
ESA – SGuibert
- ENTREPRENEURIAT INTERVIEWS RSE & DD
Noely Delabia
- 22 avril 2025
« Je bosse pour la planète » : Claire Pétreault, la voix des jeunes qui veulent changer le monde
Rencontre avec Claire Pétreault, autrice du lire « Je bosse pour la planète » et entrepreneuse engagée.
Bonjour Claire, peux-tu te présenter ? (ou tu as grandi, tes études..)
Bonjour, je suis Claire Pétreault, je suis entrepreneuse, créatrice de contenu et, plus récemment, autrice du livre Je bosse pour la planète, un guide d’orientation et d’introspection engagé pour les jeunes qui veulent mettre leur carrière au service de l’écologie.
J’ai grandi à Segré, près d’Angers, dans une famille partagée entre deux mondes engagés : celui de l’enseignement et celui de l’agriculture. J’ai toujours été entourée de gens qui se levaient le matin pour défendre une cause sans jamais vraiment m’en rendre compte. Après le bac, j’ai intégré Sciences Po Paris, où j’ai étudié les sciences sociales, l’économie, et puis je me suis spécialisée en communication… sans trop savoir ce que je voulais faire de ma vie. Je cherchais simplement à donner du sens à mon avenir. J’étais absolument obsédée par l’impact, et par le pouvoir des récits.
C’est en 2017, lors d’une alternance à La Ruche qui dit Oui !, que j’ai eu un vrai déclic : on peut travailler concrètement pour la planète. Cette expérience m’a marquée au point de guider toutes mes décisions par la suite.
Après mon diplôme, j’ai rejoint ChangeNOW, le sommet mondial pour les solutions à impact et j’y ai exercé mon métier de responsable communication pendant 3 ans. Mais c’est en 2020, en plein confinement, que tout a basculé : je me suis sentie trop jeune, trop seule dans mon engagement. C’est là qu’est née l’idée des Pépites Vertes, une communauté et un média qui donne la parole aux jeunes engagés dans la transition écologique au travail.
Après cinq ans à interviewer, écouter et connecter des jeunes qui osent faire autrement, j’ai décidé de réunir tout cela dans un livre. Je bosse pour la planète, c’est le guide que j’aurais rêvé d’avoir à 20 ans.
Comment ton parcours à Sciences Po a-t-il influencé ton engagement dans la transition écologique ?
Je suis engagée depuis que j’ai l’âge de m’engager. Déléguée de classe, arbitre dans mon club de hand, jeune conseillère municipale… c’est dans mon ADN.
Sciences Po, pour moi, c’était l’école de l’évidence, l’école de l’engagement. Evidemment, venant d’une petite ville de “province” c’était pas gagné d’avance, mais j’avais mes parents qui me soutenaient et surtout je m’étais fait un énorme planning de révision.
Je ne serais pas qui je suis sans avoir eu la chance d’intégrer Sciences Po à 18 ans. J’y ai affiné ma curiosité, ma soif d’apprendre, mon ambition d’impact, ma capacité à croire que tout est possible. J’ai eu des professeurs incroyables, comme par exemple Bruno Latour ou Julia Cagé. Et je me suis engagée toute ma scolarité dans l’association sportive.
Il faut savoir que je n’étais pas “écolo” à Sciences Po. Je suis même partie en Floride pour étudier, j’ai fait un sprink break dans une croisière dans les Bahamas. Je n’ai pas honte d’en parler, car ça a fait partie de mes déclics : au bout de 6 mois, cette vie de fête n’avait plus de sens pour moi. Et surtout, je prenais mes cours au collège de la communication, et j’ai été boulversée par un cours de media studies. Je suis rentrée en France avec une idée très claire : travailler dans les médias pour changer le monde. Puis j’ai enchainé les stages, et la suite, je l’ai déjà racontée plus haut.
Tu as fondé les Pépites Vertes en septembre 2020, juste après le confinement. Qu’est-ce qui t’a poussé à lancer cette initiative à ce moment précis ?
Le confinement a été un vrai moment de bascule. Comme beaucoup, je me suis retrouvée seule, bloquée entre quatre murs, avec cette envie immense d’agir pour la planète… sans savoir comment. Ce sentiment de solitude, je l’ai vraiment ressenti. Quand on choisit une voie professionnelle qui sort des sentiers battus, on a souvent l’impression d’être seul·e à “faire autrement”.
