“Uber Files”, l’enquête qui révèle la face cachée d’Uber

“Uber Files”, l’enquête qui révèle la face cachée d’Uber

Uber files est une enquête qui repose sur des milliers de documents internes à Uber adressés par un lanceur d’alerte au quotidien britannique The Guardian et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation et à 42 médias partenaires. Ces documents révèlent la manière dont Uber a évité les lois, dupé la police et usé de la violence à l’encontre des conducteurs. 

124 000 documents datés de 2013 à 2017, période durant laquelle Travis Kalanick était à la tête d’Uber, offrent un voyage dans les secrets d’une start-up qui cherchait à s’implanter dans les métropoles du monde entier. Environ 83 000 emails et messages détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage. 


Ce que révèlent les documents

L’enquête révèle comment le groupe a mis en oeuvre des pratiques jouant très clairement avec les limites de la loi, s’apparentant étrangement à de l’obstruction judiciaire, face aux enquêtes dont il faisait l’objet. L’entreprise aurait pratiqué l’évasion fiscale, ce qui leur aurait permis d’économiser 500 millions de dollars. Les bénéfices auraient transité par les Bermudes et d’autres paradis fiscaux. 

Les documents montrent comment Uber a trouvé des voies non-officielles vers le pouvoir, en exerçant son influence par le biais d’amis ou d’intermédiaires. Ainsi l’application a obtenu le soutien de personnalités puissantes dans des pays stratégiques comme la Russie, l’Italie ou l’Allemagne. Uber offrait des actions dans la start-up, les faisant passer pour des “investisseurs stratégiques”. 

Les Uber Files ont également révélé le “Kill switch” pour éviter les perquisitions dans ses locaux, la rémunération de tiers pour la publications de faux articles louant ses services ou son modèle économique. 

Dans certains cas Uber a réussi à persuader les gouvernements de réécrire des lois ! Mais dans d’autres pays l’entreprise s’est retrouvée bloquée par des autres agences de taxis. 


Une collaboration avec Emmanuel Macron 

Le dossier contient également des messages échangés entre Kalanick et Emmanuel Macron, qui aurait secrètement aidé l’entreprise en France lorsqu’il était Ministre de l’Economie. L’actuel président français semble avoir grandement aidé Uber, disant même à l’entreprise qu’il avait négocié un « accord » secret avec ses opposants au sein du cabinet français.

Emmanuel Macron aurait été une “oreille attentive” devant le groupe Uber, selon Le Monde qui a eu accès aux Files. 

Le ministre de l’économie à cette époque aurait donc joué un rôle dans l’implantation de Uber en France en concluant un accord avec la firme. Les termes de l’accord prévoyaient qu’en échange de l’abandon de la mise en place du service UberPop, responsable de la colère et la grève des taxis à l’époque, les conditions d’accès à la profession de chauffeur VTC seraient facilitées.

Le deal était donnant-donnant, les deux parties marchaient main dans la main pour atteindre leur objectif propre : l’autorisation de s’implanter en France dans des conditions optimales pour Uber et la libéralisation du marché défendue par Emmanuel Macron qui posait, entre 2014 et 2016, les jalons de sa campagne pour devenir président de la République.

Le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron a été interrogé sur ses liens avec Uber et son entrée sur la marché français : “Je suis fier de ce que j’ai fait, du combat que j’ai mené. Mais ce combat, il faut le regarder jusqu’au bout. J’ai fait venir des entreprises, j’ai fait venir des entrepreneurs. J’ai surtout aidé des jeunes à qui on n’offrait pas d’emplois et qui venaient de quartiers difficiles. Ces jeunes qui n’avaient pas d’opportunités de jobs, je les ai aidés à en trouver pour la première fois de leur vie. Et quand je suis devenu président, on a régulé le secteur, sans aucune complaisance.


Uber savait qu’il jouait dans l’illégalité 

Les messages montrent que les cadres étaient bien au courant de l’illégalité de leurs actes, ils se qualifient eux-mêmes de “pirates” et se sont même envoyés “We’re just fucking illegal”. 

Un cadre haut placé a même fait part de son inquiétude dans un email privé, écrivant : “Nous sommes illégaux dans certains pays, nous devrions éviter de faire des déclarations antagonistes”. Ajoutant, “Nous sommes officiellement devenus des pirates”. 


Réaction d’Uber

Dans une déclaration en réponse à cette fuite, Uber a admis avoir commis une erreur, mais ajoute que les choses ont changé depuis 2017, avec l’arrivée du nouveau CEO, Dara Khosrowshahi. Le géant déclare : “Nous demandons au public de nous juger sur ce que nous avons fait au cours des cinq dernières années et sur ce que nous ferons dans les années à venir”.