Binance visé par une enquête pour blanchiment aggravé

Binance visé par une enquête pour blanchiment aggravé

Binance, le leader mondial de l’échange de cryptomonnaies

Binance est la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaie au monde avec un volume quotidien de transactions de 65 milliards de dollars. Créée en 2017 à Hong Kong, l’entreprise a rapidement émigré quand le gouvernement chinois a fait part de son intention de réguler le marché des cryptomonnaies. Pour autant, Binance conserve de forts liens avec la Chine, puisqu’elle travaille avec des entreprises d’Etat et facilite la mise en place des nouvelles routes de la soie. L’entreprise développe actuellement ses activités partout dans le monde. Elle a sponsorisé l’Africa Cup of Nations en 2021, racheté Sukura Exchange en novembre 2022 pour intégrer le marché japonais et créé des filiales dans de nombreux pays. Cependant, Binance est souvent sous les feux des projecteurs du fait d’enquêtes, voire interdite pour ses manquements aux législations nationales, menant à une enquête pour blanchiment aggravé dont elle fait l’objet en France.

Binance a déjà été l’objet de nombreuses enquêtes

En 2019, Binance crée Binance.US pour contourner son interdiction d’exercer sur le territoire américain. Le département de la justice américain lance alors une enquête sur l’entreprise pour blanchiment d’argent et délits fiscaux en mai 2021. Un peu moins de 2 ans plus tard, la CFTC (institution américaine chargée de surveiller les marchés dérivés) porte plainte, considérant que Binance a utilisé de multiples stratagèmes pour contourner la législation américaine et continuer son activité, lorsque la plateforme était encore interdite.

Enfin, le 5 juin 2023, la SEC, l’équivalent américain de l’AMF (Autorité des Marché Financiers), a déposé 13 plaintes pour violations des règles de sécurités financières. En effet, Binance aurait, entre autres, laissé des résidents américains utiliser ses services, alors que l’entreprise n’était pas déclarée auprès de la SEC, tout en les conseillant pour qu’ils soient en mesure de contourner la loi. De plus, l’entreprise aurait temporairement transféré des actifs de ses clients sur le compte de M. Zhao, le fondateur de Binance, sans leur consentement.

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L’importance du statut de Prestataire de Services pour Actifs Numériques

En France, Binance est devenu, en mai 2022, PSAN (Prestataire de Services pour Actifs Numériques). Ce statut, obtenu auprès de l’AMF, permet à une entreprise de vendre, échanger ou détenir pour un tiers des actifs numériques. Les PSAN doivent se conformer à un ensemble de règles précises en termes de sécurité et de lutte contre le blanchiment. Dans le cas de Binance, ce statut est nécessaire pour proposer ses services à des résidents français. Cependant, il lui est reproché d’avoir démarché des clients avant cette date, ce qui était alors interdit, tout comme son manque de vigilance quant à l’identité de ses clients. Ces problématiques sont aussi présentes dans les poursuites en cours ou passées sur l’entreprise aux Etats-Unis et au Nigéria. La société fait donc l’objet d’une enquête préliminaire pour démarchage illégal de clients et blanchiment aggravé en France.

Binance fait face à des enquêtes pour ses manquements aux KYC

En effet, de nombreux pays ont mis en place des « KYC » (Know Your Customer). Il s’agit de règles obligeant les prestataires de services financiers (dont les PSAN en France) à mettre en place des procédures pour vérifier l’identité de leurs clients, afin d’éviter que ces plateformes soient utilisées pour réaliser du blanchiment d’argent, du financement d’activités illicites ou de la fraude. La justice française considère que Binance n’a pas été assez stricte dans sa gestion des KYC, posant ainsi un risque réel de blanchiment aggravé.

A l’échelle internationale, la FATF (Financial Action Task Force) coordonne les politiques nationales. L’Union Européenne a développé l’AMLD (Anti-Money Laundering Directive) et les Etats-Unis le Bank Secrecy Act. Chaque zone géographique a ses propres règles, qui se recoupent pour la plupart. Le prestataire doit généralement demander un document d’identité au propriétaire du compte pour attester que le compte lui appartient bien. Les règles liées aux cryptomonnaies sont plus ou moins dures selon les pays. Cela peut pousser les entreprises spécialisées à se retirer d’un pays, comme ce fut le cas pour Binance aux Pays-Bas, à Chypre et au Royaume-Uni.

Un risque de blanchiment d’argent aggravé pour Binance

Selon plusieurs régulateurs nationaux, Binance n’exigerait pas de ses clients le remplissage d’un dossier de KYC. Ainsi, la SEC estime que la majorité des propriétaires de comptes chez Binance n’ont pas eu à faire valider leur identité. Pourtant, le remplissage des formalités de KYC est présenté comme une étape préalable à l’ouverture d’un compte sur leur site.

Cette situation est d’autant plus problématique pour les pouvoirs publics à travers le monde que les cryptomonnaies sont connues pour être largement utilisées à des fins illicites (blanchiment d’argent de structures mafieuses, financement de terrorisme, blanchiment du butin d’un hacking…). Les échange de « cryptos » sont plus difficilement traçables que les transferts d’argent passant par le système bancaire classique, ce qui en fait un outil de choix pour les individus voulant effectuer des opérations financières sous les radars. Le montant des cryptos passées par un processus de blanchiment est passé de 400 millions en 2015 à 23,8 milliards en 2022, avec une augmentation de 67,61 % par rapport à 2021, selon Chainanalysis.

Les enquêtes françaises : la goutte de trop pour Binance ?

Ainsi, les autorités financières nationales ont décidé de mettre fin à la zone de non-droit que représentait l’échange de cryptomonnaies. Binance va devoir justifier de ses pratiques commerciales douteuses et ses manquements à son devoir de vigilance dans de nombreux pays, tout comme son principal concurrent Coinbase, aussi visé par une enquête de la SEC. Une régulation supranationale semble nécessaire, mais invraisemblable pour gérer efficacement le développement de ces nouvelles monnaies. Pour l’heure, la part de marché de Binance.US est tombée à 2,7%, mais cela ne freine pas le développement et l’optimisme de Binance, qui se prépare à recevoir son statut d’opérateur agrée auprès des autorités financières allemandes.