Après une école de commerce, elle fait le choix de l’Armée

Après une école de commerce, elle fait le choix de l’Armée

Après un parcours à l’Université et en Grande Ecole de commerce, Marie a fait le choix d’intégrer l’Armée de Terre, en région lilloise. Un choix original à une période où la majorité des étudiants redoublent d’efforts pour obtenir le stage/CDI de leur rêve dans leur domaine d’études. Retour sur ce profil qui en inspirera très certainement plus d’un à aller au bout de leurs inspirations.

 

Bonjour, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Marie Siméon, j’ai 25 ans. Après un bac scientifique, j’ai intégré un lycée espagnol à Paris, afin de suivre une formation en commerce avec la volonté d’être parfaitement bilingue. Au bout d’un semestre sans réel épanouissement, j’ai quitté l’institut et travaillé avant de reprendre mes études dans l’idée de devenir journaliste. J’ai donc commencé une licence en information- communication que j’ai quitté au bout de 4 mois, voyant que je n’étais pas totalement satisfaite. J’ai donc choisi de me réorienter dans une autre université directement au second semestre jusqu’à obtenir une licence en Etudes Internationales (langues/sciences humaines et sociales)  à l’Université Sorbonne Nouvelle et à l’IHEAL (Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine). Lors de ma dernière année de licence, j’ai passé les concours AST pour intégrer emlyon business school en 2017 où j’ai suivi un parcours autour du développement durable, de la finance solidaire et de l’économie sociale et solidaire. 

Au niveau professionnel, j’ai fait un premier stage de 6 mois chez Business France, en Argentine en tant que chargée de développement. J’ai enchaîné avec un stage chez Bpifrance de 6 mois au sein du Pôle Conseil : il s’agissait de permettre à des entreprises d’obtenir des missions de conseils avec des consultants de Bpifrance. Je travaillais avec les accélérateurs, les PME et les consultants autour des problématiques rencontrées.

J’ai ensuite décidé de m’engager pour une année au sein de l’Armée de Terre.


Pourquoi avoir choisi d’intégrer une école de commerce ?

C’est vrai que je semble plutôt avoir un profil Sciences Po qu’école de commerce ! À vrai dire, j’étais plutôt indécise. J’avais besoin de me confronter à un monde qui me paraissait éloigné, avec lequel je n’avais pas forcément d’accroche. Je pensais également que cela apporterait une complémentarité à mon précédent parcours scolaire ; je savais que les écoles de commerce, et l’EM en particulier, ouvrait beaucoup de portes et permettait de prétendre à des postes intéressants et à responsabilité. Pour le reste, je me disais que je verrais bien au fur et à mesure de mon parcours, étant une personne naturellement éclectique. 

C’était un choix très pragmatique finalement ! 


Qu’as-tu appris à emlyon business school ?

Avec du recul, je dirais que ce n’est pas tant du point de vue des connaissances brutes que j’ai beaucoup appris à emlyon. J’ai surtout appris à m’ouvrir, à m’adapter aux gens qui m’entourent. L’essentiel de ce que j’ai appris à emlyon vient justement de toutes les relations et liens que l’on tisse avec les autres étudiants. À l’EM, je participais beaucoup aux « débats canapé » organisés par l’association FORUM au sein desquels les étudiants échangeaient leurs avis sur différents sujets. J’ai également participé au DiploMun la première année, et j’allais aussi régulièrement aux conférences organisées ; c’est d’ailleurs la conférence du Général De Villiers qui m’a davantage poussée, ou du reste qui a confirmé mon envie de découvrir l’armée.

L’emlyon est vraiment une école dans laquelle les étudiants ne sont pas dans une attente passive de connaissances mais bien plutôt dans une démarche active d’enrichissement intellectuel et humain. Cela m’a vraiment marqué et m’est encore utile aujourd’hui, dans le milieu militaire.

