IA et audit (1/2) : perspectives historiques

IA et audit (1/2) : perspectives historiques

Ces dernières années, l’essor de l’Intelligence Artificielle (IA) a métamorphosé de nombreux secteurs. Celui de l’audit a notamment connu une transformation de taille, et n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a trente ans !  Au point de mener à des inquiétudes croissantes dans le public étudiant, notamment en termes de perspectives d’emploi …

Planète Grandes Ecoles a donc étudié ce sujet à la lumière du témoignage de deux professionnels :  Pierre Planchon, membre du comité exécutif en charge de l’audit chez KPMG, évolue dans le secteur depuis près de trente-cinq ans.  Xavier Niffle est quant à lui responsable du Digital Audit dans cette même entreprise.

 

L’audit il y a trente ans :
avant l’informatisation

Il y a trente ans, le métier d’auditeur était très différent de ce qu’il est maintenant. En cause : le secteur n’était alors pas du tout informatisé, si bien que la plupart du travail se faisait à la main. « Ce n’étaient que des dossiers papier, témoigne Pierre Planchon, J’ai vu arriver les premiers ordinateurs et les e-mails au début des années 1990 » L’informatique s’est alors imposée, mais de manière très progressive, les premiers systèmes d’automatisation des procédures étant relativement simples.

S’attendait-on alors à tous les changements à venir, et plus particulièrement à l’arrivée de l’IA ? Il est vrai qu’on envisageait déjà que les nouvelles avancées techniques puissent modifier les méthodes de travail des auditeurs. Mais  l’IA apparaissait souvent comme une chimère. Pierre Planchon se souvient ainsi avoir suivi, lorsqu’il était étudiant, un cours intitulé « systèmes interactifs d’aide à la décision ». Mais le sujet semblait « un peu exploratoire, à la limite de la science-fiction, et avec peu d’implications directes [sur le monde professionnel]. Cela relevait plutôt de la curiosité ». En tout cas, les entreprises ne l’époque ne s’attendaient pas du tout à la révolution à venir : « On a maintenant atteint une puissance de calcul qui était inimaginable à cet instant là », conclut-il.

 

Une métamorphose du système en un
temps très restreint : l’arrivée de l’IA

 Mais alors, quand l’Intelligence Artificielle est-elle réellement apparue dans le monde de l’entreprise ? Si elle existait déjà, au moins sous forme expérimentale (le premier programme de traitement du langage naturel, ELIZA, date de 1965), depuis plusieurs décennies, son arrivée dans le monde de l’entreprise est en réalité extrêmement récente. « L’IA, on en parle depuis cinq à dix ans au maximum », souligne Xavier Niffle. En témoigne la création, il y huit ans, de son poste de responsable du Digital Audit.  

Le véritable essor de l’Intelligence Artificielle dans le secteur de l’audit date en fait de la pandémie de Covid 19 et des confinements. En effet, les clients de ces entreprises, contraints à travailler à distance, ont dû veiller à ce que les données soient disponibles partout. Or, l’existence et l’accessibilité de bases de données consistantes était un prérequis à l’essor de l’IA.  Elles représentaient en effet une « matière première indispensable pour alimenter ces nouvelles technologies. » explique Xavier Niffle.  C’est uniquement à partir de cette période, et plus particulièrement lors des deux dernières années, que les investissements des entreprises dans l’IA ont véritablement explosé.  Ils représentent maintenant environ 10% du budget informatique des entreprises françaises. Un montant qui paraît faible à première vue, mais s‘avère en réalité très imposant face à toutes les autres dépenses liées au parc informatique de celles-ci.

 

Quel type d’IA utilise-t-on ?

Soulignons toutefois que les différents types d’IA ne sont pas tous de la même utilité. Les auditeurs travaillent essentiellement avec l’IA générative, mais avec une version différente de l’IA grand public, spécialement entraînée sur des données comptables pour diminuer au maximum son taux d’erreurs. Et selon une étude KPMG, la méthode est efficace ! Face à une question comptable, le taux de bonne réponse de la version grand public de Chat GPT est inférieur à 50%. Il s’élève au contraire à 90% avec un programme spécifiquement entraîné à cette fin.

Ces outils étant techniquement complexes, leur développement n’est pas confié aux auditeurs, mais à des équipes spécialisées. Ce qui explique le nombre croissant de data analystes embauchés par les cabinets d’audit. 

 

Ainsi, cet essor de l’IA dans le secteur soulève de nombreuses craintes quant à l’avenir du métier d’auditeur : un nombre croissant d’étudiants pensent qu’il pourrait être remplacé soit par l’IA, soit par les data scientistes.  Nous étudierons cette question dans la deuxième partie de notre article : IA et audit 2/2  : quel impact sur le secteur ? 

Etudiante à HEC Paris après une CPGE littéraire à Sainte-Marie de Neuilly