Interview avec Réchana Oum, public speaking coach

Interview avec Réchana Oum, public speaking coach

Réchana Oum est public speaking coach en entreprise depuis près de vingt ans et comédienne. Cet article fournira des conseils et outils précieux aux étudiants et jeunes professionnels cherchant à améliorer leur talent d’orateur.

 

Pourriez-vous retracer brièvement votre parcours ?

Avant toute chose, je viens du milieu du théâtre : metteur en scène, comédienne ayant monté ma propre troupe, j’ai été formé par Jean-Laurent Cochet, grand metteur en scène et professeur d’art dramatique. Etant avant tout une grande timide, j’ai été poussée vers le théâtre par une soif d’apprendre plutôt qu’un souci de remédier à cette timidité.  C’est à ce moment-là que m’a été inculqué un amour de la langue ainsi que ce souci du texte et de la littérature.

Je suis professeur de théâtre depuis 25 ans.

Mon passage vers l’entraînement à la prise de parole en entreprise vient en fait d’élèves, qui, cadres en entreprises, à l’issue de mes cours de théâtre, m’ont suggérée de proposer ce service aux entreprises. Ainsi, ma méthode d’apprentissage de la prise de parole repose essentiellement sur des outils, concrets, que de vrais comédiens utilisent dans leur carrière.

 

Pourquoi avoir fait ce choix de carrière ? 

Ayant toujours aimé l’école et l’apprentissage, j’ai vite découvert le théâtre pour n’être plus intéressé que par cela. En ce sens, ma passion pour le théâtre a longtemps éclipsé toutes perspectives d’une carrière en entreprise. Mais la perspective de pouvoir partager un savoir et des techniques utiles afin d’améliorer la vie de nombre de personnes en entreprise m’a finalement ouverte à un monde riche d’échanges : il ne faut jamais se fermer de portes !

Quant à l’apprentissage de l’éloquence, je pense qu’il faut d’abord clarifier beaucoup de préconçus qui ne sont pas nécessairement vrais : la confiance en soi, ou un sale caractère ne font pas forcément de quelqu’un un rhéteur, ou un orateur hors pair. L’éloquence repose pour moi sur la notion d’égalité : c’est avant tout un outil qui donne à tous de parvenir à articuler du mieux possible leurs idées. Je crois donc que l’éloquence est avant tout une science qui repose sur des principes et des règles claires : elle s’apprend à force de pratique et d’essais.

 

Lire plus : Interview d’Alexis Levêque, Head of Group Performance Steering à BNP Paribas

 

Trouvez-vous des ressemblances entre les différents types de profils que vous avez pu conseiller ?

En dépassant les profils stéréotypés (e.g. : le grand timide), on trouve selon moi que le plus grand déterminant d’un profil ou d’une catégorie est l’ouverture à l’apprentissage. Apprendre la prise de parole est un jeu d’équipe et il faut que chacun joue son rôle, sous peine de ne pas parvenir à des résultats satisfaisants. Il existe aussi un phénomène selon lequel la prise de parole est dramatisée à outrance : parler en public ne doit pas nécessairement être le calvaire que beaucoup de gens imaginent. Il s’agit avant tout de rationnaliser les attentes et peurs des futurs orateurs, afin de les ouvrir à l’amélioration.

 

Avez-vous toujours en tête les enjeux de votre métier ?

Au début de mon exercice, je me suis trouvé dans une situation dans laquelle je me souciais énormément des enjeux, non seulement de mon métier mais aussi de ceux liés aux métiers de mes clients. Avec le temps, on se rend compte que la prise de parole implique une part d’humain gérée différemment par chacun : si je fournis des outils et un mode d’emploi aux personnes qui ont recours à mes services, c’est à eux de l’utiliser, et cela se passe toujours très bien !

 

Vos formations se font aussi en anglais : comment une entreprise française fait-elle face à un envahissement du lieu de travail par l’anglais ?

Ayant enseigné dans diverses entreprises, je remarque que beaucoup parlent un bon anglais et que les inquiétudes que l’on pourrait avoir vis-à-vis de l’accent sont vite mises en repos, de nombreuses nationalités – et donc accents- se côtoyant régulièrement en entreprise. Un problème plus réel serait les traductions littérales que l’on tend à faire du français à l’anglais, qui peuvent parfois empêcher une bonne compréhension du message à faire passer.