Hormis cela, la bascule récurrente entre période de cours et période de stage à emlyon permet à ses étudiants de s’adapter très rapidement à tous les contextes, à être très flexibles et à mettre en pratique les compétences acquises de manière assez naturelle. 


Tu as ensuite choisi d’enchaîner avec un contrat militaire, pour quelles raisons ?

Le choix de l’armée s’est fait en deux temps. Ce milieu m’intriguait depuis longtemps. Je connaissais déjà des personnes dans la Marine, et plus jeune, au collège, je me tournais instinctivement vers la Marine et l’Armée de terre dans les salons des métiers et de l’orientation ! Il y avait notamment ce côté « service de la Nation » qui m’attirait beaucoup…

Ensuite, pendant la crise de la COVID-19, j’ai eu le temps de réfléchir et de me poser de vraies questions. S’engager dans l’armée n’est pas un choix anodin, c’est un mariage. Et en ce sens, j’avais besoin de temps pour appréhender ce nouveau milieu. C’est pourquoi j’ai décidé de m’engager pour un an, à 25 ans, me disant que c’était le moment ou jamais !

Je ressentais aussi ce besoin de servir mon pays, de faire quelque chose qui ait du sens. D’ailleurs, en y repensant, mes stages précédents étaient aussi au service de la France, au sein d’institutions publiques (Business France et Bpifrance). J’ai donc décidé de servir la nation, mais autrement !


Concrètement, comment se sont passées tes recherches ?

J’ai commencé mes recherches courant janvier/février avant le confinement ; la petite histoire veut que j’avais pensé à intégrer la Marine Nationale. Je suis allée au CIRFA et c’est une capitaine de l’Armée de terre qui m’a reçue. Le courant est très bien passé, et j’étais agréablement surprise de voir le poste qu’elle occupait, et les responsabilités qui en découlaient. J’avais déjà jeté un œil aux offres qu’offrait l’Armée de terre pour les contrats d’un an, qui me paraissaient plus intéressantes que celles proposées par la Marine. J’ai donc sauté sur l’occasion et entamé les démarches. Comme quoi, c’est un peu le fruit du hasard !

J’ai donc postulé et fait 5 choix auprès de l’Armée de terre : deux choix à l’Etat-Major des Armées Balard (Paris), un autre choix à l’Etat-Major de Lille (Programme Scorpion, celui où je suis actuellement), puis deux choix en régiment (dans les renseignements). 

Une fois le dossier complété, il est examiné en fonction de nos choix, nos appétences, notre parcours scolaire et nos compétences. J’ai reçu une réponse positive pour le poste à Lille. 

S’ensuit un premier entretien de « motivation » que j’ai eu avec le chef de bureau, qui était colonel, qui ressemble à un entretien lambda qu’on pourrait trouver dans le civil (mes aspirations, ma personnalité, ce que je connaissais du poste…). A l’issue, ils confirment si mon profil les intéresse ou non, et je peux enfin commencer les tests. Ils se déroulent à Vincennes, sur deux journées, et se composent comme suit : 

  • le test de personnalité qui évalue ton profil psychologique, les tests psychotechniques qui évaluent ton niveau intellectuel et un test d’anglais.
  • Les tests physiques : un luc léger, tirage de poulie, et squats ou traction pour les garçons (le parcours d’obstacle ayant été supprimé pour cause de COVID) 
  • Le test médical qui estime si tu es apte ou inapte à exercer dans l’armée.

A l’issue de ces tests, et de nos résultats, je suis partie à l’ESM (Ecole Spéciale Miliaire) de St Cyr Coëtquidan, pendant deux semaines, où j’y ai appris les rudiments du métier de soldat notamment à travers le développement de l’aptitude au commandement et la connaissance du savoir-être de l’officier (techniques de combat, marche au pas, tirs, cours théoriques) 

Cela a été une belle et courte formation sur le plan humain. J’ai reçu mon galon d’aspirant à la fin de cette période et j’ai été affectée dans mon unité.

