- ACTU BUSINESS ENTREPRENEURIAT
- Etienne Canonne
- 10 mai 2023
Interview de Nicolas Cruaud, fondateur de l’entreprise Néolithe
Peux-tu nous parler de ton parcours académique, puis professionnel/ entrepreneurial ?
Pour mon parcours académique, après une classe préparatoire au Prytanée, j’ai suivi une double formation en ingénierie mécanique et en entrepreneuriat à l’École Polytechnique de Paris (75) puis à l’Isae-Supaero.
C’est lors de ma dernière année d’étude, que mon père William Cruaud m’a soumis le concept qui est à l’origine de Néolithe. Tailleur de pierre, il a eu l’idée de fossiliser les déchets en partant du postulat que les calcaires sont, en fait, les déchets des dinosaures fossilisés.
À l’époque, encore étudiant à l’École Polytechnique, lui et moi avons ainsi eu l’opportunité de tester ce concept lors d’un « start-up week-end ». Nous y avons rencontré notre troisième associé fondateur, Clément Bénassy, qui est aujourd’hui le directeur général de Néolithe, et nous avons pu nous rendre compte que notre idée pouvait fonctionner. Le jury nous avait, d’ailleurs, encouragé à poursuivre nos travaux et nos recherches en ce sens.
Ensemble, nous nous sommes lancé le pari de traiter industriellement et écologiquement les déchets non-recyclables. Néolithe a ainsi été créée en 2019, pour proposer une alternative à l’enfouissement et l’incinération qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre.
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Peux-tu nous décrire Néolithe ? Que proposez-vous ?
Néolithe est une start-up industrielle spécialisée dans la conception et fabrication de Fossilisateurs, des unités industrielles de traitement des déchets non-recyclables (non-inertes et non-dangereux) par Fossilisation Accélérée.
Implantés directement sur les plateformes ou les centres de tri qui réceptionnent et captent les déchets, nos Fossilisateurs, qui représentent une surface au sol d’environ 500 m², sont capables de traiter 10 000 tonnes de déchets par an. Il s’agit d’une solution qui participe activement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en stockant plus de carbone qu’elle n’en émet, cela via un procédé entièrement mécanique, ne nécessitant aucune chauffe et n’émettant aucun rejet (odeur, fumée, eaux usées…). Aujourd’hui nous traitons essentiellement les déchets industriels banals issus du secteur de la construction, appelés DIB. Nous prévoyons d’ici 2 ans de traiter également les ordures ménagères.
Pour revenir plus en détail sur ce procédé à froid unique, voici les principales étapes qui le composent :
- La première étape, dite de broyage, consiste à réduire les déchets à l’échelle d’une sorte de farine très fine (grains entre 0 et 500 microns).
- La seconde étape, dite de mélange, consiste à faire réagir cette farine de déchets avec des liants qui permettent de minéraliser la matière. À la fin de cette réaction, nous obtenons une sorte de pâte à modeler minérale. Concernant les liants que nous utilisons lors de cette étape, il s’agit de formulations que nous avons mises au point et que nous produisons nous-mêmes.
- La troisième étape, dite de façonnage, consiste à presser et à modeler cette pâte minérale pour obtenir des granulats de la forme et de la densité souhaitée.
Les granulats minéraux issus de la Fossilisation Accélérée des déchets sont appelés « Anthropocite ». Ils peuvent se substituer à des granulats naturels issus des carrières pour une utilisation en béton non-structurel, sans risque technique ou environnemental.
De plus, ils agissent en tant que puits de carbone en prévenant la dégradation des matières biogéniques contenues dans le DIB de chantier. L’Anthropocite a une empreinte carbone négative, c’est-à-dire que pour une tonne de déchets traitée, 318 kg de CO2 équivalent est stocké au sein des granulats. La fabrication et l’utilisation de ces granulats ont donc un effet positif sur l’environnement.
En juin dernier, vous avez levé 20 millions d’euros. Comment cette troisième levée de fonds s’est-elle déroulée ? Que va-t-elle financer ?
C’était là notre troisième levée de fonds, et, au même titre que les précédentes, nous avons mené ce tour de table sans conseil extérieur (ie. sans banque d’affaire), et auprès d’une catégorie d’investisseurs que l’on appelle les ”Family Offices”. Ce sont des structures qui réinvestissent les plus-values d’un ou plusieurs entrepreneurs, industriels, etc. C’est pour nous des acteurs très intéressants car au-delà de leur apport financier, ils peuvent également nous apporter leur expérience, leur réseau par le biais d’une proximité accrue. Les « Family Offices » discutent par ailleurs très régulièrement entre eux ce qui peut faciliter des mises en relation lors de futures levées. De plus, ce sont des investisseurs qui ont ”le temps long”, et qui peuvent donc rester au capital bien plus longtemps que les fonds d’investissement classiques. Ils sont également plus compréhensifs ou ouverts à des modifications de business plan voire de business model car bien souvent, ils sont eux même passés par là.
Ces 20 M€ vont servir, et nous ont servi, dans un premier temps à financer les équipes et à atteindre la phase industrielle du procédé. En effet en date de cette levée Néolithe ne réalisait pas de chiffre d’affaires et ces fonds vont donc entre autres permettre de payer les salaires, frais courants, etc. Mais aussi, ces fonds nous ont permis de considérablement avancer en termes de R&D, et d’aboutir sur une seconde version de nos Fossilisateurs.
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Néolithe a remporté le Prix Spécial du Jury lors de la 30ème édition du Prix de l’Entrepreneur de l’Année, organisée par EY : était-ce important pour toi d’être reconnu ? Que cela t’a-t-il apporté ?
Nous pensons vraiment que nous avons le potentiel de créer un impact positif à l’échelle industrielle car notre procédé traite les déchets non-recyclables et capture le carbone. Remporter le prix de l’entrepreneur de l’année nous aide à gagner une crédibilité et, espérons-le, nous aidera à nous développer plus rapidement pour traiter les déchets dans le monde entier.
Où vois-tu Néolithe dans cinq ou dix ans ? Cherchez-vous à recruter ? Si oui, quels types de profils ?
Notre ambition principale est de participer activement et significativement à la réduction des gaz à effet de serre pour limiter au maximum les impacts liés au réchauffement climatique. D’ici 5 ans, nous souhaitons permettre l’économie de 5 millions de tonnes de CO2 par an.
Pour vous donner une échelle, si demain nous traitions par Fossilisation Accélérée l’ensemble des déchets émis en France chaque année, nous pourrions réduire l’empreinte carbone française de 5 à 10 % (toutes industries confondues). Ce procédé est donc en situation de faire évoluer la décarbonation de manière très significative.
Pour atteindre cet objectif ambitieux et urgent, nous développons très rapidement notre activité. Nous recrutons en moyenne 2 collaborateurs/trices par semaine dans tous les secteurs (administratif, ingénierie, laboratoire, production…) afin d’assurer notre développement et comptons actuellement 170 collaborateurs. D’ailleurs, n’hésitez pas à nous contacter pour participer à notre aventure !
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