- POLITIQUE TECH
- Nathan Henriot
- 30 janvier 2025
Golfe d’Amérique : Google Maps cède face à Donald Trump
Dès son investiture en tant que 47e président des États-Unis, Donald Trump avait confirmé son intention de rebaptiser le golfe du Mexique en « golfe d’Amérique ». C’est officiel, Google Maps, a annoncé changer le nom de cette zone bordant le sud-est des États-Unis, la côte orientale du Mexique et une partie du littoral nord de Cuba.
Retour sur cette décision qui soulève des questions sur la légitimité d’une telle modification et suscite une kyrielle de critiques.
Un décret présidentiel qui s’impose aux États-Unis
Entre provocations et volonté de garantir les intérêts américains, Donald Trump a confirmé lors de son investiture vouloir rebaptiser des entités géographiques. Cette pratique s’inscrit dans une vision expansionniste et surtout politique. Après avoir qualifié le Canada de « 51e État » ou encore revendiqué des droits sur le Groenland, il s’attaque cette fois à une mer historiquement désignée comme le golfe du Mexique. Trump avait alors déclaré que ce nouveau nom « sonnait bien » et que cela était « approprié » puisque « le Mexique doit cesser de permettre à des millions de personnes d’affluer dans notre pays ».
Le décret signé par D. Trump indique que « toutes les agences fédérales américaines doivent dorénavant utiliser l’appellation ‘golfe d’Amérique’ dans leurs documents et cartes officielles ». Le ministère de l’Intérieur a garanti que cette décision s’appliquerait à l’ensemble des cartes gouvernementales.
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Un nom utilisé depuis le XVIe siècle
La décision de Donald Trump remet en cause l’appellation « golfe du Mexique » qui est utilisée depuis au moins 400 ans par les cartographes. Le terme serait apparu pour la première fois au 16e siècle sur les cartes utilisées par les explorateurs espagnols.
La présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, a dévoilé une carte qui date de 1607 et mentionne déjà le « golfe du Mexique ». Face aux propos de son homologue américain, elle ironise en montrant que sur ce document, l’Amérique du Nord était qualifiée sous le terme « Amérique mexicaine ».
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Google Maps se conforme aux exigences gouvernementales
Le géant américain du numérique Google, propriétaire de Google Maps, a annoncé qu’il suivrait la directive de Washington. Sur le réseau X (anciennement Twitter), Google a rappelé de manière pragmatique appliquer les changements de noms, émanant de sources gouvernementales officielles. Néanmoins, le décret de Donald Trump n’a autorité qu’à son échelle, c’est-à-dire aux Etats-Unis. Cette modification ne sera donc visible que pour les utilisateurs situés aux États-Unis.
Dans le reste du monde, la plateforme affichera les deux noms l’un à côté de l’autre : « golfe du Mexique (golfe d’Amérique) ». Enfin, au Mexique, l’appellation historique restera la seule visible. Google adopte ainsi une approche terre-à-terre, identique à d’autres velléités géopolitiques liées aux toponymes.
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Trump rétablit aussi le nom du mont McKinley pour le mont Denali
Lors de son investiture, Donald Trump a également signé un décret rétablissant le nom du mont McKinley, en hommage à l’ancien président étasunien William McKinley. Il s’agit du plus haut sommet de l’Amérique du Nord, situé en Alaska. Ce changement annule la décision de Barack Obama en 2015, qui avait choisi d’adopter le nom autochtone « Denali » à la demande des populations indigènes. Officiellement, cette mesure vise à restaurer des noms honorant l’histoire américaine, mais elle a suscité l’opposition des communautés autochtones et des élus.
Contrairement au changement de nom du golfe du Mexique, cette décision semble plus simple à mettre en œuvre, car le mont Denali est entièrement situé aux États-Unis et n’engendre aucun conflit international.
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De nombreux conflits sémantiques et géopolitiques à travers le monde
Les désaccords sur les noms géographiques sont nombreux à travers le monde. La mer séparant la Corée du Sud et le Japon est par exemple sujet à débat entre les nations concernées. Alors que le Japon la nomme « Mer du Japon », Séoul préfère évoquer la « Mer de l’Est ». Google Maps, de son côté, la nomme « Mer du Japon (Mer de l’Est) » en dehors de ces deux pays.
La communément nommée Mer de Chine Méridionale est elle aussi sujet à des rivalités de toponymie. Sur fond de tensions géopolitiques, cette mer est nommée par le Vietnam « Mer Orientale » ou encore par les Philippines la « Mer des Philippines Occidentales ». Sur la version de Google Maps française, c’est pourtant Mer de Chine Méridionale qui est indiqué.
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Une décision largement contestée
Si la décision de Donald Trump satisfait ses partisans, elle suscite de vives critiques. Certains y voient une tentative de réécrire l’histoire et un geste provocateur envers le Mexique. Toutefois, l’Organisation hydrographique internationale (OHI), dont les États-Unis et le Mexique sont membres n’a pas reconnu ce changement. Créée il y a plus d’un siècle, elle est basée à Monaco et est chargée d’harmoniser les noms des mers et océans à l’échelle planétaire. Les Nations unies détiennent un groupe d’experts sur les noms géographiques, dont la prochaine réunion démarrera le 28 avril.
Le golfe du Mexique étant une zone d’eaux internationales, un tel renommage dépendrait de l’acceptation des autres pays. Or, « Aujourd’hui, il n’existe aucun accord ou protocole international formel permettant de nommer les zones maritimes », a indiqué John Nyberg, directeur de l’Organisation hydrographique internationale, auprès du New York Times.
En définitive, entre nationalisme et stratégie politique, ces modifications symboliques effectuées par Donald Trump alimentent le sentiment d’identité américaine chez ses partisans. Les décrets de Trump s’inscrivent pleinement dans sa politique sur l’identité et l’immigration. Ces changements soulèvent ainsi des interrogations sur la légitimité de décisions prises unilatéralement en géographie et n’arrange pas les échanges diplomatiques avec les pays voisins et parfois alliés.