J’ai enchainé les visios de “coaching” d’étudiants pour les aider à trouver leur voie, et je suis partie faire mon premier “solo trip” sur la côte Atlantique dès que nous avons été déconfinés. Je savais que j’allais trouver mes réponses en chemin.
Alors, en parallèle de mon job, j’ai lancé Les Pépites Vertes en septembre 2020. D’un côté, un média pour valoriser des parcours inspirants de jeunes engagé·es, aux profils et chemins très différents. De l’autre, une communauté pour créer du lien, permettre les rencontres, et montrer qu’ensemble, on peut faire bouger les lignes.
En tant qu’entrepreneuse, j’ai dû apprendre à structurer mon projet. Mon entreprise les Pépites Vertes crée du contenu, et en parallèle j’ai co-fondé l’association le Club des Pépites pour connecter les jeunes pros de la transition écologique partout en France.
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Quels ont été les plus grands défis que tu as rencontrés en créant une entreprise dédiée à la transition écologique, et comment les as-tu surmontés ?
Créer une entreprise, c’est déjà dur. Mais une entreprise à impact, dans laquelle tu mets autant de toi, c’est épuisant ! C’est très compliqué de trouver le bon modèle économique, le bon format d’organisation interne, le bon alignement entre les besoins des clients et les valeurs de l’entreprise. Mais ce qui est facile, c’est de rester concentrée sur le cap : je n’ai jamais bougé ma vision en 5 ans. Je reste focus sur mon objectif : accélérer la transition écologique en mettant en lumière ceux qui font. Je vis de mon projet depuis bientôt 2 ans, je travaille avec 3 freelances, je suis installée à la Climate House, bref, j’ai réussi à créer une petite entreprise à mon image et je suis trop fière de ça.
Les Pépites Vertes visent à motiver la nouvelle génération à travailler pour la transition écologique. Comment vois-tu l’évolution de l’engagement des jeunes sur ces questions depuis le lancement de ton projet ?
L’engagement des jeunes, c’est comme les jeunesses elles-mêmes : multiple, nuancé, vivant. Depuis le lancement des Pépites Vertes en 2020, j’ai vu évoluer cette envie d’agir. Elle est plus forte, plus visible, mais elle prend des formes très différentes.
Dès 2018, avec l’émergence de figures comme Greta Thunberg, des jeunes ont commencé à faire du bruit. L’été caniculaire, les marches pour le climat, puis la crise COVID ont marqué un tournant. Dans les écoles et les universités, la prise de conscience s’est amplifiée. Le rapport du GIEC de 2023 a aussi joué un rôle : beaucoup ont compris que le dérèglement climatique est causé à 100 % par nos activités, et qu’il fallait transformer nos modes de vie, de consommation… et de travail !
Mais s’engager, ça reste un luxe pour beaucoup. Dans Je bosse pour la planète, je rappelle qu’un quart des 18-24 ans ne croient pas au réchauffement climatique. Et que seulement 21 % des jeunes mettent l’impact avant la rémunération dans leurs choix de carrière. On ne peut pas demander à des étudiants en précarité de choisir entre s’engager et subvenir à leurs besoins.
Mon objectif, à travers ce livre, c’est de montrer qu’il y a mille façons de contribuer. On peut agir dans une grande entreprise, une asso, un cabinet de conseil ou une collectivité. Il ne s’agit pas d’être parfait, mais de trouver sa place dans la transition. Et ça, c’est déjà un engagement !
Quels sont tes objectifs pour les Pépites Vertes à court et moyen terme ? Quelles nouvelles initiatives envisages-tu pour continuer à motiver la jeunesse ?
Je peux pas encore tout raconter. Mais je vais vraiment vous inviter à regarder ce qu’on fait au Club des Pépites, c’est très puissants les liens qui sont en train de se créer, c’est un vrai maillage territorial qui s’organise et les réseaux d’entraide : ça change le monde !
Personnellement, j’ai besoin de deux choses. Premièrement : me reposer après tout ce que je viens de lancer. Deuxièmement, aller m’inspirer auprès de leaders afin de sortir une nouvelle offre d’accompagnement encore plus ambitieuse pour l’écosystème. Je m’apprête à pivoter un peu mon business et je suis très excitée à cette idée !
