Comprendre la crise des subprimes en regardant le film « The Big Short »

Comprendre la crise des subprimes en regardant le film « The Big Short »

La crise des subprimes de 2008 a secoué l’économie mondiale et a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire financière de par ses causes, ses conséquences, et sa complexité. Cependant, le film « The Big Short : Le Casse du siècle », réalisé en 2015 par Adam McKay, offre une perspective unique sur cet événement dévastateur. En mêlant réalité et divertissement, le film parvient à expliquer de manière compréhensible les causes profondes de la crise des subprimes.

Le contexte économique des Etats-Unis avant la crise des subprimes

Dans les années qui ont précédé la crise, le marché immobilier américain était en plein essor. Or, une fois que tous les salariés avec un revenu décent, et une certaine stabilité, sont propriétaires de leur maison, le marché peut perdre de sa splendeur et commencer à s’essouffler. Par avarice, égoïsme, volonté d’accroître les rendements actuels, les prêteurs hypothécaires ont commencé à accorder des prêts à risque, appelés « subprimes », à des emprunteurs peu solvables.

Des emprunteurs peu solvables sont des individus qui présentent un risque élevé de ne pas pouvoir rembourser leurs dettes, en raison de leur faible capacité financière, de l’instabilité de leur situation, de leur historique de crédit défavorable, ou même car ces agents économiques doivent déjà rembourser d’autres crédits. Concrètement, le marché immobilier est en croissance car tout le monde a la capacité d’obtenir un prêt et donc d’acheter un bien immobilier bien au-dessus de son revenu réel. De plus, ces prêts (plus de 90% selon le film) sont à taux variable comme c’est la norme de nombreux pays. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une situation comme décrite cidessus est une « bulle », comme il en existe sur beaucoup de biens, mais rien ne présage que cette bulle immobilière pourrait à ce point mettre à mal l’économie mondiale.

 

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The Big Short aborde les mécanismes sous-jacents à la simple bulle immobilière

Contrairement à ce que l’on pourrait intuitivement croire, les banques commerciales qui accordent les prêts « subprimes » ne subissent pas « réellement » le risque de non-paiement des intérêts et de la somme empruntée. En effet, elles utilisent un processus de titrisation. Autrement dit, les prêts hypothécaires, y compris les prêts subprimes, sont regroupés et transformés en titres financiers qui peuvent être achetés et vendus sur les marchés financiers.  Elles ont dont tout intérêt à nourrir l’ascension du marché immobilier puisqu’elles se débarrassent du risque encourus par l’accord d’un prêt au moment où le titre est vendu. Ces titres, connus sous le nom de titres adossés à des actifs (mortgage-backed securities), étaient considérés comme des investissements attractifs en raison de leur rendement potentiellement élevé.

« The Big Short » est basé sur le livre éponyme de Michael Lewis et suit les parcours de plusieurs personnages qui ont prédit la crise des subprimes et ont réussi à en tirer profit.  Le docteur Michael Burry incarné par l’acteur Christian Bale découvre que le marché de l’immobilier résidentiel américain est précaire, car fondé sur la distribution de prêts hypothécaires accordés à des personnes peu solvables, donc très risqués. Les prêts étant à taux variables, il suffit d’une augmentation des taux d’intérêt directeurs, par exemple, pour faire « exploser la bulle », soit une situation où les emprunteurs arrêtent de payer les mensualités. La réponse des optimismes est « mais qui ne rembourse pas sa maison ».

Pour revenir sur le docteur Michael Burry, ce dernier commence à voir une augmentation des défauts de la part des emprunteurs, dès lors, il devient persuadé que le marché immobilier va s’effondrer. Il espère donc profiter cette situation en contractant des couvertures de défaillances (Credit Default Swap, ou CDS) sur les titres hypothécaires émis par les banques.

 

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La crise des subprimes de 2008 n’est pas une simple bulle immobilière

Finalement, si « les financiers n’étaient pas des voraces sans scrupules », la crise économique de 2008 aurait pu se cantonner à une explosion d’une bulle immobilière liée à l’accord de prêts hypothécaires à des personnes peu solvables. Mais là où nous rentrons dans la crise des subprimes comme nous l’avons connu, c’est que ces prêts, comme nous l’avons dit plus haut, étaient regroupés et vendus sous forme de titres adossés à des actifs à des investisseurs, les fameux “MBS” (mortgage-backed securities). Puisqu’un prêt immobilier isolé n’intéressait pas les investisseurs (le risque étant trop concentré, car il dépendait des capacités de remboursement d’une seule personne), il faut regrouper plusieurs prêts en un seul produit financier et ainsi, c’est magique, le risque est dilué. Les MBS sont découpées en tranches, et notées par les agences de notation entre triple A (pour les personnes les plus aptes à rembourser les prêts) et B (les moins aptes) par des agences de notation. Ce que l’on appelle les “subprimes” ce sont les tranches risquées, c’est-à-dire entre B et double BB.

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Cependant, les banques comprennent que les investisseurs ne sont pas friands des tranches risquées, donc ces dernières ont pris la décision de les regrouper en obligations adossées à des actifs (CDO), des ensembles où les MBS les plus pourris du panier sont mélangés à d’autres MBS, et abusivement notés triple A par des agences. Le CDO est un portefeuille d’emprunts titrisés qui s’échange sur les marchés boursiers mais sans réellement savoir les risques encourus car tellement cachés, dilués et couverts par les agences de notation.

D’ailleurs, le film explique de manière simple pourquoi les CDO ont eu un tel succès dans une scène où l’actrice Selena Gomez joue au blackjack. Avec l’économiste Richard Thaler, ils définissent comment les CDO utilisent l’effet de levier pour placer des paris sur des paris, augmentant ainsi de manière exponentielle les sommes mises en danger par la titrisation des prêts hypothécaires. Les paris additionnels de plus en plus importants sur la main de blackjack de Gomez sont excellents lorsqu’elle gagne, une métaphore pour un marché immobilier en hausse. Cependant, lorsque Gomez perd la main – ou que les prix de l’immobilier commencent à baisser – ces mises secondaires déclenchent un effet domino qui crée des pertes de plus en plus importantes.

Pour aller plus loin par rapport à ce que nous avons écrit plus haut, Michael Burry anticipant la fin de la fête, achète des CDS (credit default swap), c’est-à-dire des contrats d’assurance, sur les MBS et les CDO en misant sur un non-remboursement massif des prêts à courte échéance.

Au fil des années, l’endettement des Américains progresse, et les taux de remboursement aussi. À tel point que nombre de ménages sont contraints de vendre leur maison pour être solvables. Problème : à une période où tout le monde croule sous les dettes, plus personne ne peut acheter de maisons. Certains quartiers se métamorphosent soudain en désert. Des millions d’Américains se retrouvent sans logement, les banques subissent de plein fouet la dévalorisation de l’immobilier. Nous rentrons dans la plus grande crise économique mondiale du XXIème siècle avec des banques beaucoup trop exposées au non-remboursement des crédits accordés.

 

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Pour conclure, le réalisateur parvient à expliquer clairement et de manière juste les raisons principales de la crise des subprimes et la manière dont certains traders ont réussi à en tirer parti. C’est un film qui a d’ailleurs été primé aux Oscars.