Enquête : Quelles écoles et carrières ont suivi les COMEX du CAC 40 ? Épisode 01

Enquête : Quelles écoles et carrières ont suivi les COMEX du CAC 40 ? Épisode 01

Dans notre nouvelle série, nous allons étudier les parcours des membres actuels des entreprises du CAC 40. Cette série sera segmentée en secteurs. Dans ce premier épisode, nous allons étudier le secteur des transports qui est représenté par 5 entreprises dans le CAC 40 : PSA, Airbus, Safran, Renault et Alstom. L’objectif de cette étude est de dévoiler des tendances et des choix de parcours qui favorisent l’accès à ces postes de haut-dirigeant. Les données utilisées ont été récupérés sur LinkedIn, les sites mêmes de ces entreprises et Wikipédia. Certaines coquilles peuvent exister mais l’ensemble des données de cette étude est vérifié et vérifiable. 

N.B : COMEX = Comité Exécutif (les personnes qui dirigent l’entreprise)

 

Analyse globale

En analysant globalement ces 5 entreprises, on peut noter que des écoles se détachent et que sans surprise, ce sont les « historiques » qui mènent la danse avec, pour CentraleSupelec, plus de 11 membres qui appartiennnent au Comex au sein de ces sociétés. Viennent ensuite Polytechnique avec 10 membres, Sciences Po Paris avec 6 et enfin, l’ENA avec 5 membres. Ce que l’on peut souligner, également, des membres diplomés d’écoles moins « reconnues » font leur apparition et dénotent qu’une carrière ne se fait pas seulement au nom de l’école mais aussi, et sûrement, au rendement propre d’un salarié et aux liens qu’il a pu nouer.

Nous tenons à préciser que dans la conception de cette étude nous ne faisons pas de distinction au niveau des postes de ces dirigeants car chaque entreprise a sa propre organisation. De plus, les MBA n’ont pas été pris en compte car pour intégrer ces postes à hautes responsabilités, il est bien souvent nécessaire d’en avoir un. Par ailleurs, le distingo aurait été compliqué à faire car les institutions qui procurent ces MBA peuvent ne pas être accessibles en sortant du bac, de classe prépa ou même après la diplomation car ils demandent une expérience professionnelle assez conséquente pour pouvoir y être admis.

Par ailleurs, bien que certaines entreprises soient concurrentes, à l’instar de PSA et Renault, certains de leurs actuels haut-dirigeants ont également dirigé ou fait leurs carrières dans d’autres grands groupes concurrents ou non et cela marque encore plus le caractère restreint de cette classe dirigeante. Paradoxalement, on peut mettre en exergue les connexions entre ces groupes et les conflits d’intérêts qui peuvent naître des suites de ces échanges inter-entreprises. Soulignons que les années cumulées par ces membres ont tous été dans des groupes industriels automobiles ou de production.

Dans le tableau ci-dessous, nous présentons, pour les actuels membres du COMEX de ces 5 groupes la somme des années qu’ils ont passé dans d’autres entreprises que celle où ils officient maintenant (colonne 2). La troisième et quatrième colonne soulignent la connectivité de ces 5 entreprises.

*prise en compte des années cumulées >  10 ans

Entreprises Années cumulées par les membres du COMEX d'entreprises du CAC 40 - secteur transport Nombre d'entreprises du CAC 40 secteur transport ayant au moins un des membres du COMEX qui soi(en)t passé(s) par cette entreprise Présences dans les 5 entreprises secteur transports du CAC 40
114
2
79
3

Siemens

40
2
38
2
PSA
38
3
35
2
28
3
19
19
4
19
15
4
14
2
12
2
12
2
11
2
11
2
10
10

Zoom sur chacune des différentes entreprises !

Intéressons-nous dorénavant plus particulièrement à chacune de ces 5 entreprises. Pour chaque entreprise, nous avons créé 3 diagrammes : un représentant les écoles les plus présentes au sein de chaque Board, un second représentant le nombre d’années passées dans d’autres entreprises, et un dernier représentant l’ancienneté de chaque membre du board au sein de l’entreprise. Analysons les résultats que nous avons obtenus.

PSA Groupe

PSA Groupe est un constructeur automobile français qui comprend différentes marques comme Citroën, Opel, Peugeot etc. C’est un groupe présent à l’international dans plus de 100 pays et qui emploie près de 209 000 collaborateurs. PSA Groupe est le deuxième constructeur automobile européen derrière Volkswagen. Son chiffre d’affaires en 2019 atteint les 74,7 milliards d’euros.

