Hedy Lamarr : retour sur l’histoire de la créatrice du Wi-Fi

Hedy Lamarr : retour sur l’histoire de la créatrice du Wi-Fi

Découvrez à travers la série d’articles « femmes brillantes de l’ombre »,  la vie de Hedy Lamarr, une femme souvent réduite à sa beauté, alors que son intelligence a révolutionné la technologie moderne. Elle a co-developpé une technologie de communication essentielle aux bases du Wi-fi, GPS, et Bluetooth. 

 

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Les premiers pas de Hedy Lamar : genèse d’un esprit visionnaire qui a créé sa propre réalité 

Hedy Lamarr, de son vrai nom Hedwig Kiesler, naît le 4 novembre 1914 en Autriche. Elle est la fille unique d’un couple de juifs de la grande bourgeoisie Austro-hongroise. Son père était directeur de banque et sa mère, issue d’une famille de la bourgeoisie juive de Budapest, était pianiste. Hedy grandit dans un milieu privilégié, elle apprend le piano, la danse, l’équitation, fréquente l’opéra et maîtrise quatre langues. Des son plus jeune âge, elle se passionne pour les inventions, passant des heures à démonter ses jouets afin d’en comprendre le fonctionnement. Son père, lors de promenades, lui explique le fonctionnement des technologies, renforçant sa curiosité naturelle. À la maison, elle bricole souvent, tandis que ses parents l’emmènent régulièrement au théâtre, où elle découvre sa deuxième passion : le cinéma. À quinze ans, elle voit pour la première fois Metropolis, réalisé par Fritz Lang, et décide qu’elle veut devenir actrice.

Dès son adolescence, elle sera remarquée par sa beauté. À l’âge de seize ans, elle s’inscrit aux studios Sasha de Vienne, et sera vite propulsée sur la scène en jouant dans ses premiers films autrichiens et allemands notamment, Geld zuf der Strasse (1930).

 

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Hedy Lamarr, entre étoile du cinéma et lumière de génie 

En 1933, sa carrière prend un tournant important, elle obtient le rôle principal dans le film Extase, de Gustav Machaty, qui la fera connaitre du grand public. Ce film fait scandale en montrant l’actrice entièrement nue en train de courir entre les arbres, se baigner dans un lac, et de simuler un orgasme. 

Une grande première dans l’Histoire du cinéma qui ne plaira pas au pape de l’époque qui ordonnera de censurer le film. Sa réputation de femme sulfureuse et son surnom « the Ecstasy Girl » naissent à cette période, alors qu’elle n’a que dix-neuf ans, et ne la quitteront plus jamais. 

La même année, ses parents décident de la marier à Fritz Mandl, un des quatre plus grands marchands d’armes du monde, proche de Mussolini et des nazis.Très possessif, il interdira à Hedy de poursuivre sa carrière d’actrice ou encore de l’accompagner dans ses usines pour ne pas attirer le regard de ses employés. Sa jalousie maladive le conduira à essayer d’acheter toutes les copies du film Extase afin que personne ne voie son épouse nue. 

Hedy est contrainte de troquer les caméras pour le monde militaire, et se résume à figurer aux dîners mondains organisés par son mari. Durant ces repas d’affaires, elle assiste à des conversations sur l’armement, notamment les recherches pour améliorer le guidage des torpilles, qui deviendra plus tard son domaine de prédilection. 

Fritz Mandl se rapproche de plus en plus des nazis, et va jusqu’à recevoir Hitler, ce qui inquiète Hedy qui décide de prendre la fuite de manière rocambolesque. En effet, elle drogue une domestique, enfile son uniforme et s’enfuit d’abord à Paris, puis à Londres, et enfin en Californie. Elle prend alors le pseudonyme de Hedy Lamarr. Elle décide de reprendre sa carrière d’actrice et obtient un contrat de sept ans avec la M.G.M (Metro-Goldwyn-Mayer) ce qui lui permettra d’apparaître dans une quinzaine de long-métrage et de se hisser au rang de vedette du cinéma. Entre deux tournages, elle profite de son atelier pour y créer des inventions pour sa maison comme un distributeur de moutarde automatique. Elle aide notamment l’aviateur Howard Hugues à developper son idée d’avion le plus rapide du monde, en s’inspirant des morphologies des oiseaux et poissons les plus rapides. 

