- DÉCALÉ POLITIQUE
- Téo Perrin
- 11 février 2023
L’Assemblée nationale rejette le repas à 1€ pour tous les étudiants, à une voix près
Ce jeudi 9 février, sur 367 députés présents, 184 ont voté contre l’adoption du texte de loi déposé par le Parti socialiste proposant l’extension du repas à 1 euro pour tous les étudiants dans les restaurants universitaires. Alors que la NUPES défend une position de justice sociale, Renaissance, ainsi qu’une frange du groupe Les Républicains, dénoncent une mesure démagogique et refusent de dépenser de l’argent public de cette manière. Pour ces députés, les aides sociales doivent être dirigées vers ceux qui en ont le plus besoin, et non pas de manière égalitaire et aveugle des conditions sociales du bénéficiaire. Dans les faits, ce texte est révélateur des tensions et des blocages actuels à l’Assemblée nationale. Rapide tour d’horizon.
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Une mesure de justice sociale
Pour rappel, le lancement des repas à 1 euro pour tous les étudiants boursiers avait été initié par le député Renaissance (ex.La République En Marche) Sacha Houlié pendant la crise Covid en juin 2021. A cette époque, marquée par les conséquences de la crise sanitaire et l’augmentation frappante de la précarité étudiante, cette mesure avait été présentée comme la plus grande mesure de justice sociale de ces deux dernières décennies. En effet, les étudiants boursiers (quelque soit l’échelon) peuvent bénéficier d’un repas complet pour seulement 1 euro dans tous les restaurants universitaires (CROUS). Et ce, alors que le coût réel du repas consommé est estimé entre 7€ et 9€.
Lors de l’examen du texte au printemps 2021, les socialistes s’étaient joints aux Républicains et à la majorité présidentielle pour faire passer le texte. Seule La France Insoumise s’y était opposée. Le texte était passé, à l’époque, avec plus de 92% de votes favorables.
Un nouveau texte démagogique pour la majorité présidentielle
Mais cette année, revirement avec un amendement déposé par le camp socialiste qui propose d’étendre cette mesure à tous les étudiants. Porté par le PS, et soutenu par la NUPES, le texte a rencontré l’opposition des députés de la majorité présidentielle et de quatre députés LR. Une fois le texte rejeté, à une voix près, une fronde a été mené par la NUPES contre les députés Renaissance en plein débat sur les retraites. Jean Luc Mélanchon en tête, tweetant : « La macronie, parti des riches et du mépris, rejette le repas à 1 euro pour tous les étudiants (90 millions) mais augmente de 100 millions les aides sans contrepartie aux entreprises. »
Plusieurs réactions se sont fait entendre au sein de la majorité pour défendre ce vote. Le président des Jeunes Avec Macron – Ambroise Méjean – qui a publié une vidéo dans laquelle il défend la position du groupe et vient dénoncer la « démagogie qui se fait passer pour la justice sociale ».
Le député Sacha Houlié a pour sa part tenu à dénoncer les commentaires haineux qui lui ont été envoyés à la suite du vote. Dans un post Instagram, il écrit qu’« A l’ère du populisme, on peut être harcelé sur les réseaux sociaux alors même qu’on est à l’origine de la plus grande avancée sociale pour les étudiants ces dernières années (repas à 1 euro). »
Puis de mentionner « Pour mémoire, s’agissant des repas à 1 euro pour les étudiants, lors de leur création en 2021, LFI s’y était tout simplement… opposé ! »
L’absence remarquée de députés écologistes
Peu de temps après le vote, des voix se sont fait entendre dans les rangs de la NUPES pour dénoncer l’absence de la moitié des députés Europe Ecologie Les Verts (EELV) au moment du vote. En effet, sur 22 députés siégeant à l’Assemblée, seuls 12 étaient présents lors du vote du texte ce jeudi. Le scrutin s’étant joué à une voix près, beaucoup pointent du doigt cette absence, ici, décisive.
Derrière ce texte et les jeux politiques qui s’y cachent, se dissimule un sujet majeur pour le quotidien de nombreux étudiants : la question de la précarité. Alors que la crise de la Covid-19 avait déjà fortement troué le porte monnaie de nombreux jeunes – en témoigne les files d’attente à rallonge devant les centres d’aide alimentaire – l’inflation qui a bondi en 2022 est venue enfoncer le clou de l’insécurité alimentaire. Des associations s’engagent pour lutter face à ce constat, le gouvernement et des députés tentent d’y remédier. Néanmoins, la réponse devra être plus systémique et s’attaquer à la structure des aides pour les étudiants en France. Morcelés par les jeux politiques sous-jacents, les débats comme ceux autour du texte du 9 février empêchent de vraiment réfléchir une situation qui reflète pourtant les difficultés de milliers de jeunes.