Pour ce qui est du parcours des dirigeants de PSA, Polytechnique mène la danse avec la présence de 3 alumni de l’école. Suivent avec 2 membres, Sciences Po Paris, Ponts et chaussées, ESCP et CentraleSupelec, qui sont toutes des écoles avec d’excellentes réputations. Notons par ailleurs la diversité des parcours scolaires, qui reste malgré tout très français, de ces membres avec une grande présence d’écoles françaises qui trustent bien souvent les meilleurs places des classements d’écoles.

Comme on peut le voir à travers le graphique du dessous, il faut une certaine expérience et près de 14 ans en moyenne pour espérer atteindre le Board de PSA. En effet, ces personnes doivent apprendre à connaitre le marché automobile et enrichir leur carnet d’adresses pour développer la marque à l’international. De plus, ils sont l’étendard de l’entreprise et se doivent donc de connaitre leur entreprise sur le bout des doigts. Il existe bien sûr des exceptions comme pour Monsieur Vincent Cobée, présent dans l’entreprise que depuis 2 ans, mais il a travaillé pour Nissan pendant 15 ans ce qui peut justifier sa présence au sein du COMEX.

Plus surprenant cette fois-ci, la proportion de membres ayant fait leurs armes chez l’historique concurrent Renault. En effet, en cumulant le nombre d’années réalisées par les membres du Board, on atteint les 112 ans ! Par ailleurs, on voit que les nouveaux entrants chez PSA viennent de Renault. Cela peut-être une conséquence des problèmes que connait Renault en ce moment (affaire Ghosn, alliance Renault-Nissan-Mitsubishi fragilisée entre autres). Notons la 3éme place de la classe politique qui marque sa présence au sein du Board. Nous verrons qu’avoir fait une carrière politique ouvre bien souvent l’accès à ces places chères au sein de ces entreprises.

Renault

Renault Groupe est un constructeur automobile français présent dans plus de 130 pays. Il emploie près de 179 000 personnes et son chiffre d’affaire atteint les 55,5 milliards d’euros.

Une grande homogénéité au sein des parcours scolaires des membres du COMEX est mise en avant. En effet, seuls CentraleSupelec (3 membres) et EM Lyon (2 membres) peuvent se targuer d’être présents en supériorité. Notons qu’aucun polytechnicien n’est présent au sein du Board de cette entreprise.

Il faut en moyenne faire 12 ans au sein de Renault pour espérer faire sa place au sein du COMEX. Gilles Le Borgne a fait toutes ses classes chez PSA, ce qui souligne qu’il y a bien un « mercato » entre les entreprises. Luca de Meo est le CEO et a fait toutes ses classes dans plusieurs constructeurs automobiles (Audi, Volkswagen, Toyota). On peut imaginer que la diversité des expériences dans plusieurs entreprises concurrentes peut-être un atout pour atteindre le sommet d’une entreprise.

Encore une fois, le background des membres du comex est composé de grands groupes industriels. Nous pouvons mettre en surbrillance que PSA est première dans le nombre d’années passées dans une autre entreprise. Cela confirme ces échanges inter-structurels entre les entreprises. Les constructeurs automobiles sont logiquement présents en nombre mais on peut noter la présence de TPS (Télévision Par Satellite) et Canal + qui sont dûs à la prise en compte de Frédéric Vincent, président de Renault Digital, qui a fait la majorité de sa carrière dans l’audiovisuel. Ainsi, malgré son peu d’expérience au sein de l’industrie automobile, il a pu faire sa place dans le groupe Renault. Le réseau et son expérience sont autant d’arguments pour cette nomination.

Airbus

Airbus Groupe est un constructeur européen présent à l’international dans le secteur de l’aéronautique et l’aérospatial. Airbus conçoit des avions commerciaux, des hélicoptères ou encore des satellites. Il intervient également dans le domaine militaire via Airbus Defense. Il fournit aussi des services à ses clients dans le domaine de la data, des communications etc… Son chiffre d’affaires dépasse les 70 milliards d’euros et emploie plus de 130 000 personnes dans le monde.

Au niveau du profil scolaire des membres du COMEX, sans surprise on retrouve en tête deux écoles qui ont une histoire étroite avec l’aéronautique : Supaéro et Polytechnique. Trois membres du COMEX ont par ailleurs fait les deux écoles dont le CEO Guillaume Faury. En dehors de ces deux écoles, la porte semble ouverte mais notons tout de même la présence de 3 universités allemandes, peu surprenant sachant qu’il s’agit d’un groupe européen et que les têtes de gondole de l’Europe sont la France et l’Allemagne.