 

Hedy Lamarr : un génie éclipsé par l’ombre de la société patriarcale  

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande améliore la technologie de ses sous-marins, au point de rivaliser avec l’armée britannique, réputée pour sa supériorité dans ce domaine. En brouillant les fréquences radio des torpilles anglaises, les Allemands parviennent à les détourner et les rendre inefficaces ce qui fragilise considérablement la position des Alliés en mer.

En 1940, Hedy fait la rencontre du pianiste George Antheil, connu pour avoir créer son ballet mécanique,  une composition dans laquelle seize pianos jouent simultanément sans aucun musicien. Cette invention a été rendu possible grâce à un système de cryptage sur des rouleaux de papier perforés impossible à décrypter. Avec l’aide du musicien, Hedy a l’idée de créer un signal sûr, en transposant le système des pianos mécaniques aux torpilles de l’armée. Grâce à cette invention, les bateaux pourraient communiquer avec les torpilles sur 88 fréquences différentes, rendant le système indéchiffrable pour l’ennemi. En 1941, le Conseil National des Inventeurs affirme que cette idée est « révolutionnaire » et la transmet à des ingénieurs pour la mettre en oeuvre.

En août 1942, les deux inventeurs obtiennent un brevet pour leur invention « Secret Communication System » et la confie directement à l’armée pour qu’elle soit utilisée. Cependant, l’État-Major ne prend pas l’invention au sérieux, estimant qu’Hedy Lamarr « ne peut pas être à la fois belle et intelligente ». Néanmoins, l’armée, intriguée, classe l’invention comme confidentielle pendant dix-sept ans, la plongeant ainsi dans l’oubli. Au lieu de reconnaître son génie, on lui propose plutôt de mettre à profit sa beauté en vendant des obligations de guerre.

Elle restera profondément déçue que son idée ait été rejetée, surtout lorsqu’elle découvrira que son brevet a été utilisé pendant la guerre du Vietnam et la crise des missiles de Cuba, sans qu’elle n’en retire aucun bénéfice.

 

L’héritage d’Hedy Lamarr de la fin du 20ème au 21ème siècle

Aujourd’hui, son invention est toujours utilisée dans des technologies comme le GPS, le Bluetooth, le WiFi, et même dans le système de communication sécurisé de la Maison Blanche. Bien que sa création soit estimée à une valeur de trente milliards de dollars, Hedy n’en retirera aucun profit. Toute sa vie, elle a cherché à marquer le monde par ses inventions, mais elle restera à jamais réduite à son apparence, sans jamais recevoir la reconnaissance qu’elle méritait.

Il faudra attendre 1997 pour que Hedy Lamarr soit reconnue pour son génie et reçoive des prix. Elle meurt trois plus tard, recluse et plongée dans l’oubli. Depuis 2005, sa date de naissance célèbre la fête des inventeurs en Allemagne, en Autriche et en Suisse et en 2014, elle est admise au National Inventons Hall of Fame. 

Bien que le travail d’Hedy Lamarr soit aujourd’hui fondamental pour nos technologies modernes, ses idées révolutionnaires n’ont pas reçu la reconnaissance qu’elles méritaient de son vivant. Sa condition de femme dans une société patriarcale a souvent éclipsé ses réalisations scientifiques. Elle a toujours aspiré à se détacher des stéréotypes imposés par son époque, mais c’est cette même société qui l’a condamnée à l’oubli. Malgré tout, Hedy Lamarr a persisté toute sa vie dans la création de sa propre réalité, croyant fermement en son génie. Bien que sa beauté fût éphémère, son intelligence a traversé les âges, et elle est aujourd’hui reconnue pour ses contributions exceptionnelles.

 

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