Sur le sujet du Franglais, je remarque deux choses :

  • D’abord, utiliser des termes anglais trouve parfois une justification : certains mots sont intraduisibles et il ne sert à rien de chercher à traduire pour traduire, sous peine d’une perte de substance.
  • En revanche, on a une tendance en entreprise à insérer des mots anglais un peu partout, ce qui rend finalement des concepts et des mots creux, vides et incompréhensibles. Alors, mon conseil serait de revenir à des termes simples afin de clarifier un maximum l’expression.

 

Lire plus : Qu’est-ce que le « quiet hiring » ?

 

Le théâtre a-t-il aidé le public speaking coach en vous ? Et réciproquement ? 

 L’un nourrit plus que l’autre. Le théâtre a en effet apporté un bagage technique à ma formation de public speaking coach. Par-là, je veux dire que je conseille toujours d’amener la pensée derrière le discours, dans une forme de sincérité, comme un comédien le ferait, cela étant vraiment perceptible pour une audience. Dire que l’entreprise ne m’aurait rien apporté serait faux : au contact des entreprises, j’ai appris à concevoir mon travail dans le domaine du théâtre comme une entreprise, puisqu’il s’agit aussi de gérer un projet, une équipe, etc. J’ai appris énormément au contact des personnalités fortes que j’ai formées en entreprise, et je les remercie pour cela. Ils m’ont rendue beaucoup. La prise de parole amène forcément à donner beaucoup d’humanité à l’autre, et ils me l’ont rendue avec beaucoup de générosité.

 

Ayant été auteur, quel parallèle tracez-vous entre oral et écrit ? 

Il faut bien comprendre que l’écrit retranscrit une pensée et la fige par la ponctuation. L’oral est beaucoup plus libre en ce qu’on choisit d’appuyer ce que l’on veut : on appuie ce que l’on pense important notamment, ce qui nous tient à cœur. L’écrit est limité par le phrasé, tandis que l’oral n’est gouverné que par le débit de la pensée. Il faut donc réapprendre à exprimer son oralité et pour cela, il existe des méthodes, aussi fiable qu’une recette de cuisine.

 

Lire plus : Le classement Pisa : tout savoir !

 

Auriez-vous des conseils à donner à des étudiants ou professionnels en besoins de conseils concernant leur expression orale ?

Je conseille souvent de ne pas attendre avant de s’intéresser à l’amélioration de son expression orale : celle-ci touche à tout, que ce soit la vie professionnelle, la vie étudiante ou sociale. Il faut donc commencer le plus tôt possible afin de profiter d’un maximum d’opportunités, autrement peut-être perdues. Aussi, il ne faut pas s’en vouloir si l’on n’arrive pas à progresser rapidement : cela prend du temps, et chacun n’a pas nécessairement les mêmes prédispositions.

Par ailleurs, il faut réaliser l’écart entre ce qui est dit et ce qui est perçu : il ne faut jamais oublier l’humain et de fait ne pas toujours rester dans le factuel. Des encouragements, des explications ou un simple « bravo » peuvent fondamentalement changer la perception que vos collègues ou patrons pourront avoir de vous.

 

Une surprise sur votre chemin qui vous a changée ?

L’entrée en entreprise a changé ma perception de ce milieu, souvent réputé froid ou aseptisé de son humanité. J’ai eu la chance de rencontrer énormément de personnes, talentueuses et passionnées, qui, malgré leurs responsabilités, parfois écrasantes, se souciaient de leurs collègues ou employés. J’ai découvert des personnes brillantes, et qui mettaient leur expertise, leur cœur à défendre des idées fortes, rendre leur entreprise plus juste. Et au final, permettre à des centaines de personnes dans le monde à vivre de leur métier, et à s’épanouir dans un environnement sain.

 

Un retentissant merci à Réchana Oum pour avoir accepté de faire cette interview, qui pourra donner de précieux conseils à nombre d’étudiants et professionnels en matière d’expression orale.