Youssef Zakaria : interview du CEO de Meet in Class
Youssef ZAKARIA, CEO de Meet in Class, a participé à la saison 2 de l’émission Qui veut être mon associé ? sur M6. Il a accepté notre interview.
Bonjour Youssef Zakaria. Peux-tu pitcher Meet in Class ?
Meet in Class est la première plate-forme de soutien scolaire en mini groupes en France. Acadomia a 120 agences en France, nous en avons 5 000. En effet, nous avons 5 000 professeurs qui peuvent accueillir des élèves chez eux partout en France. Acadomia n’ouvre pas d’agence dans une zone qui n’est pas rentable. Dans une zone d’éducation prioritaire par exemple, ce n’est pas intéressant pour eux. Pour nous, ce n’est pas grave parce que le professeur est une mini agence et c’est lui qui accueille les élèves chez lui. C’est ce qui fait de nous la première plate-forme de soutien scolaire en mini groupe de France en termes de lieux de cours.
Qui es-tu et quel est ton parcours ?
Je suis né au Maroc en 1992 et j’ai eu mon bac à 17 ans. Ensuite, j’ai pris le large vers Nice. Je ne voulais pas arriver directement à Paris, la différence de température était trop grande ! Ainsi, j’ai préféré une destination intermédiaire : j’ai fait ma classe préparatoire aux grandes écoles à Nice pendant deux ans. J’ai ensuite fait Centrale en 2011.
Mon parcours a été classique. Je n’ai cependant pas fait d’année de césure, ce qui était rare. C’était tellement la mode de l’année de césure que je me suis complètement décalé de toute ma promotion en n’en faisant pas. Cela ne m’a toutefois pas empêché de faire un stage de fin d’étude durant lequel j’ai fait ce que je voulais.
A Centrale, nous avions la chance d’avoir une filière entrepreneuriale. Grâce à elle, nous pouvions lancer notre boîte à la place de faire un stage de fin d’étude. L’entreprise que j’ai lancée est devenue une association à but non lucratif parce que c’était trop humanitaire. Cela s’appelait Douar in. On prenait des stagiaires des grandes écoles françaises et étrangères et on les emmenait dans des villages perdus d’Afrique, plus précisément au Maroc. L’objectif était de dépasser les frontières marocaines mais nous ne l’avons finalement jamais fait. Au total, une cinquantaine de stagiaires sont venus au Maroc.
Quel a été le déclic pour lancer Meet in Class ?
J’avais deux objectifs. Tout d’abord, je voulais gagner ma vie. Ensuite, je voulais vraiment construire quelque chose sur du long terme et j’ai vu que l’association (qui était une entreprise sociale à l’époque) n’avait pas de modèle économique viable. En attendant d’avoir la bonne idée, j’ai voulu m’arrêter et travailler. J’ai alors fait du conseil, ce que font toutes les personnes plutôt généralistes. Chez CGI Business Consulting, j’ai fait du conseil en management pendant 2 ans environ. Ensuite, j’ai travaillé dans une entreprise de conseil en stratégie pour bosser un peu plus.
En parallèle, et depuis que je suis étudiant, j’ai continué de donner des cours de soutien scolaire. A ce moment-là, il m’est arrivé l’histoire que j’ai racontée sur M6 : la maman qui m’a appelé et qui m’a demandé des cours pour son enfant. La suite est sur la vidéo de M6, n’hésitez pas à aller la voir ! Je lui ai proposé que son fils partage un cours avec un autre étudiant et elle a dit oui. J’ai ainsi vu qu’il y avait une vraie opportunité. A ce moment-là, pour bénéficier de Pôle Emploi (premier financeur de startups françaises !), je n’ai pas démissionné. Avec mon employeur, nous avons fait une rupture d’un commun accord pour que je puisse commencer Meet in Class.
Tu as commencé à entreprendre tout en étant étudiant. Avec ton recul, penses-tu que c’est une bonne idée d’entreprendre en parallèle des études ?
Oui, je pense que si j’avais lancé Meet in Class sans avoir lancé Douar in, il y aurait eu moins de chances de succès. J’ai beaucoup d’exemples autour de moi d’entrepreneurs qui réussissent beaucoup mieux la deuxième fois que la première fois. Il peut effectivement être intéressant d’échouer jeune. C’est plus gênant de subir un solide échec quand on a une famille et des enfants. Quand on est étudiant, on n’a rien à perdre et tout à gagner.
