Rencontre avec Marco Landi – Ex directeur monde d’Apple

Rencontre avec Marco Landi – Ex directeur monde d’Apple

Nous avons rencontré Marco Landi, ancien directeur monde d’Apple et passionné d’IA qui nous a raconté les grands moments de sa carrière, le recrutement de Steve Jobs, la fondation de l’institut EuropIA ainsi que son avis sur l’avenir de l’IA.

 

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis un jeune passionné d’IA et qui a voulu mettre sa passion au profit des jeunes mais plus généralement au service de tous. L’intelligence artificielle va apporter des choses extraordinaires Nous vivons dans un monde de plus en plus digital et il faut arriver à contrôler ses mutations et à les préparer. L’intelligence artificielle va transformer notre monde mais il va falloir être là pour la contrôler, il va falloir être sûr de savoir où on va aller. J’ai récemment créé l’institut EuropIA qui coopère avec la Maison de l’Intelligence Artificielle à Sophia Antipolis, nous faisons des formations à travers des MOOC ou des demo pratiques pour les jeunes lycéens, des conférences pour des startups, nous avons mis en place pour elles un super ordinateur pour le deep-learning.

 

Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

J’ai fait l’université de Bologne, la plus ancienne  université au monde. C’était en 1968, et c’était le moment de la révolution chez les gens de mon âge. Mais je ne voulais pas faire ça personnellement et un professeur m’a conseillé de faire une thèse dans le digital car j’étais plein de volonté. A ce moment-là je ne savais pas ce qu’était le digital mais je me suis impliqué pour être le premier d’Italie à faire une thèse sur le digital.

J’ai ensuite été recruté dans une grande compagnie de télécommunications pour créer le transmetteur téléphonique digital. Mais un jour, un vendeur de Texas Instruments vient me voir pour me présenter ses produits, des produits sur lesquels j’avais fait ma thèse… Je lui pose des questions techniques : il ne savait pas répondre. Le jour d’après, il revient avec son patron et il me dit pourquoi vous ne venez pas vendre nos produits, je réponds que je suis ingénieur et que je développe de nouvelles choses. Mais si on vous double le salaire et on vous donne une voiture, que faîtes-vous ?

J’ai donc commencé ma carrière chez Texas Instruments. Je deviens ingénieur de ventes, puis patron de l’Italie, puis de tout le Sud de l’Europe, patron de l’Europe, et enfin patron de l’Asie. Ce sont 17 000 personnes qui étaient basées à Hong Kong avec 4 milliards de dollars d’investissement. On passe de 300 millions de chiffre d’affaires à 3 milliards de $ en 3 ans. Je reviens donc en Europe et là Apple Computer m’appelle, je deviens patron à une période catastrophique, Apple perdait beaucoup d’argent. Je commence à faire une transformation de la compagnie en Europe. En 12 mois je la mets à 300 millions de profits en $ après une perte de 100 millions de $. Un grand journaliste de Business Week fait alors une interview sur moi et ce que j’avais réussi chez Apple Europe. Le board voit ça, m’appelle à Cupertino et m’offre la possibilité de devenir numéro 2 d’Apple, j’étais Chief Operating Officier (COO).

J’ai écrit un livre qui s’appelle « L’homme Connecté », vous trouverez toute l’histoire et aussi comment j’ai rencontré Steve Jobs et pourquoi il est  « par hasard » rentré chez Apple. Ou par destin, car il n’était pas le numéro 1 de la liste des entreprises que on a visité pour acheter leur OS. Lisez ce livre si vous souhaitez comprendre la transformation d’une compagnie qui perd en une compagnie qui fait du profit. Ça devrait être un cas à étudier à SKEMA Business School, normalement.

 

Comment décririez-vous le poste de COO d’Apple ?

Je me suis toujours considéré comme un innovateur. Je n’acceptais jamais les choses comme elles étaient. Dans la vente par exemple on nous donnait des objectifs de chiffre d’affaires. Je me disais que ce n’était pas normal. Il faut transformer le vendeur en une personne qui doit maximiser aussi le chiffre d’affaires et le profit. C’est en cela que j’ai introduit le terme de profitabilité dans mon management de la force de vente.

Il faut maximiser le chiffre d’affaires mais aussi en regardant bien la profitabilité. J’ai mis en place un système qui donnait des bonus non pas uniquement par rapport au chiffre d’affaires généré par les équipes mais aussi par rapport à la profitabilité. Ça a changé les mentalités, c’était une dynamique qui nous a fait gagner beaucoup d’argent.

Autre innovation : le client ne cherche pas un produit mais une solution. À ce moment-là lorsque j’étais ingénieur de vente ,  il y avait la transformation de la balance mécanique en balance électronique et moi j’ai créé avec un groupe d’ingénieurs une solution qui permettait de passer de la balance mécanique à la balance électronique. Un succès phénoménal. J’ai appliqué ce concept à beaucoup  d’autres secteurs.  Il ne faut jamais te contenter de ce que tu vois, mais te demander comment je peux le faire mieux, c’est-à-dire faire d’une manière qui coûte moins et qui fonctionne mieux.

 

Après toutes ces expériences en tant qu’innovateur, vous avez voulu sortir des sentiers battus en fondant l’Institut EuropIA, pouvez-vous nous en dire plus ?

