SNCF, Trenitalia…: les coulisses de la concurrence ferroviaire

SNCF, Trenitalia…: les coulisses de la concurrence ferroviaire

Bien que l’ouverture à la concurrence soit effective pour l’ensemble des trains (grandes lignes et trains régionaux) depuis 2020, il a fallu attendre le 18 décembre 2021 pour qu’un opérateur ferroviaire vienne concurrencer la SNCF. En effet, Trenitalia concurrence la SNCF sur la ligne de train Paris-Lyon-Turin-Milan depuis cette date.

Ainsi, ce transporteur a ouvert la voie pour installer une concurrence saine et durable dans le transport ferroviaire français avec une multitude d’acteurs et de contraintes… Dans cet article, nous allons analyser les nouveaux acteurs du ferroviaire et les coulisses de cette ouverture à la concurrence tardive par rapport à d’autres pays européens.

 

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Quels sont les nouveaux acteurs du ferroviaire ?

Le Train sera peut-être le premier opérateur privé français (Trenitalia étant un opérateur public) à faire de la grande vitesse. L’entreprise vient d’obtenir la licence d’entreprise ferroviaire et souhaite réaliser un lancement commercial en 2024 dans le Grand Ouest (Bordeaux-Rennes, Bordeaux-Nantes et Bordeaux-Angoulême-Poitiers-Tours, Bordeaux-Poitiers-Niort-La Rochelle) avec un objectif de 50 trains chaque jour et 3 millions de passagers transportés par an. Les rames d’une capacité de 350 personnes seront construites en Espagne et entretenues par l’entreprise espagnole Talgo, concurrent d’Alstom, mais Le Train va construire une antenne de R&D en Nouvelle-Aquitaine.

Par ailleurs, un nouveau type de concurrence arrive : La coopérative Railcoop dans le Sud-Ouest à Figeac (Lot). En effet, Railcoop et ses 10000 sociétaires ont fait les constats suivants :

  • Il y a trop de lignes ferroviaires délaissées par la SNCF (Bordeaux-Lyon, Nantes-Lille etc).
  • Beaucoup de trajets doivent se faire par Paris.
  • Le fret est très peu développé et valorisé en France.

Ainsi, Railcoop fait déjà rouler des trains de marchandises entre Capdenac et Saint-Jory (à côté de Toulouse) avec l’objectif de remplacer 2000 camions par an au total. Pour le transport de voyageur, le projet a pris du retard pour la ligne Bordeaux-Lyon car elle devait ouvrir initialement en 2022 mais ce sera finalement en 2024. Les barrières à l’entrée sont nombreuses notamment pour Railcoop avec le coût d’acquisition des rames et l’état des voies dans le Massif Central. De plus, Railcoop souhaite aussi faire circuler des trains (anciens TER rénovés avec des cabines privatives et de nombreux emplacements vélos) sur les lignes Nantes-Lille ou Toulouse-Caen par exemple.

Ensuite, il y a l’acteur principal du moment dans la concurrence ferroviaire : Trenitalia. En effet, l’opérateur public italien est implanté en France sur la ligne Paris-Lyon-Turin-Milan depuis un peu plus d’un an et vient d’annoncer avoir transporté un million de voyageurs. Trenitalia se différencie grandement de la SNCF dans l’expérience voyageur car elle offre à ses voyageurs trois classes de confort (Standard, Business, Executive) et deux ambiances (Silenzio, Allegro) avec un prix d’appel à 23 euros en Standard et 29 euros en Business sur Paris-Lyon. Les chiffres dévoilés sont très encourageants car Trenitalia déclare un taux moyen d’occupation de ses trains égal à 70 % même si dans le détail, cela descend à 50 % sur le tronçon Paris-Lyon. Cela peut s’expliquer par son manque de visibilité notamment sur les sites pour réserver son train (SNCF Connect n’affiche pas les trains trenitalia).

Enfin, deux autres opérateurs se lancent dans le ferroviaire en France. Nous avons Transdev qui a gagné l’appel d’offre de la Région PACA pour exercer sur la ligne TER Marseille-Toulon-Nice dès 2025, ce qui est une première en France. Il y aura ainsi plus d’allers-retours entre les deux villes avec un prix du billet inchangé et des rames (16 nouvelles rames seront achetées) plus modernes mais aussi plus confortables (WiFi, espaces vélos supplémentaires, restauration.

