Étudiant à Polytechnique et chercheur au Collège de France
Nous avons rencontré Hamza Benabbés-Taarji, étudiant à l’École Polytechnique. Retour sur son stage de recherche au Collège de France.
Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Bonjour, je m’appelle Hamza, j’ai 22 ans. J’ai grandi au Maroc et j’ai fait mes études au lycée Français de Marrakech jusqu’à l’obtention de mon baccalauréat en 2016. Étant très attiré par la Science j’ai décidé d’entrer en classe préparatoire MP au Lycée Saint Louis à Paris. J’ai ensuite intégré l’École Polytechnique en 2018 et viens donc de terminer mes trois ans de formation à l’X.
Comment s’est passée ta scolarité à l’École Polytechnique ? Qu’est-ce qui t’a le plus marqué durant ces trois ans ?
Même si j’étais très attiré par le monde de la recherche, je suis finalement très content d’avoir choisi l’X plutôt que les ENS car elle m’a offert une expérience plus complète en adjoignant au côté académique toute la formation humaine et sportive. Que ce soit par le biais de la formation militaire et du stage de formation humaine (fait pour ma part dans une association d’égalité des chances, une grande école pourquoi pas moi ?) ou par la pratique intensive du volley-ball que j’avais commencé à St Louis. Par ailleurs, l’X permet à mon sens plus qu’aux ENS d’être au contact d’industriels formant donc non seulement au métier de chercheur mais également aux métiers d’ingénieur et de manager.
Pourquoi avoir choisi d’effectuer ton stage au Collège de France ? Comment as-tu obtenu ce stage ?
J’ai commencé par effectuer un projet de recherche là-bas pendant 6 mois en même temps que mes cours. Dans la mesure où ces 6 mois se sont bien passés et comme j’étais déjà familier avec l’objet de nos recherches, mes supérieurs m’ont proposé de poursuivre avec eux en stage. Étant d’abord hésitant car ayant la possibilité de faire un stage plus proche des secteurs qui me fascinent (les start-up et l’entreprenariat) j’ai finalement décidé de rester au Collège de France pour principalement deux raisons : le sujet et l’équipe m’ont plu. De plus, mes supérieurs m’ont fait miroiter la possibilité de publier un article dans une revue scientifique avec eux, ce qui est un point valorisé dans le cas où je souhaiterais faire un doctorat.
Lire plus : Interview de Théo, Polytechnicien et pompier de Paris
Qu’y as-tu fait ?
J’étais dans le laboratoire de physique de la matière condensée et l’équipe avec laquelle je travaillais s’intéressait plus particulièrement à ce que l’on appelle les matériaux à forte corrélation électronique. Pour éviter d’entrer dans les détails, ce sont des matériaux qui ont des propriétés électroniques surprenantes comme la supraconductivité. Elle se caractérise par une perte de toute résistance électrique et permet donc une transmission d’électricité sans perte ce qui pourrait révolutionner certaines manières de produire de l’énergie plus proprement.
Comment s’organise le travail d’un chercheur ?
En premier lieu, le chercheur travaille en équipe. La recherche c’est beaucoup de discussion et d’échanges non seulement car l’on réfléchit mieux à plusieurs mais aussi parce qu’en s’intéressant au travail des autres on peut trouver de nouvelles solutions aux questions que l’on se pose. J’ai aussi appris que contrairement à ce que je pensais la partie réflexion n’occupe pas la majeure partie du temps sachant que l’essentiel du travail est passé à implémenter informatiquement nos théories.
Concernant mon emploi du temps, ma journée type commençait par une discussion autour d’un café avec mes collègues pour faire le point sur nos avancées autour de 10h. Ensuite je passais le reste de la matinée à coder ou à réfléchir sur mon calepin sur ce que j’allais faire en code. Sans beaucoup de surprise, après le déjeuner, je recommençais à coder et nous refaisions un point vers 16h. Travaillant sur des programmes assez complexes, cela prenait plusieurs semaines voire mois à implémenter, d’autant plus que je n’ai appris le C++ (le langage dans lequel je codais) que sur le tas au collège de France. On a implémenté des méthodes statistiques pour résoudre des équations qui n’admettent pas de solutions connues. Ces équations modélisent le comportement des matériaux à fortes corrélations électroniques pour lequel on ne peut à ce jour que proposer des solutions approximatives, restreintes à des cas simples.
Quels sont les avantages de travailler au Collège de France ?
Tout d’abord, on travaille d’égal à égal avec nos supérieurs. On a de plus la chance d’être accompagné par des gens brillants ! Outre le fait que le directeur du labo est Antoine Georges (titulaire de chaire au collège de France), j’ai pu travailler avec un collègue qui a reçu la médaille de bronze du CNRS durant mon stage. Également, un avantage non négligeable de travailler au collège de France c’est de pouvoir croiser dans les couloirs le matin des prix Nobel de Physique comme Serge Haroche !
Que retiens-tu de ce stage ?
Je retiens que des points positifs ! Outre le fait d’y avoir appris beaucoup sur la physique des matériaux condensés, j’ai compris qu’il est d’autant plus important pour un scientifique de s’intéresser à tout car les découvertes peuvent venir de partout. J’ai par ailleurs énormément apprécié la philosophie de travail dans le labo qui me rappelait les soirées passées en prépa à travailler avec mes amis. Je suis par ailleurs resté en contact avec tous mes collègues.
Que feras-tu l’an prochain ?
L’an prochain j’irai en Suisse à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne puis à l’École Polytechnique Fédérale de Zurich pour réaliser un master en génie atomique et passerai ensuite un semestre à l’institut Paul Scherrer de recherche nucléaire. Si j’ai décidé de changer de pays cette année c’est pour découvrir un nouvel esprit de travail et me lancer vers la voie du travail à l’international.
Te destines-tu à une carrière académique ?
Je ne pense pas. Même si j’envisage de faire de la recherche ce serait plutôt aux côtés d’industriels sachant que j’ai pour ambition d’apporter des changements concrets avec mon travail d’où mon choix de travailler dans le nucléaire. Ce choix a fait suite à ma prise de conscience écologique. Cette prise de conscience m’a fait changer mon mode de vie au profit du végétarisme, de la baisse de ma consommation en générale et de la limitation de mes trajets en avion.
Un message à faire passer ?
C’est vrai que les gens ont tendance à opposer le nucléaire et l’écologie mais je suis convaincu comme de nombreux autres ingénieurs qu’il est un atout pour une production énergétique moins émettrice de gaz à effet de serre d’autant plus que les risques qu’on lui prête sont souvent mal connues donc surestimés. Même si je suis tout à fait pour le développement des énergies renouvelables, un système électrique se doit par construction de toujours assurer l’équilibre entre la production et la demande car l’électricité ne se stocke que très peu à grande échelle et l’éolien et le solaire ont le défaut d’être intermittent et non pilotable (ils ne produisent pas lorsque nous le souhaitons mais quand les conditions le permettent). De ce fait, les pays ne disposant pas de barrages hydrauliques ou de centrales nucléaires sont obligés de recourir aux gaz et au charbon en complément de ces sources d’énergie et finissent par émettre encore beaucoup de gaz à effet de serre !