Le président des Alpes-Maritimes m’a demandé il y a deux ans de l’aider dans la transformation numérique du Département, de chercher comment nous pouvions créer un smart territory, une smart education et un smart control des risques naturels. Nous nous sommes dit qu’il fallait créer quelque chose qui deviendrait le centre de tout ça. Or comme l’UCA  a gagné les 3 iA lors de l’appel à projets du Président Macron, nous avons pensé créer à Sophia Antipolis la Maison de l’Intelligence Artificielle.

L’objectif est de réunir et de fédérer tous les acteurs qui ont un rôle dans l’intelligence artificielle. Je me suis ensuite dit qu’il faudrait créer un institut qui puisse faire des grandes conférences sur l’IA, l’éthique, le travail, l’éducation : l’INSTITUT EUROPIA. Deuxièmement il fallait ensuite que cette M.I A fasse des MOOC, qu’elle donne des connaissances IA aux jeunes, pour leur donner une première idée ce que représente l’intelligence artificielle. Ensuite pour aider les start ups, on a mis à leur disposition un super ordinateur.. Tout ça est fait pour les jeunes, donc profitez-en.

 

Est-ce que pour vous, la simple compréhension de l’IA est nécessaire pour être compétitif sur le marché du travail ?

C’est le danger, c’est le grand danger. C’est l’objectif de l’institut EUROPIA de réparer la fracture entre les personnes qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas. Si tu ne sais pas lire, tu es complétement en dehors, si tu ne sais pas utiliser ton téléphone tu es complétement en dehors, si tu ne connais pas les bases de l’IA tu risques d’être complétement en dehors de ce monde. Il faut également que les gens arrêtent d’avoir peur de l’IA, les robots ne vont pas prendre le contrôle du monde, c’est de la science-fiction. Il faut à travers de grandes conférences, des vidéos, des articles, faire comprendre l’importance de l’IA. Dans n’importe quel métier l’intelligence artificielle sera là.

 

Conseilleriez-vous aux étudiants de partir de l’Europe pour travailler dans l’IA étant donné le gap en termes de Big Data ?

Non, non, non. Ça c’est le danger. Les deux meilleures têtes dans l’IA au monde sont deux français. Mais il sont au Canada et dans la Silicon Valley. Il faut créer un écosystème avec des grands investissements dans l’IA, faciliter la naissance de grand groupes européens qui puissent être compétitifs avec les GAFAM américains et les BATX chinois.

Il faut ouvrir un grand débat au niveau de l’Europe et ne pas se dire que c’est impossible à cause de règles trop restrictives comme le RGPD. Car attention, le RGPD a des aspects positifs. Mais les compagnies ne le prennent pas du bon point de vue : celui de la protection des données. Nous devrions créer des plateformes qui protègent ces données, c’est justement la raison pour laquelle nous avons la réglementation. Il faudrait utiliser le RGPD avec un point de vue positif. Le combat n’est pas perdu, jamais. Surtout qu’on a un grand marché très riche comme le marché européen mais on est en train de l’offrir aux GAFAM, c’est stupide.

 

Comment l’IA pourrait-elle combler le gap entre les différents niveaux d’éducation ?

Combler le gap prendra beaucoup de temps, déjà aujourd’hui il existe un gap pour des « choses simples » comme l’utilisation d’un ordinateur, du téléphone. Aujourd’hui certaines personnes ne savent pas envoyer un e-mail. La clé de la réussite c’est l’école, il faut que les lycéens commencent à travailler sur l’IA et un jour ce seront les collégiens voire des plus jeunes encore. Il faut une plus forte coopération entre les entreprises et les étudiants. Plus de stages, plus de possibilité de créer sa propre start up. Plus de possibilité d’accès au Capital Risque.

 

Concernant le risque d’une IA forte, c’est-à-dire autonome qu’en pensez-vous ?

Nous n’y sommes pas encore, mais il faut comprendre que face à une intelligence artificielle forte il faudra que nous soyons plus intelligents. Il y a des hommes comme Elon Musk qui ont créé Neuralink afin justement d’augmenter nos capacités, il faudra qu’on développe de plus en plus de nouvelles compétences neuronales. On y arrivera. Quand j’étais président de Texas Instruments, nous avions développé un programme qui consistait à insérer une puce dans les porcs pour contrôler la quantité que les porcs mangeaient, et donc pouvoir arrêter quand le porc avait assez mangé. Initialement cela faisait peur, pourtant au fur et à mesure c’est devenu normal. Il faut démocratiser l’IA et éviter la peur de l’IA en montrant les bénéfices de cette dernière.

 

Connaissez-vous des cabinets, des entreprises, qui recrutent dans ce domaine ?

À Sophia Antipolis il y a plein de startup qui recrutent dans ce domaine. De plus, en Italie je suis président d’une entreprise d’IA qui produit des assistants virtuels, cette entreprise cherche 100 ingénieurs mais on ne les trouve pas. Si vous vous préparez, vous trouverez du travail immédiatement. Lorsque j’ai fini ma thèse, j’ai trouvé du travail immédiatement. Je conseille avant tout de rentrer dans des entreprises qui te donnent la possibilité de comprendre la réalité, afin que tu puisses comprendre comment  l’entreprise fonctionne afin, de pouvoir l’améliorer en implémentant de nouvelles technologies. Il faut faire des MOOC, lire des livres, apprendre les premiers éléments. Comprendre le secteur, comprendre les nécessités et comprendre dans quelle mesure il est possible d’appliquer les nouvelles technologiques.

Pour en savoir plus :

Lire L’homme connecté : un dirigeant italien au sommet d’Apple

Écouter la dernière masterclass de M.Landi sur l’avenir de l’intelligence artificielle :