IA et audit (2/2) : quel impact sur le secteur ?

IA et audit (2/2) : quel impact sur le secteur ?

Dans notre article précédent, nous avions esquissé une chronologie de l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur de l’audit. Elle l’a transformé en quelque années seulement, soulevant la question du devenir du métier d’auditeur et  des perspectives d’emplois.

C’est toujours avec la participation de Pierre Planchon et Xavier Niffle (KPMG), respectivement membre du conseil exécutif en charge de l’audit et responsable du digital audit, que nous étudions ces questions.

 

Une redéfinition des missions de l’auditeur

Concrètement, en quoi l’IA a-t-elle transformé le métier d’auditeur ? Le changement majeur réside dans la gestion des flux de données répétitives, qui est maintenant automatisée. Cela permet à l’auditeur de se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée.

Xavier Niffle se souvient ainsi avoir autrefois audité comptes par échantillonnage. «  On prenait le détail du chiffre d’affaires, par contrats ou par transactions, puis on en faisait un échantillonnage avec des pièces justificatives prises aléatoirement ». Une méthode qui avait ses limites, puisqu’elle ne permettait pas de garantir la qualité et l’authenticité des pièces non retenues dans l’échantillon. 

Grâce à l’IA, c’est désormais un problème résolu : « [l’IA nous permet] maintenant d’identifier les transactions atypiques : Elle décompose chaque opération pour voir si elle change par rapport à la moyenne, par exemple si ce n’est pas le même montant, ou si [elle n’a pas été effectuée par] la même personne ». Ainsi, les méthodes d’audit actuelles permettent de se concentrer sur les seules pièces nécessitant une attention particulière, plutôt que sur un échantillon aléatoire. Et Xavier Niffle de conclure : « Il n’y a pas moins de travail, mais un travail plus ciblé ».

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Pas de pertes d’emploi, mais un secteur plus passionnant que jamais

Dès lors, l’IA ne représente pas un danger réel pour l’emploi dans le secteur de l’audit : elle n’assure qu’une partie du processus, et ne peut être utile qu’avec l’accompagnement de l’auditeur. Pierre Planchon insiste sur ce point avec conviction : « L’auditeur est au début et à la fin du process [d’audit] » En amont, « il cherche à comprendre les besoins du clients avant que les data-analystes ne configurent l’IA. Il y a un vrai besoin de compréhension de l’activité du client, pour pourvoir ensuite décider ce sur quoi on passe plus de temps de vérification ». Puis en aval, après le traitement des données par l’IA « l’auditeur prend la responsabilité de la décision finale, et donc de la structure complète de l’approche. »

En d’autres termes, l’auditeur planifie le process, dont l’IA ne fait qu’exécuter une partie. De quoi répondre aux craintes de bien des étudiants, qui hésitent à s’engager dans le secteur, de craindre d’être à terme remplaçables par une IA et donc de se retrouver sans emploi :  « L’IA ne va pas remplacer mais sublimer l’expérience [du métier] : on n’a jamais recruté autant d’auditeurs. », conclut Xavier Niffle.

 

« On ne se dirige pas vers un audit robotisé »

Ce caractère irremplaçable de l’auditeur n’est toutefois pas dû uniquement à ses compétences, mais aussi à la demande du client, qui souhaite bénéficier de davantage de contact humain.   « [Il est essentiel de] revenir sur l’intelligence humaine, sur la relation humaine, rappelle Xavier Niffle, C’est la valeur ajoutée que nous apportons au client. […] On ne se dirige pas vers un audit robotisé, mais vers un audit encore plus humain qu’avant, car la relation avec les clients est encore plus importante ». En cause ? L’IA permet une hausse significative de la qualité de leurs échanges. En prenant en charge les opérations répétitives, elle permet à l’auditeur et à son client de n’échanger que sur les données réellement intéressantes. Par exemple, le chiffre d’affaires n’étant plus audité par échantillonnage, ils n’auront plus à se pencher sur des opérations lambda, mais uniquement sur les opérations atypiques.

 

Quelles évolutions futures ?

Si le secteur a connu une telle métamorphose en quelques années, à quoi ressemblera-t-il dans 10, 15 ans ? Il est encore impossible d’avoir une représentation précise de ce que sera l’audit dans le futur, mais Xavier Niffle nous en donne déjà un aperçu : « A l’avenir, nous allons poursuivre notre digitalisation. Tout ce qui sera automatisable va l’être.  On continue à découvrir tous les six mois de nouveaux usages [de l’IA]. Et on a parfois des surprises. »

Ainsi, si l’intelligence artificielle a métamorphosé le secteur de l’audit, cela s’est fait en faveur des travailleurs : l’expérience du métier s’est améliorée tant pour l’auditeur que pour son client, sans que l’emploi s’en trouve réellement menacé. Si d’autres transformations sont attendues à l’avenir, les professionnels restent relativement confiants.

Etudiante à HEC Paris après une CPGE littéraire à Sainte-Marie de Neuilly