La RENFE va aussi venir concurrencer la SNCF dès cette année sur les lignes Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid. En effet, ces deux lignes étaient exploités de manière conjointes avec la SNCF jusqu’à décembre 2022 mais les deux entités ont mis fin à neuf de partenariat car la SNCF avec son offre Ouigo marche sur les platebandes de sa rivale sur la ligne Barcelone-Madrid (34% de croissance).

 

Comment se déroule cette ouverture à la concurrence ?

L’ouverture à la concurrence est effective depuis 2020 mais nous pouvons observer qu’il y a seulement un seul acteur (Trenitalia) faisant circuler des trains sur une ligne à grande vitesse. En effet, pour pouvoir opérer sur une ligne, plusieurs barrières à l’entrée existent :

  • Les coûts du péage
  • L’acquisition de matériels roulants avec un prix très élevé.
  • Les certificats de sécurité et de signalisation à obtenir
  • Le paiement des péages (ce que paie l’opérateur à SNCF Réseau pour utiliser les voies afin de faire circuler des trains)
  • L’obtention de sillons ferroviaires (C’est le fait d’avoir un créneau horaire pour circuler sur une ligne de train).
  • Le poids historique de la SNCF dans les instances politiques (régions)
  • Le recrutement du personnel compétent (conducteur, aiguilleur, contrôleur etc)
  • L’état des voies

Au vu des différentes barrières à l’entrée citées, se lancer dans le transport ferroviaire est un processus particulièrement long, coûteux et fastidieux.

 

En quoi la concurrence ferroviaire est bénéfique pour les citoyens et la société ?

Les bénéfices de la concurrence sont nombreux pour les citoyens mais aussi les acteurs eux-mêmes grâce à la baisse des prix et à la hausse pour le nombre de billets vendus. Comme dirait Trainline « Tout le monde est gagnant dans un marché concurrentiel.» ou pas…

En effet, d’après une étude de Trainline sur la ligne Paris-Lyon entre Décembre 2021 et Août 2022, Trenitalia et la SNCF (TGV, Ouigo) ont connu une hausse pour le nombre de billets vendus (+18% pour les TGV, +57% pour OUIGO et surtout +176% pour Trenitalia.) mais aussi une baisse du prix pour le consommateur car le prix est passé de 45 à 42 euros en moyenne soit une baisse de 7% environ depuis l’ouverture à la concurrence sur la ligne Paris-Lyon qui est la plus rentable en France (Le taux de rentabilité est de 8% par an environ).

Par ailleurs, l’ouverture à la concurrence permet aussi de remettre en service des lignes plus exploitées par la SNCF comme le Bordeaux-Lyon par Railcoop ou ses projets de faire circuler des trains sur les lignes Toulouse-Rennes ou Nantes-Lille. Cela permet de remettre le train là où il n’est plus présent aujourd’hui, d’offrir une alternative de transport fiable, sécurisé, écologique (Le train est 50 fois moins polluant que la voiture et 80 fois moins polluant que l’avion) et confortable à un prix compétitif.

Enfin, la concurrence permet aussi d’augmenter le nombre de trains sur les lignes existantes, d’améliorer le niveau de confort avec des prestations différentes et variées (restauration, différentes classes, espaces supplémentaires pour les vélos) et de réduire les retards afin d’améliorer la ponctualité des trains.

 

Pour conclure, nous avons pu observé que le marché ferroviaire est en pleine mutation avec de nouveaux acteurs qui souhaitent s’implanter en France bien que différents modèles de business existent selon le type d’acteurs et les ambitions de chacun. Cependant, il est important de souligner que les barrières à l’entrée sont nombreuses et que cela ne doit pas faire oublier certains soucis comme le manque d’entretien des voies, la fermeture des guichets en gare ou de lignes « desserte fine du territoire » par exemple.

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Je suis Maxime DIGUET, rédacteur en chef adjoint de PGE et je souhaite au travers de mes articles vous partager plein de conseils et astuces.