
- ANALYSES DÉCALÉ
Ilona Jouve
- 4 mars 2025
Le syndrome de l’imposteur chez les jeunes diplômés : mythe ou vrai frein à la carrière ?
Diplômé, mais pas encore légitime ? De nombreux jeunes professionnels ressentent un doute persistant sur leurs compétences, malgré leurs réussites académiques et professionnelles. Ce phénomène, connu sous le nom de syndrome de l’imposteur, touche une large partie des jeunes diplômés entrant sur le marché du travail. Est-ce un simple manque de confiance en soi ou un véritable obstacle à l’évolution professionnelle ? Décryptage de ce sentiment et des moyens de le surmonter.
Comprendre le syndrome de l’imposteur
Le syndrome de l’imposteur désigne la tendance à attribuer ses succès à des facteurs externes, la chance, l’indulgence des autres ou une erreur d’évaluation, plutôt qu’à ses propres compétences. Ceux qui en souffrent ont l’impression de tromper leur entourage et craignent d’être « démasqués » à tout moment.
Ce phénomène a été identifié pour la première fois dans les années 1970 par les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes. Il touche particulièrement les profils perfectionnistes, ambitieux ou en début de carrière, qui ont du mal à s’approprier leurs succès.
Les jeunes diplômés sont souvent confrontés à ce sentiment lorsqu’ils font leurs premiers pas dans le monde du travail. Le passage de l’université à l’entreprise est un changement brutal, qui demande une adaptation rapide à un nouvel environnement, des responsabilités et des attentes élevées.
Pourquoi les jeunes diplômés sont-ils particulièrement touchés ?
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi le syndrome de l’imposteur est si fréquent chez les jeunes entrant sur le marché du travail :
- Un manque d’expérience : après plusieurs années d’études, les jeunes diplômés se retrouvent confrontés à des situations professionnelles inédites. L’absence de repères et le besoin de faire leurs preuves peuvent accentuer le doute.
- Une pression sociale et académique : les diplômes et les stages valorisent la performance, mais ne préparent pas toujours à la réalité du monde du travail, où l’apprentissage se fait aussi par l’erreur.
- L’idéalisation du monde professionnel : en sortant des études, beaucoup imaginent devoir être immédiatement compétents et efficaces. La confrontation avec des difficultés normales peut alors être perçue comme une preuve d’incompétence.
- Les comparaisons constantes : à l’ère des réseaux sociaux et de LinkedIn, il est facile de se comparer aux réussites affichées des autres, accentuant ainsi le sentiment de ne pas être à la hauteur.
Quels sont les impacts sur la carrière ?
Le syndrome de l’imposteur peut freiner l’évolution professionnelle en influençant le comportement au travail et les décisions de carrière. Parmi ses effets les plus courants :
- Une autocensure excessive : refuser une promotion, un projet ambitieux ou une opportunité par peur de ne pas être à la hauteur.
- Une anxiété accrue : le stress constant de vouloir prouver sa valeur peut nuire à la productivité et à l’épanouissement professionnel.
- Un perfectionnisme paralysant : passer trop de temps sur une tâche par peur de l’échec, au détriment de l’efficacité.
- Une faible estime de soi : avoir du mal à reconnaître ses réussites et minimiser ses compétences réelles.
À long terme, ces comportements peuvent limiter les perspectives d’évolution et nuire au bien-être au travail.
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Comment dépasser le syndrome de l’imposteur ?
Bonne nouvelle : le syndrome de l’imposteur n’est pas une fatalité. Il existe plusieurs stratégies pour le surmonter et gagner en confiance.
1) Reconnaître et accepter ce sentiment
La première étape consiste à prendre conscience du problème. Ressentir des doutes ne signifie pas être incompétent. Accepter que l’on puisse parfois manquer d’assurance permet de ne pas se laisser submerger par ces pensées négatives.
2) Se concentrer sur les faits
Noter ses réussites et les feedbacks positifs aide à prendre du recul. Faire la liste de ses compétences et des défis relevés permet de réaliser objectivement sa valeur et de voir les progrès accomplis.
3) Accepter l’apprentissage
Aucun jeune diplômé ne commence sa carrière avec une maîtrise parfaite du métier. Comprendre que l’apprentissage fait partie du processus et que l’erreur est normale permet de relativiser la pression que l’on se met.
4) Parler de ses doutes
Partager ses ressentis avec des collègues, mentors ou amis peut aider à dédramatiser. Beaucoup de professionnels, même expérimentés, ont ressenti ces doutes au début de leur carrière. En parler permet de se rendre compte que l’on n’est pas seul.
5) Adopter une posture proactive
Se former, demander du feedback et oser relever des défis permettent de sortir progressivement du doute. L’action est souvent le meilleur moyen de prendre confiance en soi et de dépasser ses peurs.
6) Se détacher des comparaisons
Chaque parcours est unique. Se concentrer sur son propre développement plutôt que sur les réussites affichées des autres aide à éviter une pression inutile.
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Un frein surmontable, pas une fatalité
Le syndrome de l’imposteur est un sentiment courant chez les jeunes diplômés, mais il ne doit pas devenir un obstacle à l’épanouissement professionnel. Reconnaître ses compétences, accepter l’apprentissage et oser se confronter à de nouveaux défis sont des clés essentielles pour le dépasser.
Avec le temps, l’expérience et la prise de confiance, ce syndrome s’estompe naturellement. Ce n’est pas l’absence de doutes qui fait un bon professionnel, mais la capacité à avancer malgré eux.