 

Un quotidien de militaire, ça ressemble à quoi ?

En Etat Major (le centre de prise de décisions, constitué de bureaux), le quotidien est assez similaire à celui d’une personne en entreprise classique. J’opère dans le Commandement des Forces Terrestres, à Lille, qui est une sorte de décentralisation des activités opérées à Balard. 

Tous les matins, en arrivant au bureau, nous mettons l’uniforme. Depuis les attentats de 2015, il est fortement déconseillé aux militaires de se déplacer en uniforme, nous nous déplaçons donc en civil et nous nous changeons directement sur le lieu de travail. Le fait de tous mettre notre uniforme crée un vrai sentiment d’appartenance à un groupe. Que l’on soit au bureau ou sur le terrain, nous portons ce même uniforme.

Au bureau, le boulot commence à 7h45 et peut finir à partir de 17h. Nous pouvons faire du sport tous les jours, sur une plage-horaire définie (ou au moins sur nos heures de travail, de préférence le matin) cela fait partie de notre emploi du temps et de notre travail puisqu’un militaire doit être en forme tout le temps et se doit d’avoir une bonne hygiène de vie. 

Je travaille sur le Programme Scorpion : un programme d’armement qui permet à l’armée française d’augmenter son niveau capacitaire et être capable d’affronter les nouveaux conflits qui se profilent, sous la haute intensité. J’ai été recrutée pour aider sur ce programme. Il est composé de plusieurs sous dossiers touchant à différentes thématiques. Donc concrètement, mon travail consiste en beaucoup de lectures, de mailings, de réunions et d’échanges avec mes collègues sur le renforcement de notre armée française. 

Dans le cadre de ce projet, l’Armée de terre travaille en étroite collaboration avec les groupes industriels tels que Nexter ou Thalès qui produisent des équipements et le matériel militaire. 

Pour donner un exemple concret de mission : récemment, on m’a confié un projet de partenariat entre l’ESJ (Ecole Supérieure du Journalisme) de Lille et le Commandement des Forces terrestres (CFT) terrestres pour notamment participer au rayonnement du CFT et de permettre aux futurs journalistes de découvrir le milieu militaire. On est sur du partage d’expertise pur. 

La vie à l’Armée est aussi marquée par beaucoup de cérémonies et de traditions, ce qui fait d’ailleurs son charme. Tous les premiers vendredi du mois, nous allons aux couleurs ; nous mettons notre uniforme et nous rassemblons à 7h45 sur la place d’armes, par division et attendons le signal de début des couleurs, c’est-à-dire le lever de drapeau. Nous sommes au garde-à-vous et écoutons le discours du Général qui passe parmi les rangs, pendant une trentaine de minutes puis nous repartons travailler. 


Quelle formation tes collègues ont-ils suivi ? 

Il y a de tout ! En Etat-Major nous rencontrons plus souvent des hauts gradés, contrairement au régiments où les militaires du rang et les sous-officiers représentent l’essentiel du corps. 

Mon chef direct, est lieutenant-colonel, « Cyrard » (diplômé de St Cyr) tout comme de nombreux colonels et généraux au sein du quartier. Mon collègue, adjudant-chef, a une vingtaine d’années derrière lui mais n’est pas passé par St Cyr ; il a grimpé en grade en partant de militaire du rang.

Nous trouvons également des lieutenants, parfois officiers sous-contrats ou issus des rangs, et également certains Officiers Sur Titres (Capitaine ou Commandant) qui ont été récemment activés et dont certains passent actuellement l’École de Guerre. 

Dans mon cas, je suis considérée comme une officier Aspirant de l’Armée de Terre et mon appellation au quotidien est lieutenant. 


Qu’est-ce qui se profile à la suite de ton année en tant que volontaire aspirant de l’Armée de Terre ?

