- CARRIÈRE INTERVIEWS
- Noam Ramillon
- 6 novembre 2024
Intégrer 115K, le fonds de Venture Capital du groupe La Banque Postale
Après une première série d’articles sur le parcours de jeunes analystes VC, nous vous invitons à découvrir le témoignage d’Hugo, analyste au sein d’un CVC nommé 115K. À travers son expérience, vous plongerez dans les particularités et les différences de ce modèle d’investissement, où les enjeux stratégiques de l’entreprise se mêlent à ceux du capital-risque.
Peux-tu m’expliquer quel a été ton parcours académique avant d’intégrer le monde du VC ?
Bien sûr ! J’ai d’abord suivi une classe préparatoire ECS au lycée Alexandre Dumas, en région parisienne, une filière pluridisciplinaire avec un véritable suivi qui correspondait bien à mon profil.
J’ai ensuite intégré SKEMA Business School. Dès mon arrivée à l’école, j’étais attiré à la fois par l’entreprenariat et par la finance, mais je ne savais pas encore quelle direction spécifique prendre. C’est vraiment lors de mes stages en année de césure que j’ai découvert mon attrait particulier pour l’investissement et l’écosystème startup.
Mon parcours peut finalement sembler assez classique, avec une spécialisation en Corporate Finance, mais j’ai toujours cherché à lui donner plus de profondeur et de cohérence. Pendant mes années à SKEMA, j’ai fait en sorte de saisir toutes les opportunités qui pouvaient le renforcer en choisissant des cours et des projets en lien avec l’investissement et l’entrepreneuriat. Je l’ai également complété par des expériences pratiques, notamment en rejoignant l’incubateur de l’école. L’idée était de construire un parcours qui ne soit pas seulement linéaire, mais qui démontre un véritable engagement et une volonté de me plonger au cœur de l’écosystème startup et financier.
En parallèle de tes études, tu as eu l’occasion d’accomplir de nombreuses expériences professionnelles, notamment dans le contexte Covid, peux-tu nous en parler ?
Lors de ma première partie de césure, j’ai travaillé chez KPMG en tant que Deal Advisory Analyst. Ma principale mission a été la réalisation du baromètre Top Tech Tomorrow, une grosse étude où j’ai analysé plus de 500 startups françaises pour identifier les plus prometteuses dans l’optique d’une introduction en bourse à court/moyen terme, un peu comme le classement FrenchTech Next 40/120. C’était fascinant de plonger dans des secteurs variés comme la fintech ou la biotech, et cette expérience m’a permis de me familiariser avec tout l’écosystème tech français, d’en comprendre les enjeux et tendances, mais aussi de voir les acteurs les plus structurants.
J’ai adoré découvrir cet univers, et cela a clairement orienté mes choix pour la suite.
Pour ma deuxième partie de ma césure, je voulais voir le côté plus opérationnel et intégrer une startup, mais c’était en 2020, en pleine période Covid, avec beaucoup de recrutements gelés chez les startups. J’ai donc tenté ma chance en M&A tech et j’ai pu rejoindre Axonia Partners, une agence de placement spécialisée dans l’accompagnement des fonds pour lever de l’argent auprès de Limited Partners. Ils avaient aussi une activité plus classique de conseil auprès des startups pour leurs levées de fonds, ce qui m’a permis de renforcer encore plus mon immersion dans cet écosystème. C’était une expérience super formatrice. On était une petite équipe, donc je travaillais directement avec les fondateurs, ce qui impliquait un rythme intense, mais ça m’a permis d’apprendre énormément.
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Finalement, comment t’es-tu retrouvé chez 115K, et quel est sa thèse d’investissement ?
Mon arrivée chez 115K s’est faite un peu par hasard. À l’approche de la fin de mon Master, je souhaitais acquérir une expérience en fonds d’investissement, mais il me fallait également valider un passage à l’étranger. Malheureusement, les opportunités à l’international offraient peu de perspectives d’évolution, ce qui m’a poussé à prendre un risque en vue de l’obtention de mon diplôme et à concentrer mes recherches en France.
En parallèle de mes autres process, je suis tombé sur une offre d’analyste VC chez 115K, alors encore en structuration et avec très peu d’information publique. Ayant un fort intérêt pour les secteurs couverts par leur thèse d’investissement, j’ai décidé de postuler, sans trop savoir à quoi m’attendre.
Dès les premiers entretiens, j’ai été séduit par la vision ambitieuse : faire de 115K un fonds de référence, combinant le professionnalisme d’un VC avec les atouts d’un grand groupe. C’était exactement ce que je recherchais : un projet ambitieux où tout restait à construire. J’ai donc saisi l’opportunité et rejoint 115K pour mon stage de fin d’études. Cette expérience s’est révélée extrêmement formatrice, avec un apprentissage constant et des responsabilités importantes. Elle a confirmé mon envie de poursuivre dans cette voie, et j’ai ensuite eu l’opportunité de rester en CDI.