Je pense que c’est donc une bonne démarche mais je ne dis pas que c’est la seule. Il y a des gens qui ont suivi une belle carrière juste après l’école et qui ont lancé une entreprise après. En fait, tous les modèles peuvent marcher. Ce n’est pas une mauvaise idée de lancer une entreprise pendant les études, surtout quand son école propose une filière entrepreneur. Je recommande aux élèves de prépa de sélectionner leur future école en fonction de l’existence de cette filière s’ils souhaitent devenir entrepreneurs.
As-tu acquis des connaissances clés dans filière entrepreneuriale à Centrale ?
Tout ce que l’on m’a enseigné en dernière année d’école sur l’entrepreneuriat m’a fait gagner un temps considérable. Je connaissais déjà tous les financements en France. Je savais que la France n’était pas, comme on peut parfois le dire, un pays dans lequel il est difficile d’entreprendre. Au contraire, c’est un des pays au monde où il est le plus facile d’entreprendre.
Il faut savoir que quand on devient très grand, on paie en retour. En revanche, quand on est tout petit, on a plein d’aides sans céder de parts. On peut facilement lever 300 000 € d’aides sans céder de capital. Même aux Etats-Unis, cela n’existe pas. Ce sont des choses que l’on apprend concrètement à l’école avec des centaines d’heures de cours. Ce n’était pas de la perte de temps car les professeurs étaient eux-mêmes entrepreneurs. En effet, la meilleure façon de devenir entrepreneur est de rencontrer des entrepreneurs. Je ne regrette pas du tout d’avoir entrepris en étant étudiant, surtout avec ce bagage-là.
Quelles sont ces aides disponibles en France pour les jeunes entrepreneurs ?
Dans cet ordre, il y a :
- La bourse french tech (jusqu’à 30 000 € tout de suite)
- Prêt d’honneur (en fonction de sa région, jusqu’à 90 000 € en Ile-de-France). Il s’agit d’un prêt à taux zéro que l’on ne rembourse que si l’on réussit.
- Réseau Entreprendre (jusqu’à 50 000 € de prêt d’honneur)
C’est le parcours obligé de quelqu’un qui commence. Il y a toutefois d’autres prêts comme ceux de la BPI (prêts à taux zéro). Dans notre cas, nous avons bénéficié d’un prêt de 140 000 € auprès de la BPI pour financer notre développement informatique. Si on fait de la vraie R&D, on peut facilement monter à 500 000 € d’aides BPI en gagnant un concours. Il y a de de belles opportunités pour les startups françaises.
En venant sur le plateau de M6, tu avais un objectif de 300 000 € contre 5 % de capital. Quel est ton point de vue sur la levée de fonds ? En effet, certains se refusent à en faire.
Il faut savoir que l’on a déjà levé des fonds avant même d’aller sur cette émission, un an et demi auparavant. Nous étions déjà à l’aise avec le fait de partager le capital avec des gens qui nous aident. On avait déjà des business angels. Il n’y avait donc pas du tout de blocage quant à céder du capital à des gens qui allaient nous apporter des choses en retour, que ce soit de l’argent ou des conseils. Nous l’avions déjà fait et nous étions prêts à le refaire car c’est important de ne pas rester seul. On peut avoir des associés mais aussi des gens expérimentés qui croient en nous. C’est d’ailleurs une vraie chance.
Pour la plupart des projets très ambitieux, il ne faut pas se priver. Lorsque l’on a un projet peu ambitieux mais avec un objectif de réussite rapide, céder des parts n’est pas une bonne idée parce que nous ne savons pas forcément quoi faire de cet argent. Quand on n’a pas une grosse ambition, on n’a pas besoin de beaucoup d’argent. Quand on a une grosse ambition, en revanche, lever des fonds est nécessaire.
