Les Grandes Écoles : une histoire de famille ?

Les Grandes Écoles : une histoire de famille ?

Les premières Grandes Écoles datent du XVIIIème siècle. Elles sont actuellement diverses, certaines sont des écoles d’ingénieurs et d’autres de commerce. Dans cet article, il s’agit d’analyser la reproduction sociale dans ces Grandes Écoles françaises.

 

Comment sont nées les Grandes Écoles ?

Au départ, les Grandes Écoles n’étaient pas une histoire de famille. En effet, l’Etat français a décidé de créer ces écoles afin de former des cadres techniques et militaires dans les grands corps de l’Etat. En fait, les universités ne permettaient pas de faire une formation supérieure technique. Donc les premières Grandes Écoles offraient une éducation scientifique et technique, mais pas commerciale. Comparé aux universités, l’avantage est la qualité de l’enseignement qui est plus pointu : les élèves sont moins nombreux en classe donc les professeurs sont davantage à leur écoute.

 

Lire plus : Les dispositifs des Grandes Ecoles en faveur de l’égalité des chances

 

Les Grandes Écoles de commerce sont-elles une histoire de famille ?

Par la suite, à la fin du XIXème siècle, lors de la Seconde Révolution Industrielle, avec l’aide des bourgeois et des notables, les écoles de commerce sont créées. A titre indicatif, la plus ancienne Grandes Écoles de commerce encore active est l’Ecole Spéciale de Commerce et d’Industrie (ESCP). Elle date de 1819. D’ailleurs, les Chambres de Commerce soutenaient ces démarches. En fait, les riches marchands poussaient à la création des Grandes Écoles de commerce. Ils voulaient que leurs enfants soient formés pour bien reprendre les affaires familiales et les faire prospérer. Toutefois, c’était seulement les enfants des riches marchands qui y allaient car c’était les seuls à pouvoir payer les frais de scolarité. Dès lors, c’était bien une histoire de famille : la méritocratie n’y avait pas sa place. Mais ces Grandes Écoles de Commerce avaient moins de prestige que celles d’ingénieurs qui étaient socialement et historiquement mieux vues.

 

Les Grandes Écoles favorisent la reproduction sociale ?

Ces Grandes Ecoles forment les élites du monde politique, administratif et économique français. Néanmoins, certains affirment qu’elles sont un moyen de reproduction sociale notamment pour les familles les plus aisées et puissantes.

En chiffres, 50% des personnes présentes dans les Grandes Écoles sortent de 8% des lycées français. De plus,50% des lycées les moins prisés fournissent 5% des Grandes Ecoles. C’est le constat tiré de “Quelle démocratisation des Grandes Ecoles depuis le milieu des années 2000?” publié en 2021 (Cécile Bonneau, Pauline Charousset, Julien Grenet et Georgia Thebault). D’ailleurs, depuis Parcoursup, même les professeurs de classes préparatoires admettent que le lycée d’origine est un critère pris en compte dans le choix de sélection. Or, ce n’est pas le cas pour les universités. Toutefois, l’anonymat du lycée d’origine n’est pas au goût du jour. Certains expliquent qu’il serait contre-productif, à l’envie d’une plus grande mixité sociale, de ne pas choisir justement de « petits lycées ». Néanmoins, même si l’on cite la méritocratie des classes préparatoires, il en existe de plus en plus des privées et payantes.

 

Que dit la sociologie sur les Grandes Écoles ?

Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron expliquent dans Les Héritiers (1964) que les inégalités sont dues à un “héritage culturel”. Les plus susceptibles de réussir sont ceux qui viennent des familles les plus aisées et dont les parents occupent des postes hauts placés. En fait, leur culture se rapproche le plus de ce qu’on attend de leurs enfants à l’école. De plus, ces derniers sont davantage poussés à faire des études longues pour justement devenir cadres.

Par exemple, selon l’INSEE, en France, en 2018-2020, 15,4% des jeunes de 25 à 29 ans diplômés de Grandes Écoles ont un père cadre ou de professions intermédiaires alors qu’ils sont 4,5% avec un père employé ou ouvrier. 

 

Lire plus : À quel degré le milieu social détermine-t-il l’accès aux grandes écoles ? (planetegrandesecoles.com)

 

Les Grandes Écoles agissent-elles en faveur de la méritocratie ou est-ce une histoire de famille ?

  • La création de concours d’entrée depuis les années 1890 : Au départ, il y a eu la création de classes préparatoires scientifiques au XVIIIème siècle. Puis, deux siècles plus tard,  il y a les classes préparatoires littéraires et les économiques. En 1692, c’est le marquis de Vauban qui les crée. Effectivement, il juge que, pour le cas des armées, la méritocratie est davantage un gage de savoir que de venir de la noblesse. Puis, la Révolution étend ce système méritocratique à l’ensemble de la société. À titre indicatif, à l’origine, les écoles de commerce ne recrutaient pas après une classe préparatoire.
  • Vers plus d’inclusivité depuis les années 1970 : Toutefois, les Grandes Écoles se sont rendues compte de cette reproduction sociale des plus riches. Elles décident donc d’encourager les étudiants plus modestes à y rentrer. Par exemple, il y a eu la suppression de certaines épreuves jugées discriminantes. On assiste à une “ouverture sociale” pour ces étudiants. Ensuite, vers les années 2000, l’État français décide enfin de promouvoir la méritocratie pour ses étudiants modestes et immigrés. On peut alors citer :

– Les “Cordées de la réussite” créées en 2008

– La signature de la Charte pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence

 

Lire plus : Enquête : la diversité sociale au sein des grandes écoles – PGE (planetegrandesecoles.com)

 

Pour finir, les Grandes Écoles partaient d’une histoire française méritocratique mais ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. On peut porter attention aux classes préparatoires privées et payantes, aux écoles de commerce, au choix du lycée d’origine sur Parcoursup ainsi que sur les prix jugés exorbitants de certaines écoles. De plus, les statistiques illustrent une reproduction sociale très élevée. Finalement, l’ascenseur social est en panne.