaillez-vous pour promouvoir la transition écologique des entreprises ?

Nous avons constitué une jeune équipe solide d’une petite dizaine de personnes, qui grandit progressivement et dont nous sommes particulièrement fiers. Nous avons un pôle agricole, un pôle forestier, et un pôle financier, très interconnectés. 

Enfin, nous avons la volonté de créer l’infrastructure de référence pour la transition écologique et au service des territoires. Pour ce faire, nous accompagnons aujourd’hui plus de 150 contributeurs dans la mise en place d’une stratégie de contribution carbone. Nous aidons les entreprises à identifier le projet qui fait le plus de sens avec leur besoin, à impliquer les collaborateurs dans la démarche, et nous faisons beaucoup de pédagogie pour les sensibiliser aux enjeux climatiques. 

 

En tant que co-fondateur, quel est votre rôle au sein de STOCK CO2 et comment se déroule généralement une journée type pour vous dans cette entreprise ?

Je suis directeur opérationnel, c’est-à-dire que j’encadre une équipe qui développe les projets de contribution carbone, et qui s’assure d’obtenir la certification ministérielle de ces projets (Label Bas-Carbone). 

 

Avez-vous des projets ou des initiatives à venir chez STOCK CO2 que vous souhaiteriez partager avec notre public ? Quels sont vos objectifs futurs ?

 

Nous déployons les méthodologies qui sont approuvées par le Ministère, dès lors que les projets sont financièrement viables – car parfois un éléphant accouche d’une souris. Nous avons par exemple déposé les premiers projets de plantation de vergers, de réduction d’intrants en agriculture, ou de réemploi dans le bâtiment. Nous souhaitons poursuivre nos activités dans cette dynamique de diversification

 

Pour les entrepreneurs ou les professionnels qui cherchent à s’engager dans des projets de durabilité, quel conseil essentiel donneriez-vous, compte tenu de votre expérience avec STOCK CO2 ?

Je conseillerais aux entrepreneurs et professionnels qui cherchent à s’engager de bien comprendre les besoins des clients et de garder l’esprit ouvert.

Ensuite, il faut clarifier son discours avec différents niveaux de lecture pour ne pas submerger votre public d’informations trop techniques et compliquées. Au début, lors de nos présentations, beaucoup de nos interlocuteurs nous regardaient avec des grands yeux interloqués. Nous parlions maladroitement de sujets complexes que peu de gens maîtrisaient. En quelques mois, tout a changé, de notre discours à la compréhension des enjeux par le grand public. 

Enfin et c’est l’un des meilleurs conseils que nous ayons reçus de l’incubateur d’HEC : “N’allez pas chercher des subventions, trouvez d’abord des clients”. Ce conseil anodin nous a permis d’éviter de mettre la charrue avant les bœufs.

J’y ajouterais de considérer l’éventualité de ne pas forcément suivre un schéma conventionnel, comme par exemple une dynamique d’hyper-croissance basée sur des levées de fonds continues, et de se permettre de croître au bon rythme, à l’écoute de votre marché, afin de garder le contrôle de votre entreprise, et le libre arbitre sur la direction que vous souhaitez lui donner.

 

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