Avec des cours à 15€ de l’heure, c’est impossible si on ne lève pas de fonds. Ce ne serait pas rentable. Cela devient en revanche rentable quand on a 10 000 élèves. Uber ou Airbnb n’auraient jamais pu exister s’il n’y avait pas eu de levée de fonds. Il y a évidemment d’autres projets où ce n’est pas forcément utile. Pour ouvrir une boucherie par exemple, ce n’est pas pertinent. Pour un projet très ambitieux où l’on vise très grand, avoir des gens qui investissent prend tout son sens.
Depuis le début de l’interview, tu privilégies le « on » au « je ». Peux-tu nous parler des personnes avec qui tu as fondé Meet in Class et nous parler de ta stratégie d’association ?
Il faut savoir ce que l’on veut au début. Ainsi, on sait avec qui s’associer. Je voulais une plate-forme qui fonctionne très bien, c’est pourquoi je devais trouver le meilleur développeur possible. Je cherchais un profil CTO, très technique et très bon. J’ai rencontré au moins dix personnes pour chercher le meilleur. Je suis aujourd’hui très heureux de m’être associé avec le meilleur que j’aurais pu rencontrer, tant sur le point de vue humain que technique.
C’est Arnaud, qui est apparu sur le plateau de M6. Il n’est pas vraiment extraverti donc il n’a pas envie de parler avec les investisseurs, il est plutôt resté dans la salle à côté. En revanche, côté développement, c’est une tuerie. Toutes les personnes qui ont mis leur nez dans notre plate-forme ont vu que c’était d’une propreté extrême et c’est quelque chose de malheureusement très rare dans le monde de la tech. C’est facile de coder des choses qui ne marchent pas, beaucoup moins des choses sans bug. J’étais content d’avoir un associé qui maîtrise cet aspect que je ne maîtrise pas du tout.
Comment as-tu rencontré Arnaud, ton associé ?
J’ai utilisé plein d’outils : LinkedIn, des dîner… J’ai passé environ quatre mois à chercher. Avant que je rencontre Arnaud, j’avais rencontré une fille qui réussissait très bien dans l’entrepreneuriat, bien avant moi. Je lui avais demandé comment elle avait trouvé son associé et elle m’avait dit qu’il n’y avait pas de règle et que chacun trouvait son associé à sa façon. Cependant, pour augmenter ses chances d’en trouver, il faut en parler partout. A chaque fois que j’allais dîner, que je déjeunais ou que j’étais invité chez des amis, je leur demandais s’ils connaissaient un bon développeur. Arnaud était dans un meet-up. On n’a jamais participé au meet-up car j’ai été chercher tous les contacts des gens qui participaient avant d’y aller. Nous étions donc d’accord avant que le meet-up ait lieu. C’était une des façons avec lesquelles je cherchais mais une autre aurait pu marcher.
Quelle est la prochaine étape pour Meet in Class ?
Lorsque l’on a fait le tournage de M6, nous étions dans 6 villes (en région Ile-de-France plus 5 départements). Actuellement, nous sommes dans 29 départements. D’ici un an, nous souhaitons être présents sur toute la France avant d’aller chercher à l’international. Toutefois, nous n’avons pas encore priorisé les pays à lancer. La prochaine étape reste la France.
Concernant Meet in Class, as-tu connu un échec ?
Oui, énormément. J’échoue très souvent. Beaucoup d’entreprises décollent de manière exponentielle en levant des fonds en un an. Ce n’était pas notre cas, nous avons pris notre temps depuis 2017. Nous avons accepté que l’éducation n’était pas un domaine dans lequel nous pouvions exploser très vite. D’ailleurs, nous n’avons jamais vu d’autres startups dans l’éducation des jeunes de moins de 18 ans (hors formation professionnelle). Avec notre petite taille, prendre son temps pouvait sembler être un échec mais nous l’avons accepté et nos investisseurs aussi. Quand on voit des startups monter très vite à côté de soi, on se demande si c’est nous qui avons quelque chose en moins ou si c’est une question de secteur d’activité. On a accepté que l’on pouvait faire mieux. D’ailleurs, nous faisions chaque jour un peu mieux que la veille.