En tant que modératrice, conférencière et enseignante à Sciences Po, quels messages clés essaies-tu de transmettre aux jeunes concernant l’impact et la communication ?
Je donne un cours de 12 séances aux master 1 communication avec ma collègue Christel Engelvin qui s’appelle “du storytelling à l’impactwashing, quels récits pour l’engagement ?”
On a trois messages principaux :
- S’adapter à son audience est primordial
- La forme compte au moins autant que le fond
- Rester authentique, transparent et aligné avec ses valeurs est la clef
Je réfléchis à rendre ces messages encore plus accessibles au grand public avec mon prochains projet, mais je vous en dis pas plus !
Tu as travaillé dans plusieurs organisations de l’écosystème de l’impact, comme ChangeNOW et la Ruche qui dit Oui. Quelle expérience t’a le plus marquée et pourquoi ?
Devenir responsable de la com à 23 ans à ChangeNOW était une aventure folle. J’ai tellement appris aux côtés des 3 co-fondateurs, j’ai adoré. Ça me manque parfois, cet esprit d’équipe où on sent que tout est possible parce qu’on est en groupe. Heureusement, je suis encore en contact avec eux tous les mois ! Ce qui est sûr c’est qu’ils m’ont appris à entreprendre.
Ton livre Je bosse pour la planète ! : Trouve ta voie et donne du sens à ton travail vient de sortir. Qu’est-ce qui t’a motivée à écrire ce guide pour la jeunesse engagée ?
Ça fait cinq ans que je rencontre des jeunes engagé·es dans tous types de métiers, que je teste des outils avec la communauté des Pépites Vertes, que j’anime des ateliers dans des écoles, et que j’écoute ce que les étudiant·es ressentent. Et ce que j’entends encore trop souvent, ce sont des phrases comme : “Je n’ai pas fait les bonnes études”, “il n’y a que du greenwashing”, “Je trouve pas d’offres engagées”.
C’est précisément pour ça que j’ai voulu écrire Je bosse pour la planète. J’avais envie d’outiller les jeunes, de leur donner des repères, des ressources, des témoignages… pour dépasser ces idées reçues et avancer, pas à pas, vers une carrière qui a du sens.
Ce livre, c’est un condensé de cinq ans de rencontres, de doutes, de tests, d’apprentissages. Il est né sur le terrain, au contact de cette génération qui se pose mille questions. J’espère sincèrement qu’il aidera les jeunes — et peut-être même leurs parents ou leurs profs — à comprendre qu’il est possible de s’engager, à sa manière, et dans tous les secteurs.
Après la sortie de ton livre, quels sont tes prochains projets pour continuer à sensibiliser et motiver la jeunesse ?
Dans les mois qui viennent, ma priorité est de faire en sorte que Je bosse pour la planète arrive entre les mains de tous les jeunes qui en ont besoin. Qu’il soit dispo dans les BU, dans les CDI, dans les écoles, dans les assos… alors si vous lisez cette interview : parlez-en autour de vous !
Je viens aussi de co-fonder avec 14 autres jeunes engagés Le Club des Pépites, une association pensée par et pour les jeunes pros de la transition écologique. L’objectif ? Créer la plus grande communauté de jeunes engagé·es via leur travail partout en France. Se rencontrer, s’entraider, se former, faire bouger les lignes ensemble… ça va être un sacré chantier collectif, mais on est motivé·es comme jamais.
Et puis, je sens que j’entre dans une nouvelle phase de réflexion. J’ai envie de creuser plus en profondeur des sujets qui me passionnent : l’engagement des jeunesses, la quête de sens, la manière dont on construit sa place dans le monde. Je sens que d’autres projets ne sont pas loin de germer…
Enfin, si tu devais donner un conseil à un jeune qui souhaite se lancer dans un projet à impact, quel serait-il ?
S’écouter, passer du temps avec lui, se connaître, comprendre ses forces et ses peurs, et enfin, s’entourer au plus vite!
Un mot de la fin ?
Nous sommes face au défi du siècle, allons-y, ensemble, tout est possible, mettons nous en mouvement !!!
Merci à Claire pour cet échange !