Mais donc, pour la petite histoire, 115K a été créé en 2022 en s’inscrivant dans la feuille de route du plan stratégique de La Banque Postale, en capitalisant notamment sur le succès de son incubateur Platform58 qui a déjà accompagné +50 startups dont Seyna, Qantev ou encore Carbo. De notre côté, on gère donc 150m€ pour investir du seed jusqu’à la petite série B, avec des tickets allant jusqu’à 5m€ en primo-investissement. Nos secteurs de prédilection incluent la fintech, l’assurtech, la cybersécurité, la data et l’IA, avec un focus en France même si nous avons un mandat européen.
Quelles sont les différences par rapport à un fonds VC traditionnel ?
Les fonds de CVC sont des véhicules d’investissements créés par des corporates avec une finalité financière, stratégique ou mixte. Côté 115k, nous avons fait le choix d’avoir une finalité mixte qui nous permet de présenter de nombreux avantages : un positionnement evergreen pour accompagner sur le temps long, de pouvoir apporter du smartmoney pour que nos participations gagnent en expertise et des collaborations business à court, moyen ou long terme.
On va donc pousser au maximum les synergies avec le groupe, mais ça n’est pas un pré-requis obligatoire. A partir du moment où on a une conviction forte sur un dossier, on n’a pas forcément besoin d’un intérêt métier au préalable. L’idée est d’en créer après avoir investi, ce qui permet de rester flexible sur les opportunités. Cette liberté d’investissement est l’une de nos grandes différences par rapport à un CVC avec un objectif uniquement stratégique.
On a également monté une équipe composée d’investisseurs de métier, ce qui nous permet de viser les mêmes objectifs en termes d’exigence, de performance et d’avoir des pratiques d’investissement en ligne avec le marché du VC. A cela s’ajoute un accès privilégié à l’expertise du groupe, on a la possibilité de mobiliser des experts internes pour nous aider dans nos instructions.
Finalement, c’est vraiment le meilleur des deux mondes entre le professionnalisme d’un VC et la force d’un grand groupe élargi avec La Poste, La Banque Postale et toutes ses filiales.
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Comment se déroulent les processus de sélection des candidatures pour intégrer 115k en stage ?
Pour mettre un peu de contexte, nous recevons environ 300 à 400 CV à chaque session de recrutement. C’est un écosystème particulier car très compétitif mais sans véritables critères de recrutement fixes. Toute expérience professionnelle peut être valorisée dépendant de la thèse du fonds.
En CVC, je remarque généralement que les attentes peuvent différer de celles d’un fonds VC plus traditionnel. Nous avons parfois une approche un peu plus conservatrice, recherchant des profils très rigoureux avec une bonne formation financière. De notre côté, on essaie d’être le plus pragmatique possible en repérant des patterns de profils qu’on a appréciés par le passé. On ne va pas nécessairement attendre que le candidat soit expert en fintech ou en cybersécurité, mais il doit montrer un réel intérêt pour nos domaines, être à l’aise sur l’aspect analytique, et adopter une démarche proactive d’apprentissage continu.
Pour le processus, c’est du très classique, on effectue un premier entretien de fit puis une étude de cas sur une startup fictive. L’objectif étant que le stagiaire ait rencontré la quasi-globalité de l’équipe d’investissement sur le processus entier. On tourne donc depuis le début avec 2 stagiaires en permanence et on essaie d’avoir des profils complémentaires.
Pour finir, quels conseils donnerais-tu à un étudiant intéressé par cet écosystème pour se préparer aux entretiens ?
La préparation aux entretiens est absolument cruciale, je vois encore trop de candidats avec des très bons CV sur le papier mais sans réelle compréhension des enjeux liés à notre métier. L’écosystème est tellement compétitif que si tu ne travailles pas assez en amont, tu es éliminé directement.
Pour cela, rien de très sorcier, il y a une multitude de ressources accessibles en ligne. Linkedin est le réseau principal et il est également possible de se tenir informé des actualités de l’écosystème sur des sites comme Maddyness, CFNews, Les Echos ou encore FollowTribes – site internet co-créé par le CEO de Partoo qui m’avait pas mal aidé à comprendre les bonnes pratiques en startups. Une série d’études que je trouve aussi très complète est celle d’XAnge « The Series A/B Blueprint: A Guide for Founders » car elle permet de pousser un peu plus l’analyse et de voir les metrics attendus par les VC.
Je conseille aussi de prendre des initiatives à son échelle pour se démarquer. Par exemple, pendant la fin de mon parcours scolaire, j’ai contribué à l’incubateur de mon école et aidé à lancer une association dédiée au VC. C’était une manière de montrer mon engagement tout en continuant à me former. Les événements de networking et la création de contenu sur LinkedIn peuvent aussi aider à se faire remarquer et à élargir son réseau.
Et surtout, ne pas hésiter à contacter des professionnels déjà en poste, le VC est un petit monde et prêt à aider, en pensant bien à personnaliser le message de contact, évidemment. Pour ma part, au tout début, j’ai commencé à dresser une liste de questions fréquentes et à interroger les VC que je rencontrais sur leur approche. Cela m’a permis de créer une « boîte à outils » avec les concepts et le vocabulaire spécifiques au secteur pour pouvoir mieux l’appréhender en entretien.