Nous avons accepté que nous étions dans un domaine qui explosait à long terme et pas à court terme. Il faut d’abord avoir des élèves qui réussissent , qui finissent l’année scolaire et qui laissent un avis favorable. A ce moment-là, ils commencent à en parler autour d’eux. Le bouche-à-oreille ne se fait pas tout de suite. Lorsque l’on demande un avis aux parents après deux séances, ils répondent qu’ils viennent de commencer et qu’ils en donneront à la fin de l’année scolaire. C’est une histoire de long terme. Ce n’est pas en sortant d’un cours qu’on réalise que l’on a vraiment réussi. Contrairement à Airbnb où le client peut avoir un avis immédiatement après son voyage, réussir dans la vie et en particulier dans sa scolarité est un processus long. Ce sont des choses que l’on accepte chez Meet in Class.
Au contraire, as-tu eu un beau souvenir entrepreneurial qui te laisse penser que tu as réussi ?
Là où je pense que j’ai réussi, c’est lors de ma participation à l’émission de M6. Je ne pensais pas avoir le cran de dire non à une belle offre devant le monde entier. Cela s’est fait rapidement sur place, sans préméditation et je ne le regrette pas du tout. Cela aurait pu tourner en catastrophe si l’on n’avait pas réussi notre levée de fonds parce qu’elle n’était pas encore signée. Nous étions loin d’avoir des offres définitives. Le fait que l’on ait signé après coup rend l’histoire d’autant plus belle. On a pris la bonne décision mais ce n’était pas évident en sortant de l’émission. Tout le monde m’a demandé pourquoi j’avais fait cela. Cette décision difficile qui s’est avérée bonne plusieurs mois après est mon meilleur souvenir avec Meet in Class.
Cela vaut le coup d’être entrepreneur quand on a de grosses ambitions. Quand j’étais consultant, je ne pouvais pas atteindre les ambitions que j’ai aujourd’hui. Se lancer en vaut vraiment la chandelle. Il ne faut pas cacher ses ambitions. Plus on en parle, plus on y croit et plus on a de chances d’y arriver.
Quel retour peux-tu nous faire de l’émission de M6 Qui veut être mon associé ?
Tout est très beau dans l’émission et je les remercie beaucoup de faire cela. C’est du réel à 100 %. Je pensais vraiment qu’il y aurait un peu de mise en scène. Ils ont d’ailleurs peut-être poussé le réel trop loin car j’ai vu des candidats qui ont demandé s’ils pouvaient refaire leur pitch. La production acceptait mais les images du début du premier pitch ont quand même été diffusées. C’est du réel, il n’y a aucune mise en scène.
Les jurys investissent avec leur propre argent et ils sont très critiques. C’est évidemment dans le montage où il y a un peu de mise en scène. Notre tournage a en effet duré près de deux heures. Ils ont posé plein de questions. La production a dû choisir ce qui était sensationnel et ce qui racontait une histoire, mais c’est vraiment du réel. J’ai ressenti des émotions très fortes. A la fin, j’ai senti que mes jambes allaient lâcher tant c’était intense. Côté candidat et côté jury, personne n’est acteur. On aurait pu faire la même chose sans la caméra.
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Recrutez-vous actuellement des étudiants chez Meet in Class?
Oui, nous recherchons toujours des stagiaires de fin d’étude ou de césure pour six mois car nous aimons bien les garder après. Ce sont les deux formats qui nous plaisent beaucoup parce qu’on peut apprendre beaucoup en six mois et parce que c’est intense des deux côtés. Nous avons de la valeur qui se crée mais, en général, le stagiaire passe chez nous le meilleur stage de sa vie. Les postes ouverts sont essentiellement du business development, pour lancer de nouvelles villes par exemple.
Nous proposons également des jobs de 17h à 19h en semaine et le samedi dans notre service client. Ce sont souvent les étudiants qui préfèrent ce genre d’offres.
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Aurais-tu un conseil pour un étudiant qui souhaiterait entreprendre ?
Je recommande de se former un minimum en entrepreneuriat. De plus, il ne faut pas être trop technique. Si tel était le cas, il faut trouver quelqu’un avec qui s’associer qui ait un profil vendeur. Si on n’est pas très vendeur mais qu’on peut le devenir, il faut acheter le livre La prodigieuse machine à vendre. Soit on sait vendre, soit on l’apprend, soit on s’associe avec quelqu’un qui sait vendre. Développer dans son coin quelque chose qui ne se vend pas est mauvais. C’est une expérience que je ne souhaite à personne.