La moyenne de l’ancienneté est de 14 ans bien que quelques exceptions puissent exister avec, par exemple, Michael Schöllhorn qui a fait la majorité de sa carrière chez Bosch et qui a atteint, également, les hautes sphères du Board de Bosch en tant que Chief Operations Officer (en charge de la supply chain et de la production principalement). En rejoignant Airbus, il occupe toujours le même poste. Ainsi, son expérience sur son poste a primé sur sa connaissance du secteur mais ce cas de figure n’est pas si rare comme on a pu le voir précédemment.

La plupart des entreprises présentes dans cette liste sont très liées à l’industrie. En effet, on retrouve à la fois des entreprises spécialisées dans le secteur automobile (PSA, Renault) ou bien évidemment des entreprises partenaires comme Safran ou Air France. On retrouve à la première place Siemens, qui est la plus grande entreprise d’ingénierie d’Europe. Toutes ces entreprises sont des grands groupes et il semble indispensables d’avoir une connaissance fine et une carrière au sein d’une de ces entreprises qui sont des leaders dans leurs domaines pour espérer glaner une place dans le cercle restreint d’Airbus.

Safran

Safran est un groupe international opérant dans les domaines de l’aéronautique, de l’espace et de la défense. Elle agit sur 3 axes : la propulsion, les équipements et l’intérieur des engins volants. Elle collabore avec près de 81 000 personnes et a fait un chiffre d’affaires en 2019 de près de 25 milliards d’euros.

Comme pour précédemment, on retrouve toujours les mêmes écoles en tête avec CentraleSupélec, Polytechnique, Sciences Po Paris et ENA à la tête de Safran. Nous pouvons souligner la présence d’universités et d’écoles « moins côtées » comme celle de Toulouse, Nancy, Pierre et Marie Curie ou encore l’ESTACA. A noter que Supaéro n’est pas présente dans ce classement, ce qui est quand même troublant sachant que c’est l’établissement de référence pour l’aéronautique en France.

Une tendance se dégage très nettement : avoir fait de la politique est un atout pour rejoindre les instances de Safran. En effet, 5 de leurs membres ont officié pour l’Etat. Le lien politique avec les entreprises privées est encore une fois soulevé et malgré les apparences, les dirigeants ont leurs réseaux bien ancrés dans les élites du privé. La seconde place appartient à la Société Générale mais ces années cumulées sont à mettre au profit d’un seul membre qui est Stéphane Dubois. Ce qu’il faut souligner, ici, c’est la prédominance encore une fois d’entreprises industrielles.

Chez Safran, l’ancienneté revêt une importance clé ! La moyenne de l’ancienneté atteint les 20 ans, chiffre bien supérieur à ce que l’on a pu voir précédemment.

Alstom

Alstom est une société qui produit des systèmes et équipements dans le secteur des transports. Elle propose des tramways, des bus, des trains etc. Elle emploie près de 40000 personnes dans plus de 60 pays et a fait un chiffre d’affaires sur la saison 2019/20 de 8,2 milliards d’euros.

Les profils commerciaux de HEC sont en nombre de 3 et sont talonnés par les ingénieurs de l’X qui sont 2. Ensuite, on retrouve d’autres écoles de toutes provenances mais non moins prestigieuses. Notons par ailleurs la présence du MIT, grande université américaine, qui caractérise le trait américain du groupe. En effet, General Electric (GE), groupe américain, a récupéré la partie Energie d’Alstom. L’histoire avait par ailleurs fait couler beaucoup d’encre au sein de la presse française car l’impérialisme américain a su faire pression par divers moyens, quelques peu abusifs, pour arracher cette branche d’Alstom. Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous conseillons l’incroyable interview de Frédéric Pierucci, ancien directeur commercial d’Alstom, qui est une victime collatérale du chantage américain par le média Thinkerview.

Des liens forts avec des entreprises comme Siemens et Airbus existent. Siemens et Alstom envisageaient de fusionner pour concurrencer les groupes asiatiques dans le secteur du ferroviaire. Cependant, la commission européenne a mis son véto à cette fusion qui aurait pu créer un mastodonte du ferroviaire.

La moyenne de l’ancienneté est de 16 ans. Pour ce qui est des exceptions, par exemple, Müslüm Yakisan a travaillé pendant 15 ans chez Siemens, la proximité entre ces deux entreprises, son expérience et sa connaissance du Moyen-Orient a permis son incorporation directe au sein du comité exécutif.

Co-Fondateur de Planète Grandes Écoles et Mister Prépa X, je gère principalement le volet ingénieur du média.