À la fin de mon année de volontariat, je peux décider d’embrasser la carrière d’OST : Officier Sur Titre, donc d’intégrer l’Ecole Spéciale militaire de Saint Cyr à mon tour car mon âge me le permet encore. Cela me dirigera vers une carrière de commandement, dans l’arme que j’ai choisie, avec l’espoir à terme d’être propulsée à des postes intéressants. 

Je pourrais également poursuivre en tant qu’OSC (Officier Sous Contrat) et suivre la voie « encadrement » (commandement) ou spécialiste. Nous sommes sur des contrats de quelques années, une forme de CDD, renouvelables. Dans le cas de l’OSC filière spécialiste, je serai affectée à un poste, souvent en bureau, qui répond à mes compétences directes. 

Enfin, je peux décider tout simplement de revenir à un poste dans le civil, soit en tant que civil de la défense ou tout simplement quitter le milieu militaire. 


Comment envisages-tu ta carrière sur le long terme ?

La véritable question est : Qu’est-ce qui m’anime au quotidien ? Dans quel environnement ai-je envie d’évoluer, comment j’envisage mes journées et comment j’imagine mon idéal de vie ? 

Je me dis souvent que dans un métier on choisit davantage les inconvénients et contraintes, que les avantages. Cela nous permet de connaître nos limites d’acceptation. 

Cette année en tant que volontaire sert justement à cela ; à me découvrir davantage, à savoir quel est le cadre dans lequel je souhaite m’épanouir sur le plan professionnel et personnel, afin de faire un choix, en accord avec mes appétences et mes valeurs.  

J’ai toujours pensé à une carrière à l’international, pourquoi pas opérer dans le secteur public, ou même en cabinet de conseil… Le côté consulting m’intéresserait éventuellement, notamment sur des sujets d’industrie et de défense, de par l’expérience que je commence à développer dans ce domaine. 

J’avais également pensé au mécénat d’entreprise, qui me permettrait de travailler sur des sujets à impact, ayant toujours un contact avec des entreprises influentes. Dans ce cadre, je pourrais endosser un rôle important, en ce qu’il me permettrait de prendre part à l’amélioration du monde, sur le plan sociétal, humanitaire ou environnemental, à mon petit niveau. 

Passer les concours de la fonction publique est aussi une option intéressante… À voir ! 


Tu es donc une femme qui évolue dans un milieu historiquement masculin… Comment le ressens-tu au quotidien ? 

C’est une question qui a été abordée avec le colonel en entretien ! Il m’a notamment demandé si cela me posait problème de commander des hommes en tant que femme. À l’armée, c’est singulier, il y a bien sûr des hommes et des femmes, mais nous sommes avant tout des soldats.

Bien entendu, il n’est pas question d’oublier que l’on est une femme mais il n’y a pas de différence de traitement au quotidien, en tout cas je n’en ai ni été victime ni un témoin direct. 

Une grande question se pose néanmoins, celle de la féminisation de l’armée. 

Selon moi, c’est un non-sujet. Il n’est pas intéressant de féminiser l’armée pour féminiser l’armée, tout comme il n’est pas constructif d’instaurer des quotas, et pratiquer la discrimination positive pour espérer améliorer la visibilité des femmes. 

Il faut aller plus loin que cela ; une femme doit être recrutée, tout comme elle doit être valorisée et promue, pour ses compétences et rien d’autre. 


Un mot pour les étudiant.e.s désireux de s’engager dans un parcours dans l’Armée ?

S’engager dans l’Armée, c’est s’engager pour une cause qui nous dépasse, c’est s’engager parce que l’on croit en notre nation, et parce que d’une manière ou d’une autre, on y est attaché et on l’aime.

Engagez-vous aussi, bien sûr, si vous aimez le sport et vous dépasser sans cesse, car c’est vraiment l’esprit que l’on retrouve ici au quotidien ! 

Co-fondateur du média, je gère les relations avec les entreprises partenaires et les Grandes Ecoles. En parallèle étudiant à Sciences Po Paris ainsi qu'à emlyon business school.